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LITURGIE
Série publiée sous la direction du Révérendissime Dom Cabrol
ABBÉ UE FAKN'BOUGUGH
LE MISSEL ROMAIN
Ses Origines, .^^^3^dfl!;^^
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PAR JV^
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Do M JuL^R$f^*B'A,0!d;
Bénédictin de Farnoorougli
PARIS
LIBRAIRIE BLOUD & O'
7, PLACE SAINT-SULPICE, 7
I ET 3, RUE FÉROU, 6, RUE DU CANIVET
I9I2
Reproduction et Traduction intercj^p^é^ v
J^
NIHIL OBSTAT
-|- Fr. Ferdinandus Cabrol.
Abbas Farnburgensis.
Die 14 Septembrls ipii
IMPRIMATUR
ParisiSy die 20 Ociohrîs ipii.
P. Pages, v. g.
LE MISSEL ROMAIN
Ses origines, son histoire
(Suite)
TROISIEME PARTIE
Période du Missel plénîer
PRELIMINAIRES
I. Notion du Missel plénier. — Le Missel
plénier est le recueil où sont réunies toutes les
prières nécessaires à la célébration de la sainte
Messe, avec l'indication des rites et des cérémo-
nies qui accompagnent la récitation de ces prières.
Il renferme le contenu des Sacramentaires (col-
lectes, secrètes, préfaces, postcommunions et
canon de la messe, le contenu des Lectioiinaires
et Evangéliaires (épîtres et évang-iles de l'année),
l'ancien Antiphonaire de la Messe ou recueil des
parties chantées par le chœur (introïts, graduels,
alleluïas ou traits, offertoires , cotnintùnions ; Kyrie,
Gloria in excelsis. Credo, Sanctus et Ag7tus),
enfin les indications données par les Ordines ou
Céréinoniaiix et marquant les rites à observer
dans l'offrande du saint Sacrifice.
II. Dénomination du recueil. — L'expression
Missel est certainement plus ancienne que le
recueil auquel elle devait être appliquée à partir
du ix^ siècle : on la trouve dansEgbert d'York (i)
(732) sous cette forme Liber Missalis^ elle se lit
(i) Eghert d'York, De Institutione catholica, xvi, i, P. L.,
t. LXXXIX, c. 441.
LE MISSEL ROMAIN
également dans les Capitulaires de Charle-
magne (i) (789), dans Amalaire (2) au début
du IX® siècle ; mais il est manifeste par le contexte
de ces divers passages que le mot sert à désigner
le Sacramentaire . Ces auteurs entendent simple-
ment indiquer le recueil que Gennade appelait
au V® siècle Sacrainentorum volumen (3), ce qu'au
VI^ siècle, Grégoire de Tours nommait Libellus (4).
Il ne paraît pas qu'on puisse donner un autre sens
aux termes employés par Agnellus (5) : telle est en
eflfet la remarque de Muratori commentant le texte
d' Agnellus, « le recueil appelé Missales ou
Missalia, dit-il, se rapproche du Sacramentaire,
avec cette particularité qu'il renfermait des messes
pour les jours ordinaires. » Nous savons que
c'était aussi le cas pour la plupart des Sacramen-
taires au VIII® et au IX® siècle. D'ailleurs, en Gaule,
dès le VII® et le Vlir siècle, on trouve l'expression
Missale pour désigner un Sacramentaire ; c'est le
cas du Missale FrancoruiUy du Missale GothicMin^
c'est aussi le cas des missels de Bobbio et de
Stowe. Cependant entre ces deux derniers docu-
ments et les missels pléniers, il existe un point
de contact nouveau ; les uns et les autres con-
tiennent les lectures de l'épître et de l'évangile en
même temps que les oraisons et les préfaces (6).
L'accroissement donné aux anciens Sacramen-
taires amène une modification dans le sens du
mot Missel ^t pour marquer cette modification on
(i) Voir P, L., t. XCVII, c. 177.
(2) De ecclesiasticis officiiSy lib. 8, c. 40 ; lib. 4, c, 3o.
P. L., t. CV, c. ii58 et 1219.
(3) P, L., t. LVIII, c. iio3.
(4) De Vitis Patrum, cap. 16. P. L., t. LXXI, c. 1075.
(5) Liber Pontificalis ou Histoire des évêques de Ravenne,
écrite vers 840. P. Z.,t.CVI,c.6io,et remarque de l'annotateur.
(6) C'est une remarque du P. Lesley dans ses notes sur le
Missel mozarabe; P. L., t. LXXXV, c. 87.
LE MISSEL ROMAIN D
ajoute le qn3i\iûc2itif p/é mer. On lit dans une lettre
synodale du pape Léon IV (844-855) : « Que
chaque église possède un Mïssel plénïer, un Lec-
tio7inaire et un Aniiphonaire (i). » Les mots
Missale plenarium impliquent manifestement un
recueil autre que le Sacramentaire. C'est du
moins ce qui résulte des témoignages suivants :
au cours du ix® siècle, dans les comptes rendus de
visites pastorales faites par Hincmar de Reims,
on relève cette indication : Missale cuin Evait-
geliis et Lectionibus seu Antiphonario vo lumen (2).
Au x*" siècle, Rathier de Vérone (974) dans une
lettre synodale adressée à ses prêtres, reproduit
à peu près textuellement l'ordonnance du pape
Léon IV : Que chaque église, dit-il, possède
Missel plénier, Lectionnaire et Antiphonaire.
L'annotateur qui invoque le témoignage de
Réginon de Prûm (892), de Léon d'Ostie (un
des rédacteurs de la chronique du Mont-Cassin
au xr siècle), donne l'explication suivante : Le
Sacramentaire contenait le canon de la messe, les
oraisons et les préfaces ; le Missel plénier y joi-
gnait les évangiles et lesépîtres(3). Quand, après
cela, nous entendons, au Xl^ siècle, Bernon de
Reichenau nous assurer que son monastère pos-
sède un Missel autrement distribué que celui de
l'Eglise romaine, nous pouvons croire que le livre
en question n'était pas un pur Sacramentaire (4).
La chronique du Mont-Cassin, écrite à l'époque
où vivait saint Anselme, constate le même fait ;
elle témoigne même du désir d'en revenir aux
recueils séparés à cause de l'inconvénient de lire
(i) P. L., t. CXV, c. 878.
(2) Guérard : Polyptique de l'abbaye de Salnt-Remi de
Reims, Paris, i852, p. 78.
(3) P, Z., t. CXXXVI, c. 559.
(4) P. L., t. CXLII, c. 1002.
6 LE MISSEL ROMAIN
dans le Missel plénier aussi bien les évangiles que
les épîtres (i). Comment expliquer ce vœu relatif
aux recueils séparés ? Peut-être est-ce pour le
motif que la pauvreté de certains monastères ne
leur permettait pas d'avoir un double recueil et
alors, pour les messes conventuelles, le sous-
diacre et le diacre devaient se servir du livre à
l'usag-e du prêtre pour y lire l'épître et l'évan-
gile (2).
On voit, par ces citations, les origines de la
dénomination de Missel plénier ; multiplier ici ces
citations serait anticiper sur l'exposé qu'on trou-
vera dans le chapitre premier de la première
section. Il fallait dès l'abord avertir le lecteur que
la signification de ces mots : Mïssel plénier fut
pendant un certain temps plus ou moins flottante ,
III . Division de la troisième Partie. — On
vient de le voir, les premières origines du Missel
plénier se placent vers le IX® siècle : gardons-
nous de croire pourtant que le recueil apparut
au premier moment avec tous les éléments
énumérés plus haut. Il dut parcourir plusieurs
étapes ; il s'accrut ainsi successivement, devint le
livre liturgique analogue à notre Missel tout au
plus vers la fin du XII^ siècle. A côté de lui, pen-
dant cette première époque, on vit encore des
Sacramentaires. A partir du XIIl^ siècle, ceux-ci
disparaissent, et le Missel plénier acquiert une
position toute prépondérante ; on voit alors
se dessiner le Missel de la curie romaine, et à
côté, les Missels des ordres religieux, ceux des
églises particulières. L'histoire de ces missels
remplit le XIV® et le XV^ siècle. A la fin du
XVI® siècle, durant les années qui suivent le saint
concile de Trente (1576), le Missel Romain est
(i) P. L., t. CLXXIII, c. 735.
(2) Zaccaria : Onofnastico7î, au mot Plenarmm, t. II p. 91.
LE MISSEL ROMAIN 7
mis en harmonie avec le Bréviaire édité par les
soins de saint Pie V : comme le Bréviaire Romain,
il fut universellement adopté, et, en dépit de
l'écart momentané de certaines églises, il est resté
le livre officiel de l'Eglise catholique.
Ainsi dans cette troisième période de l'histoire
du Missel, on peut distinguer dezix époques :
V^ Epoque : Le Missel plénier, sa foriitation et
sa prédoininaiice .
IP Epoque : Le Missel Romaiji depicis saint
Pie Vj'usqu 'à nos j'ou rs .
La première époque comprendra trois cha-
pitres :
Chapitre Premier. — La formation du Missel
plénier, où l'on étudiera :
1° Ses précurseurs immédiats et ses débuts
au IX^ siècle ;
2° Le Missel plénier improprement dit :
3'^ Le Missel plénier proprement dit.
Chap. IL — L'existence des Sacramentaires
parallèlement aux Missels pléniers :
i°Les Sacramentaires aux xr,Xll^ et Xlll^ siècles.
2^ Le contenu de ces Sacramentaires.
Chap. IIL — La prédominance du Missel plé-
nier et son histoire aux XIII^, XIV^ et XV® siècles.
1 " Substitution progressive du Missel plénier
aux Sacramentaires.
2*^ Le Missel de la curie romaine.
3° Le Missel de quelques églises particulières
et des ordres religieux :
La seconde époque comprendra qtiatj'e cha-
pitres:
Chapitre Premier. — Acheminement vers une
réforme pour l'unification du Missel.
LE MISSEL ROMAIN
Chap. II. — Le Missel Romain de saint
Pie V(i57o).
i*^ Travaux préparatoires et Bulle de promul-
gation.
2° Contenu du Missale Piamtin.
3° Accueil fait au Missale Piaitîiin et sa prompte
diffusion.
Chap. III. — Le Missel Romain au XVir et
au xviir siècle.
1° Corrections et additions émanant de l'au-
torité légitime.
2^ Atteintes portées au Missel Romain dans les
diocèses de France et les autres régions de
l'Europe. i
Chap. IV. — Le Missel Romain au XIX® siècle.
^
PREMIÈRE ÉPOQUE
Le Missel plénier
Sa formation et sa prédominance
CHAPITRE PREMIER
La formation du Missel plénier
du IX« au XII« siècle.
L'objet de ce chapitre est d'étudier la formation
du Missel plénier en recherchant dans trois
articles : l'aies précurseurs immédiats et les débuts
de ce recueil ; 2° ce qu'on peut appeler le Missel
plénier improprement dit ; 3° enfin ce que fut le
Missel plénier proprement dit.
Article Premier. — Précurseurs immédiats
et débuts du Missel plénier.
I. — Il paraît assez naturel de rattacher les ori-
gines du Missel plénier à la célébration des messes
privées, non pas en ce sens que le recueil désigné
sous ce nom soit aussi ancien qne la pratique de
célébrer en particulier, mais en ce sens que la pra-
tique s'étant généralisée à la longue rendit néces-
saire la formation de recueils moins volumineux
et plus complets sous certains rapports que les
Sacramentaires proprement dits. — Au sentiment
du cardinal Bona (i), la pratique des messes pri-
vées remonte aux premiers siècles du Christia-
nisme : les Pères du v"" siècle, grecs et latins, y
(i) Rerunt liturgicaytun libri duo ; lib. I, c. 14, §1. Voir
l'édition Sala, t. I, p. 275. Voir aussi notre premier fascicule,
p. 7-10.
lO LE MISSEL ROMAIN
font plus d'une fois allusion (i). Il est vrai qu'elle
n'était pas uniformément la même dans toutes les
églises ; mais quand elle se fut suffisamment ré-
pandue en Occident, on forma des Libelli Missae
distincts des Sacramentaires. Ces recueils, dit
Ebner (2), contenaient une seule ou quelques
messes dites quotidiennes ; de cette messe unique
ou de ces quelques messes ils renfermaient tous
les éléments (oraisons, lectures, préfaces, canon
et même parties chantées). Le Missel de Stowe et
le Missel de Bobbio peuvent être signalés comme
exemples. Tels paraissent avoir été les précurseurs
immédiats du Missel plénier.
Il ne fut pas difficile de les former ; les Sacra-
mentaires du IX® siècle avaient déjà un certain
nombre de messes (les messes quotidiennes, les
messes votives ou diverses, les messes du commun
des saints) pourvues soit des parties chantées
soit des lectures, soit des deux à la fois ; il
suffisait de détacher ces messes des messes propres
de l'année liturgique pour en former un recueil
moins volumineux et moins long à transcrire.
II. — Un peu plus tard, on en vint à modifier la
composition du recueil pour y introduire plus de
variété. Alcuin paraît avoir été le premier à en
donner l'idée : nous pouvons nous représenter ce
que fut son œuvre par des passages de ses lettres.
Aux moines de Saint-Waast il écrit en 796 : «J'ai
extrait de notre Missel (celui de Saint-Martin de
Tours) quelques messes pour les offices de chaque
(1) Tels sont: Saint Chrysostome, Hoviil. j in epist.ad Ephe-
sîos, P. G,, t. LXII, c. 29 ; Homil. ly inepist. ad Hebraeos,
P. G., t. LXIII, c. i5i ; Homil. 2 ad populuin Antiochemim,
P. G., t. XLIX, c. 39 ; — Saint Aug-ustin, Epist. ^4 adjamia-
rium., P. L., t. XXXIII, c. 200, etc., etc.
(2) Ad. Ebner, Quellen ztnd Foschungen stir Geschichte
und Kunstgeschichte des Missale Romanuaï in inittelalter .
Freiburg-in-B., 1896 ; voir p. 359.
LE MISSEL ROMAIN I [
jour. » Aux moines de Fulda en 80 1, il dit : « Je
vous ai envoyé une Chariula Missalïs pour que
vous ayez des prières à adresser à Dieu suivant le
gré de chacun (i). » Si Alcuin se prête ainsi à la
formation de ces Missels abrégés, ce n'est pas qu'il
les jug-e nécessaires pour toutes les contrées :
Eanbald, archevêque d'York, lui avait demandé
de compiler pour son église un nouveau Sacra-
mentaire ; « travail considérable et inutile, lui
répond Alcuin, car votre église est abondamment
pourvue de recueils où l'accord avec Rome n'est
pas compromis par des formes multiples et des
usages locaux (2). » On voit le dessein du promo-
teur de l'unité liturgique dans la Gaule et dans la
Germanie : là où des extraits d'anciens Sacra-
mentaires sont jugés suffisants, il se défend d'inter-
venir, ailleurs il se prête volontiers à la confection
de recueils abrégés pour arriver plus sûrement à
son but. A ce double titre, il nous faut donner
ici une description de la Chartula Missalïs ,
Le recueil formé par Alcuin n'a point de carac-
tère officiel ; on peut l'appeler un Missel pour la
sentaine, un Sacramentaire privé dans lequel il
n'est pas tenu compte du cycle liturgique. A
l'époque où il le compose, Alcuin estime la liturgie
mozarabe dégagée de toute influence adoptia-
niste, car il ne craint pas de faire des emprunts à
cette liturgie. La Chartula Missalis peut se divi-
ser en trois parties, savoir : un recueil de messes
pour la semaine ; les messes communes ou votives ;
les messes dites de Saint-Augustin.
A. Le Recueil de messes poitr la semaine com-
prend, pour chaque jour, une double messe sous
les titres suivants :
(i) Alcuin, Epist. ^i ad inonachos Vedastinos, P. L., t. C,
c. 2i5 ; Epist. 142 ad fratres Futdeuses, P. L., t. C, c. 385.
(2) Alcuin, Epist. ^5'., P. L., t. C, c. 254. Cf. Gaskoin :
Alcuin, liis tife ajid ttis zuork. p. 229-230.
Î2 LE MISSEL ROMAIN
Dimanche : i) De SS. Trinitate (c'est une des
plus remarquables, l'Eglise catholique l'adoptera
quand elle instituera une fête en l'honneur de ce
mystère) ; — 2) De gratta Spiritus Sancti postu-
landa.
Lundi : i) Pro peccatis ; — Pro peiitione lacry^
inaruin.
Mardi : i) Ad postulanda angelica suffragia ; —
2) Pro tentationibus cogitationis .
Mercredi : i) De Sancta Sapientia ; — 2) Ad
postulandam humilitatem.
Jeudi : i) De Caritate ; — 2) Contra teiitaiiones
carnis.
Vendredi : i) De Sancta cruce ; — 2) De tribu-
latione et necessitate.
Samedi : i) De Sancta Maria (remarquable) ; — -
2) In cominemoratione Sanctae Mariae.
N.B. — La consécration du dimanche à la Sainte
Trinité, du mardi aux Saints Anges, du vendredi
à la Croix, du samedi à la Sainte Vierge, est
restée chère à la piété catholique.
La composition de ces messes n'est pas d'Al-
cuin ; il en a emprunté les formules aux diverses
liturgies pour en former une compilation (i).
B , Le Recueil des messes communes ou votives
nous fournit les messes en l'honneur d'un apôtre,
de plusieurs apôtres, d'un martyr (celle ci est
peut-être la messe que l'on chantait en la fête de
saint Boniface), la messe d'un apôtre, soit martyr,
(i) Voir Dictionnaire d'Archéologie chrétienne et de
Liturgie, t. I, c. 1079, — L'attribution de ces messes à Alcuin
se rencontre souvent dans les documents de l'âge suivant. Tels
sont : \ç. premier Sacramentaire de l'abbaye de Saint- Thierry,
fin du IX* siècle, primitivement à l'usage de l'église de Noyon.
Bibliothèque de Reims ms. 320-272. Delisle : Anciens Sacra-
mentaires, n* xxii, p. 117 ; — le Sacramentaire d'une église
dzt nord de la France, fin du x° siècle, ms. latin. 1 1689, B. N.
Delisle, Ibid., n" xcvii, p. 247.
LE MISSEL ROMAIN lu
soit confesseur, la messe de plusieurs martyrs, la
messe pour la fête des saints dont on possède les
reliques (ces deux dernières ont sans doute
quelque rapport avec le rite de la dédicace), une
messe quotidienne en l'honneur des Saints, des
messes pour les ennemis, pour la confession des
péchés, pour le salut des vivants et pour le repos
des morts.
Nous avons là comme le g'erme de ce que
deviendront le commun des saints et l'ensemble
des messes votives (ou messes en vue d'obtenir
une grâce particulière). Les formules actuellement
employées n'appartiennent pas toutes à la même
époque ; Alcuin ne parle que des apôtres,
martyrs et confesseurs, encore cette dernière
dénomination semble- t-elle pour lui ne faire
qu'un avec la dénomination d'apôtre et de martyr;
il assigne une messe spéciale aux saints patrons
et à ceux dont on possède des reliques, il songe
au sort des ennemis, au précepte de les aimer et
de leur pardonner, comme au souci de faire une
bonne confession, il n'oublie pas les âmes du pur-
gatoire et le soin de procurer leur délivrance.
C. Les messes appelées Messes de Saint
Augustùi sont des messes de pénitence remar-
quables par l'uniformité du caractère, du cadre et
du style ; le cachet en est très ancien, Alcuin, qui
les composa, s'inspira sans nul doute de docu-
ments liturgiques en usage au temps où il vivait.
Il convenait de les mentionner ici en passant (i).
— L'œuvre d'Alcuin se termine par des oraisons
non moins curieuses et rangées sous ce titre : Ad
horas ca7îonicas. La première : Dens qui ad prin-
cipiiLfn se dit encore maintenant chaque jour à
(i) Ces messes ont été étudiées par Dom M. Havard dans
le volume de Dom Cabrol : les Origines liturgiques, p. 289
etsuiv. Voir aussi le Dictionnaire d'Archéologie chrétienne
et de Liturgie, 1. 1, c. 449-456.
14 LE MISSEL ROMAIN
l'heure de prime ; deux autres oraisons sont mani-
festement inspirées par la liturgie mozarabe.
Chaque messe du recueil d'Alcuin contient une
collecte, une secrète, une post-communion, sou-
vent une préface, parfois l'épître et l'évangile,
une oraison super oblata, ad complendimz, super
popiUîini,
III. — On ne peut guère séparer du nom
d'Alcuin, ceux d'Amalaire et d'Agoard, quand on
parle du Missel plénier. — Le premier (c'est-à-
dire Amalaire),dans ses Eclogae de ofjîcio mssae,
décrit la messe romaine et peut fournir une sorte
de directoire dans l'ordre à suivre pour la célébra-
tion : il copie tout le canon et remarque que les
diptyques sont encore lus de son temps. Le De
officiis ecclesiasticis du même auteur peut servir à
dater les divers rites et les formules de la messe
romaine ; unité de collecte, évangile, collecte des
offrandes, préface, secrète sur les oblations,
hènèàicùon super popuhi7fp en carême ; les pièces
qu'il mentionne ; introïts, épîtres, évangiles,
prières du canon, etc., sont sensiblement les
mêmes que celles du Missel actuel. — Agobard
cite fréquemment Amalaire quand il parle du
canon de la messe ; il a dans ses divers ouvrages
quelques formules empruntées au Missel, par
exemple, une secrète que le Sacramentaire grégo-
rien donne pour la fête de saint Sébastien et qui
paraît avoir été fréquemment employée à Lyon.
Mais cet auteur s'est illustré surtout par sa correc-
tion de l'Antiphonaire dont nous parlerons
ailleurs (i).
IV. — Un intérêt plus grand encore se rattache
(i) Sur Amalaire et Agobard, voir le Dictionnaire
d Archéologie chrétienne et de Litzirgie, t. I, c. ï323et 971.
Les Eclogae de officio inissae sont dans P. L., t. CV,
c. i3i5-i332 ; la correction de l'Antiphonaire se rattache à
l'office divin, non à la messe.
LE MISSEL ROMAIN ID
à l'œuvre désignée sous le nom de Alesse latine ou
Messe de Flaccits Illyricus. Au XV!"" siècle, on a fait
grand bruit autour de cette composition : en 1575 ,
le chef des centuriateurs de Magdebourg la publia
à Strasbourg sous ce titre : Missa latina quae
olini ante Romanant circa T.XX Doinini amiiLin
in nsii fuit ; il prétendit qu'elle avait été usitée
dans les Gaules avant l'introduction du canon
romain. Mais on s'aperçut bientôt que le texte de
ses formules était contre les erreurs du protestan-
tisme et en faveur de la doctrine catholique (ainsi
on y préconise la dévotion à la Sainte Vierge, le
culte des saints, la doctrine de la messe du sacrifice
et du sacerdoce, la prière pour les morts, etc.).
Alors se produisit un changement de tactique
chez les protestants, ils tentèrent de détruire le
document. — Des études sérieuses ont permis
d'en établir les origines. Dom Cabrol, se basant
sur ces études et sur la considération du document
lui-même, arrive à la conclusion suivante : La
Missa latina de Flaccics Illyricus fut une tentative
faite sous Charlemagne, et de cette tentative est
sorti le Missel romain tel qu'il existe encore
aujourd'hui. C'est de là ou d'une source voisine
que certaines prières ont pris place dans ce Gré-
gorien renouvelé et refondu, notamment les
prières pour revêtir les ornements, quelques
prières de l'offertoire et de la fin de la messe.
Puis après comparaison faite entre plusieurs
pièces de la Missa latina et les ouvrages litur-
giques d'Alcuin, Dom Cabrol ajoute : il serait
vraisemblable de croire qu'Alcuin fut l'auteur de
la messe d'IUyricus. Cependant le manque d'argu-
ments positifs l'arrête à cette autre conclusion
plus large : La messe d'IUyricus fut composée
non loin d'Alcuin, dans un cercle littéraire imbu
de ses idées, au courant de ses procédés de
composition, habitué à puiser aux mêmes sources
l6 LE MISSEL ROMAIN
que lui. Les formules y ont pris un développement
considérable ; on se demande comment un célé-
brant pourrait les réciter à moins qu'on ne suppose
un prélat au trône occupé à les dire pendant
qu'on exécute les chants ; mais ces formules enve-
loppent une messe romaine dont on trouve les
éléments prières de préparation, Gloria in excel-
sis, collecte, épître, graduel, alléluia, même la
séquence, évangile, offertoire, prières de l'encen-
sement et de l'oblation, secrète, préface, Sanctus,
prièresdu canon... Dégagée de ses amplifications,
la Missa latina est le type de celles qu'on trouve
dans le Missel plénier ; elle mérite donc bien d'être
rangée parmi les précurseurs de ce recueil, à côté
de la Chartula Missalis d'Alcuin. Ajoutons qu'une
des formules des prières de préparation figure
dans les missels de nos jours comme prière
d'action de grâces : Oratio Sancti Augustini :
Anteoculos TUOS (l).
V. Les débuts du plénier au ix^ siècle n'ont
rien d'officiel : les recueils désignés sous ce nom
conservent un caractère privé, comme du reste le
recueil d'Alcuin ; ils ont seulement les parties plus
fréquemment employées pour la célébration de
chaque jour, comme le commun des saints, les
messes votives ou diverses. Ces messes sont
pourvues, soit des parties chantées, soit des lec-
tures, soit même des deux à la fois. Les messes
(i) P. Z., t. CXXXVIII, c. i324. Sur la Missa latina de
Flaccus Illyricus, voir un article de Dom Cabrol dans la
Revue Bénédictine, de ipoS, t. XXII, p. 1 5 1. Le texte de cette
messe se lit dans P. Z., t. CXXXVIII, c. i3o2, et aussi dans
Bona, Rertim litzirgicarnm libri dziOy t. I, p. 229. — M. Ed.
Bishop n'accepte pas les conclusions de Dom Cabrol ; voir
Journal of theological StttdieSy année 1906, t. VII, p. i23. —
Dom Ménard a tiré d'un Ordo Roînamis ùm vi° siècle, le Codex
Tiliamis, une autre Messe latine : à part quelques apologies
et quelques rites, cette messe ressemble beaucoup à la
Messe d'Illyricus. Voir P. L., t. LXXVIII, c. 245 et 566.
LE MISSEL ROMAlxNI I7
propres demeurent ce qu'elles étaient dans les
anciens Sacramentaires et ceux-ci prédominent
encore.
Article II. — Le Missel plénier
improprement dit.
On éprouve quelque embarras pour faire le
classement des premiers Missels pléniers. Dans
l'ouvrage plus d'une fois cité, Ebner l'a tenté avec
succès ; le mieux est de suivre ici un si bon guide,
tout en résumant la première de ses dissertations.
Deux phases partagent l'époque de transition
entre les Sacramentaires et le Missel plénier
(ix^ et x*^ siècles) : dans la première, celle du
missel plénier improprement dit, on utilise les
manuscrits antérieurs, on fait comme une juxta-
position des différents recueils ; dans la seconde,
celle du Missel plénier proprement dit, on fait
une transcription nouvelle des éléments et on
place ces éléments dans l'ordre où les récite le
prêtre à l'autel. Le présent article traite du Missel
plénier improprement dit.
On obtint ce recueil par divers procédés d'une
combinaison purement extérieure. Ainsi : i° soit
au commencement, soit à la fin de l'ancien Sacra-
mentaire, se trouvent reliés tantôt un Antipho-
naire (recueil des chants de la messe), tantôt un
lectionnaire (épîtres et évangiles), tantôt les deux
à la fois. Exemples : Dans le manuscrit de la
Bibliothèque de Saint Marc à Venise, XI® siècle,
Cod, lat., III, CXXIV, un Antiphonaire est relié
au commencement d'un Sacramentaire ; à Udine,
dans la Bibliothèque de l'Archevêché, le Cod.
P. ip du xir siècle, le Sacramentaire est suivi du
Graduel (i). Les manuscrits, Cod, F. i2d&San
(i Pour le manuscrit de Venise, voir P^bner, ouvr. citéy
p. 278 ; pour celui d'Udine, ibid., p. 270. On peut placer dans
la même catégorie les trois manuscrits de Saint-Gall 338,
339, 340, sur lesquels voir Delisle : Anciens Sacrament.
LE MISSEL ROMAIN. — Tome II. 2
l8 LE MISSEL ROMAIN
Pietro à Rome, xr siècle, Cod, loo de la Biblio-
thèque capitulaire à Monza, x^ siècle, ont à la fin,
mais séparés, le premier un évang-éliaire, le
second un lectionnaire (i). Pour le Codex loi de
la Bibliothèque capitulaire de Monza, ix'^-x® siècle,
et le Codex //(^^ de la Bibliothèque de l'Université
de Wursbourg-, XII® siècle, TAntiphonaire et le
Lectionnaire à la fois sont reliés au Sacramen-
taire (2). 2° D'autres fois, on faisait au Sacramen-
taire des additions pour adapter le recueil aux
usages liturgiques. C'est le cas du Codex 86
(ancien 81) de la Bibliothèque capitulaire de
Vérone, XI^ siècle, où l'on trouve à la fin le texte
de l'épître et de l'évangile pour diverses messes ;
du Codex 2S^y (ancien 684 de Saint- Sauveur) de
la Bibliothèque de l'Université de Bologne,
XI® siècle, où pour les messes du commun et les
messes diverses on trouve le texte des épîtres et
des évangiles avec les premiers mots des parties
chantées ; du Codex 123 de la Bibliothèque Lau-
rentienne à Florence, XI® siècle, analogue au
précédent sauf les parties chantées (3). 3^ Bientôt
les additions pénétrèrent dans le recueil lui
même, on opéra des additions en marge vis-à-vis
de la messe qu'il s'agissait de compléter ; une
première ou une seconde main y marquait le com-
mencement des parties chantées ou le commence-
ment des lectures. Tels sont, par exemple : a) le
3i3 àw fonds Ottoboni 2m Vatican, IX® siècle, avec
n' cv, cix et cviii, p. 263, 27061 269. Sur le n* 339, voir aussi
la Paléographie viusica/e, t. I, p. 5i ; puis les Codices 7/ et
88 de Zurich ; Delisle, Ibid., p. 262 et 260.
(i) Pour San Pietro, voir Ebner, ibid., p. i85 ; pour Monza,
cod. 100, ibid., p. 107 et Delisle, ouvr. cité, n* lxvi, p. 198.
(2) Voir : i. Ebner, Ibid., p. 108 ; 2. Ibid., p. 362, not. 3.
(3) Cod. ^<5'de Vérone^ voir Ebner, ibid., p. 286, et Delisler,
Ibid., n° XXV, p. 128. Codex 2^47 de Bologne, Ebner, Ibid.\
p. i5. Cod. i24àe Florence, Ebner, Ibid.., p. 33,
LE MISSEL ROMAIN I9
additions ultérieures ; ce Sacramentaire, auquel
Muratori a beaucoup emprunté pour son édition
du Sacramentaire Gréo^orien, était à l'usag-e de
l'ég-lise de Paris (i) ; âj \e manuscrit 320-2^2 de
la Bibliothèque de Reims, premier Sacramentaire
de l'abbaye de Saint-Thierry de Reims, primiti-
vement à l'usage de l'église de Noyon, deuxième
moitié du IX® siècle, les additions marginales sont
du xi° siècle et concernent les parties chantées,
premiers mots des introïts, graduels, etc. (2) ; p) le
Missel de Léofric, document du ix^ siècle (3) ;
les premiers mots des introïts, etc., ont été écrits
par une première main à la marge, ceux des
épîtres, évangiles et séquences ont été ajoutés
ultérieurement ; ci) le Sacramentaire de l'Eglise
de Lorsh, inaniiscrit ^ç 5 &w fonds palatin au Vati-
can X^-Xi® siècle ; on a ajouté la lecture évan-
gélique pour quelques messes (4).
On le voit, la transformation de l'ancien Sacra-
mentaire fut lente ; elle se borna d'abord à la
juxtaposition des recueils ; elle amena ensuite
quelques additions aux messes du commun, puis
des annotations dans les marpfes du recueil. Gêné-
ralement les parties chantées furent annexées les
premières, puis vint l'indication de la lecture
évangélique, enfin l'indication concernantl'épître ;
(1) Cod. jij, fonds Ottoboni au Vatican, voir Ebner. Ibld.,
p. 23i ; Delisle, Ibid., n" xxxv, p. 149 ; Ehrensberger, Lihri
lihtrgici bibliothecae Vaticanae, p. 398 .
(2) Voir Delisle, Anciens Sacrant., n* xxi, p. 1 16.
(3) Le Missel de Léofric a été édité en ces derniers temps
par F.-E. Warren, The Léofric Missal ; voir l'Introduction,
p. xxxvii-xxxvm.
(4) Voir Delisle, Ibid. y n' xcv, p. 238 ; Ebner ouvr. cite,
p. 247. Ehrensberger, ouvr. cité, p. 401. A cette série on
peut ajouter encore les documents ambrosiens du x*-xï* siècle,
décrits par Delisle : n' lxxii, p. 202 ; i.xxiv, p. 204 ; lxxv-lxxvii,
pp. 2o5-2o6 ; Lxxi, p. 199, où l'on trouve les épîtres et les
évangiles.
20 LE MISSEL ROMAIN
cela tient sans doute à ce que le prêtre à l'autel
commença d'abord à réciter les parties chantées
pendant que le chœur en exécutait le chant, puis
dut chanter lui-même l'évangile à défaut du diacre,
tandis qu'il pouvait laisser à un lévite de rang
inférieur la lecture de l'épître (i).
Article III. — Le Missel plénier
proprement dit.
La seconde phase de la formation du Missel
plénier comporte une transformation plus intime
et plus profonde de l'ancien Sacramentaire ; elle
aussi est progressive. On y remarque deux prin-
cipaux degrés.
1° Tout d'abord c'est VtUilisation des anciens
recueils ; les copistes font disparaître des éléments
qui ne servent plus et dans les espaces rendus
libres par les ratures font entrer les indications
placées autrefois en marge. Le Missel de l'abbaye
de Saint-Augustin de Cantorbéry publié d'après
un manuscrit du XI"" siècle (2) donne une idée
assez exacte de ce genre de travail. Cinquante-six
préfaces sur soixante-dix ont été raturées ; une
seconde main a rempli les vides en y transcrivant
tantôt les parties chantées en entier ainsi que les
épîtres et évangiles (3) ; tantôt les parties chan-
tées en entier avec le commencement des épîtres
et des évangiles (4) ; d'autres fois, comme pour
(i) De nos jours encore, conformément aux rubriques g-éné-
rales du Missel, un lecteur revêtu du surplis peut chanter
l'Epître, quand on célèbre la messe solennelle sans diacre ni
sous-diacre, mais le célébrant chante lui-même l'Evangile.
Riibricae générales : ritus celebrandi missam, c. vi, n* 8.
Cf. Lebrun, Explication des prières de la Messe, t. I, p. 199.
(2) Par M. Martin Rule, à Cambridge, 1898.
(3) Par exemple les fêtes de saint Etienne, de saint Jean,
p. 12, de l'édition M. Rule.
(4) Aux dimanches de Septuagésime, de Sexagésime, p. 19.
LE MISSEL ROMAIN 21
les dimanches après la Pentecôte, sous le titre
offinum et toujours à la place que devait occuper
la préface se trouve dans son entier le texte des
parties chantées, mais sans l'indication desépîtres
et des évangiles (i). Dans le propre des Saints,
reparaît au milieu du texte des parties chantées
l'indication du commencement des épîtres et des
évangiles (2). Un certain nombre de messes
diverses présente absolument la même physiono-
mie que celle de nos Missels : telles sont les messes
de Sancta Trinïtate, de Sancta Maria, etc. (3).
2° Mais bientôt on transcrivit les éléments de
l'ancien Sacramentaire et l'on y intercala, en sui-
vant l'ordre de la récitation, les emprunts faits à
l'Antiphonaire et auLectionnaire : ce fut alors en
toute vérité le Missel plénier proprement dit. Il
nous reste des documents du Xl*^ siècle à l'aide
desquels nous pouvons nous en faire une idée. —
1° Le manuscrit latin 818 de la Bibliothèque
Nationale de Paris, Sacramentaire ou Missel de
l'église de Troyes (milieu du xr siècle) est, d'après
L. Delisle (4) un excellent exemple de la trans-
formation du Sacramentaire carlovingien. Il porte
encore l'ancien titre : Incipit liber Sacrainento-
rnin,.. qualiter inissa roinana cœlebratur, mais il
contient tout ce qui constitue le Missel propre-
ment dit ; avec les oraisons et la préface, nous y
trouvons Tépître et l'évangile, l'introït, le graduel,
l'offertoire et la communion : ces derniers mor-
ceaux sont accompagnés d'une notation en neu-
mes. Le volume est incomplet : on distingue,
fol. 3 : la préface, le canon et les diverses prières
de la messe \ foL g : le calendrier ; sur \ç.fol. /J'ia
(i) Voir pp. 5(> et suiv.
(2) Voir p. 71.
(3) Voir pp. i3i, i36.
(4) Delisle : Anciens Sacramentaires , n' cxix, p. 296.
22 LE MISSEL ROMAIN
date initiale du comput est 1060 ] fol. 16, les prières
avant la messe. Km/oL 24, commence le Missel
proprement dit, où se trouvent seulement un
fragment de la messe de la Purification et de la
messe de la Septuagésime, les messes et offices
depuis le Jeudi Saint jusqu*au mercredi après
Pâques et depuis le mardi de la Pentecôte jusqu'au
samedi suivant, les messes des fêtes des saints
depuis le 13 avril jusqu'au 30 novembre, les messes
du commun des saints et les messes diverses, les
messes depuis le premier dimanche après la Pen-
tecôte jusqu'au dimanche avant Noël. — 2^ Un
autre document du xr siècle est le Codex 26"] ç
(ancien Saint-Sauveur 686) de la Bibliothèque de
l'Université de Bologne : on y trouve à leur place
normale les parties chantées avec notation, les
lectures de l'épître et de l'évangile. Le Missel
commence avec la solennité de Pâques, donne un
ordo pour la réception d'un catéchumène, un autre
pour la bénédiction de l'eau. Dans l'ordinaire de
la messe, les particularités suivantes sont à signa-
ler, car c'est peut-être la première fois qu'on les
rencontre : la Confessio ante altare comprend
trois oraisons Ante conspectum majestatis,,. Deus
propitius csto,.. Aufer a iiobis. Au baisement de
l'autel il y a l'oraison. Oramus te,.. Quando evan-
gelium osculatur, sacerdos dicit : Pax Chrisii
qtùant nobis per evangelmm suuin tradidit confir-
inet... La bénédiction du diacre se donne avec la
formule : Dontinus sitincorde tuo.., K\!o^^r\.o\x^
se lisent des formules dont les suivantes nous sont
restées : Suscipe sancta Trinitas.,. Offeriinustibi..,
Incensicm ïstud... Dirigatur. Après VAgnus et
avant la communion, le prêtre s'incline et dit :
Doînine sancte Pater. . . da niihihoc corpus. A la fin
de la messe, après que le diacre a dit : lie missa
est, le prêtre baise l'autel, prononce des formules
analogues à nos formules d'absolution dans l'office
LE MISSEL ROMAIN 23
et enfin l'oraison Placeat. — Le recueil contient
ensuite plusieurs messes votives, les messes du
commun, les messes diverses et se termine par
toute une série de bénédictions (i). — 3*^ Quelques
autres particularités sont à signaler dans le Codex
5-fO du Mont-Cassin. Ce sont au i^'^ octobre, la
dédicace de l'église du monastère (1071), l'indi-
cation est de première main ; les fêtes de sainte
Marie Madeleine, de la Conception de Marie
(8 déc.) de saint Thomas évêque et martyr
(29déc.) (2).
CHAPITRE II
L'existence des Sacramentaires
parallèlement aux Missels pléniers
(X*' AU XIII^ siècle)
En deux articles on étudiera ici les documents
de cette époque et leur contenu.
Article Premier. — Les documents.
I. — - Conformément à ce qui a été dit à propos
du Grégorien d'Adrien, les documents romains
et gallicans rentrent dans une même catégorie ; ils
forment la portion la plus considérable et se ren-
contrent à Rome, en Italie, en Gaule, en Allemagne
et jusqu'en Grande-Bretagne. Nous les groupons
par siècles et d'après l'ordre des Bibliothèques où
ils sont conservés ; il n'est pas toujours facile de
déterminer à quelle église ou à quelle abbaye ils
(i) Ebner : otivr. cité, p. 18. — La Paléogyaphie Tnttsicale ,
t. II, pi. i3, contient \ç. fac-similé A^xxnç: page de ce document.
(2) Ebner : Ibid., p. 104 ; voir aussi Mabillon, Muséum
iialiczim, t. I, pars II, n* 219, p. 36 ; puis nn fac-sim.ile dans
la Paléographie musicale, t. II, pi. 21. — Impossible de pour-
suivre cette énumération des documents. On peut voir encore
pour le XI* siècle, le Codex 426 du Mont-Cassin décrit dans
Ebner, p. loi, etc.
24- LE MISSEL ROMAIN
ont servi, parfois la destination primitive a été
modifiée (i).
1° Manuscrits des X® et xr siècles : A Rome, la
Bibliothèque Vaticane possède deux Sacramen-
taires du XI® siècle (ou fin du X®) ; ils ont été à
l'usage de l'abbaye de Fulda. Ce sont les Codtces
lat, n""^ 3548 et 38o6 (2). — Du fonds Palatin, à
la même Bibliothèque, sont : un Sacramentaire
de l'abbaye bénédictine de Celle au diocèse de
Mayence, le Cod. lat, 4Ç4, du x^ ou XI® siècle ; deux
de l'abbaye de Lorsh, le Cod, 4^ S du X® siècle» et
le Cod. 4pp, x®-xi® siècle (3). — Du fonds de la
Reine, même Bibliothèque, est un fragment de
Sacramentaire, le Cod. lat. Sây du X® siècle (4).
La Bibliothèque de la Vallicellane possède un
Sacramentaire de Subiaco, le Cod. B. 24, et un
autre du Mont-Cassin, le Cod. C. 32, tous deux
du XI® siècle (5).
En Italie, la Bibliothèque communale d'Arezzo
conserve un document du XI® siècle, le Cod. VI, 3.
— La Bibliothèque de l'Université de Bologne
a un Sacramentaire du XI® siècle, mentionné à
tort dans le catalogue comme Missel gallican
du XIV®, c'est le Cod. 1084 (6). Florence possède
à la Bibliothèque Laurentienne deux documents
du X® siècle, JËd. 121 et Md. /^^; dans le premier
(i) La détermination se fait soit à l'aide d'indications for-
melles (ce qui est plutôt rare), soit par les noms des Saints
mentionnés au calendrier ou au canon de la messe.
(2) Voir Ebner, otivr. cité, pp. 208 et 212. Ehrensberg-er,
ouv7^. cité y pp. 402 et 404.
(3) Ebner, Ibid., pp. 246, 247, 25o. Ehrensberger, Ibid.y
pp. 405, 401, 407 ; Delisle Anciens Sacramentaires , n° xciii,
p. 240 ; xcn, p. 238.
(4) Ebner, Ibid. y p. 242 ; Ehrensberger, Ibid. y p. 186 ;
Delisle, Ibid.^ vC xliii, p. 162.
(5) Ebner, Ibid. y pp. 196 et 202.
(6) Ebner, Ibid. y pp. 4 et 6.
LC MISSEL ROMAIN 25
est un calendrier dont le texte a été publié par
Bandini, il y a des usages empruntés à l'Angle-
terre, d'autres à la Suisse ou à la Haute-Italie :
puis à la Bibliothèque nationale de la même ville
se trouve un autre document du X^ siècle, il est
coté B. A. 2 (i). Dans la Bibliothèque capitulaire
d'Ivrée sont deux Sacramentaires du Xl^ siècle, les
Codices iç et 86 (2). La Bibliothèque publique de
Lucques a un Sacramentaire du X^, le Cod, ï2yS
qui fut à l'usage d'un monastère de Germanie (3).
Au Mont-Cassin, le cod. N. N. 33 p représente un
Sacramentaire de l'abbaye au xr siècle ; il fut
écrit sous l'abbé Didier (1058- 1087) (4). — Au
trésor de la cathédrale de Monza existe un docu-
ment attribué, dit Delisle, au VIII^ siècle, mais plus
exactement estimé comme étant du x"^ ou de la
fin du IX® (5). — La Bibliothèque capitulaire
d'Udine possède un sacramentaire du xr siècle, le
Codex y 6. V, dont les dessins rappellent l'école de
Fulda (6). C'est l'époque qu'il faut assigner éga-
lement au Cod. L (lat.) DIX de la Bibliothèque de
Saint-Marc à Venise (7). A la Bibliothèque capi-
tulaire de Verceil est conservé sous la cote 18 1
un sacramentaire écrit à Fulda vers la fin du x^ siè-
cle et cédé par l'abbé Erkanbald en usufruit à
Henri, évêque de Wursbourg (995-1018) : le docu-
ment, paraît-il, ne fit jamais retour à Fulda comme
l'avait demandé l'abbé (8). — Terminons cette
(i) Ebner, Ibid.^ pp. 29, 3 1 et 42, et Delisle, ^Ibid., n* xlfk
p. 170 pour le premier.
(2) Ebner, Ibid.y p. 52, et Delisle, Ibid., n° xc, p. 233.
(3) Ebner, Ibid., p. 66.
(4) Ebner, Ibid.^ p. 100.
(5) Ebner, Ibid. y p. io5, et Delisle, Ibid.^ n" i.xiv, p. 198.
(6) Ebner, Ibid., p. 258.
(7) Ibid., p. 272.
(8) Ibid. y p. 282, et Delisle, Anciens Sacramentaires,
n* LXXXIX, p. 232.
20 LE iMISSEL ROMAIN
première revue des Bibliothèques d'Italie par
deux documents de la Bibliothèque capitulaire de
Vérone ; le Cod. 8 y (autrefois 82) est du x^ siècle,
il fut adapté à l'usag-e de l'église de Vérone mais
avait été écrit à Ratisbonne, sous Otton III, pour
le saint évêque Wolfang- (972-994) ; le Cod. çj
(autrefois ^/), de la fin du X^ siècle ou du commen-
cement du XI® contient la liturgie véronaise (i).
En France, il faut signaler à la Bibliothè-
que nationale de Paris : le mamiscrit iat. 8îy ,
du xr siècle ; il paraît avoir appartenu à l'église
de Saint-Géréon de Cologne, dans le calendrier
du début beaucoup de noms dénotent une ori-
gine allemande (2) ; le ^namiscrît Iat. 8ipy écrit
au xr siècle, approprié à l'abbaye de Saint-
Bertin, après avoir appartenu primitivement, et
selon toute vraisemblance, à l'église de Liège (3) ;
le mamiscrit Iat . 821 du xi^ siècle, destiné dès l'ori-
gine à une église du Limousin, il passa en 12 10
à l'abbaye de Saint-Martial de Limoges (4) ; le
inaniiscrit Iat. 22()^, du x^ siècle avec quelques
additions duxi*, présente desfragmentsd'unSacra-
mentaire de l'église de Paris et plusieurs feuillets
provenant d'un ou de deux autres Sacramentaires
dont l'un fut à l'usage de l'église du Puy (5) ;
le manuscrit Iat. 22p'/, écrit sur deux colonnes,
au commencement du XI® siècle, a dû appartenir
primitivement à une église du nord de la France
où saint Samsom était honoré (6) ; le ma^iuscrit
Iat. p42g, copie assez incorrecte du X® siècle, sur
(i) Ebner, Ibid.^ pp. 288 et 292 ; Delisle, Ibid.yn" lxii et lxiii,
pp. 194 et 197.
(2) Delisle, Ibid.y n° xci, p. 235.
(3) Ibid.^ n* xcv, p. 242.
(4) Ibid.y n° cxxii, p. 3oo.
(5) Ibid.y n° liv., p. i83.
(6) Ibid.y n" xcvi, p. 244.
LE MISSEL ROMAIN 27
deux colonnes ; il fut anciennement possédé et
employé par le chapitre de Beauvais (i) ; le
manuscrit lat. 04^3, écrit au commencement
du Xl*^ siècle, il peut être attribué à l'abbaye
d'Epternach placée sous l'invocation de saint
Willibrode (2); le manuscrit lat. loSoi, écrit
au x^ siècle dans la province de Trêves, il a servi
un peu plus tard à l'abbaye de Saint-Symphorien
de Metz : selon toute apparence c'est le document
quevirent dans cette abbayeen i7i2,Dom Martène
et Dom Durand (3) ; le manuscrit lat. i2o5i ou
Sacramentaire de l'abbaye de Corbie, il fut écrit
au X® siècle. On ne sait trop pourquoi une inscrip-
tion le donne comme Missale sancti Eligii ; peut-
être fut-il à l'origine recouvert de plaques d'or-
fèvrerie attribuées à saint Eloi par la tradition (4) ;
le maniLScrit lat. 120S2, copié vers la fin du
X* siècle par les soins de Ratold, abbé de Corbie,
il semble avoir été primitivement destiné à l'ab-
baye de vSaint-Waast d'Arra^, Ratold l'aura
acquis plus tard pour son monastère (5) ; le
manuscrit lat. ij333 exécuté pour Hugues le
Grand, évèque de Nevers (loi 1-1065), il renferme
à la fois les pièces du Sacramentaire et celles du
Pontifical (6) ; le manuscrit lat. îSooS, écrit au
début du Xl^ siècle pour une église de la province
de Trêves ; il fut affecté un peuplus tard à l'usage
de l'église de Verdun (7).
M. Léop. Delisle signale, en outre, divers ma-
nuscrits des Bibliothèques de France, comme
sont : le Sacramentaire de l'église d'Angers, à la
(i) Delisle, Ibid.^ n* lu p. 178.
(2) Jbid.y n* c, p. 254.
(3) Jbid.y n* lxxxii^ p. 221.
(4) Idid.y n° LF, p. 175.
(5) Ibid.y vC Lvi, p. 188.
(6) Ibid.y n* cxiv, p. 279,
(7) Ibid.y n* xcvni, p. 2 5o.
2S LE MISSEi. ROMAIN
Bibliothèque de cette ville, inmtuscrit ç^ du
X^-xr siècle ; celui de l'église de Lorsh, du xf à
la bibliothèque du château de Chantilly ; le Sacra-
mentaire de Saint-Père de Chartres, x^ siècle,
manuscrit ^ de la Bibliothèque de cette ville ; un
Sacramentaire de l'abbaye de Saint-Guillem-du-
Désert, xi® siècle avec additions du XIP, jnanus-
crit 18 de la Bibliothèque municipale de Mont-
pellier ; un autre de l'abbaye de Winchcombe,
X"^ siècle, débris de la Bibliothèque de Fleury-sur-
Loire passé à celle d'Orléans sous le n"^ loS ; le
second Sacramentaire de l'abbaye Saint-Thierry,
au diocèse de Reims, xr siècle, n^ 418-^52 de la
bibliothèque de Reims. (Les Bénédictins, dans leur
édition du Sacramentaire de saint Grégoire, le
désignent sous le 'nP 62 de la Bibliothèque de
Saint Thierry ; c'est à tort qu'ils le font remonter
à l'époque de Charlemagne) ; le Sacramentaire
anglo-saxon de l'abbaye de Jumièges, xr siècle,
manuscrit Y, <^de la Bibliothèque de Rouen ; un
Sacramentaire de Winchester du xi® siècle, dési-
gné par E. Warren sous le nom de Livre rouge cte
Derby (i).
Puis dans les Bibliothèques de l'étranger, tou-
jours d'après Delisle, on rencontre un Sacramen-
taire de l'abbaye de Hornbach, du X"" siècle,
conservé à Soleure (Dom M. Gerbert s'est mépris
sur son âge en le rapportant au ix^ siècle) ; le Sacra-
mentaire d'une église indéterminée, XI^ siècle,
n"" 3^3 de la Bibliothèque de Metz ; le Sacramen-
taire de l'église de Roda, XI® siècle, à la Biblio-
thèque de l'Académie royale d'histoire, à Madrid
(i) Delisle, Anciens Sacrainentaires, n* lv, p. 187 f
n° xciv, p. 241 ; n* lui, p. 181 ; n" cxxiii, p. 3o2 ; n* lxxix»
p. 211 ; n" cxvi, p. 285 ; n° lxxxi, p. 220 ; ce document a été
édité par la H. B. S. par M. H. A. Wilson sous le titre The
Missal of Robert of Jtimièges, London, 1896 ; n* cxx, p. 299 ;
pour ce dernier Cf. E. Warren : The Léo fric Missal^ p. 271.
LE MISSEL ROALVIM 20)
(Dom Férotin dit au sujet de ce manuscrit :
« Quoique en tète d'un Missel romain à caractères
wisigothiques, il reproduit un calendrier évidem-
ment mozarabe (i). »
2*^ Manuscrits des XII® et Xlll® siècles. — Les
vSacramentaires purs se font plus rares pendant
ces deux siècles. Signalons : A, A Rome, Biblio-
thèque San Pietro :
le Cod. F. i3, un manuscrit du XIII^, peut-être
à l'usage de l'église d'Anagni ;
le Cod. F. ij:f, manuscrit du XII®, à l'usage d'une
église de Rome ; SS. Tryphon et Respicius ;
le Cod. F. i5y manuscrit du xil®, en usage à
Rome ou dans le voisinage, peut-être à Spolète ;
le Cod. F. 16, manuscrit du XIV, il donne l'usage
de vSaint-Pierre de Rome ;
le Cod. F. 18 , manuscrit du xir-XIir, aussi à
l'usage de Saint-Pierre de Rome (2).
Bibliothèque de la V^allicellane : le Cod. B . ^3,
manuscrit du xir-XliP siècle (3).
Bibliothèque du Vatican : le Codex iS-f, du
fonds Otioboni, manuscrit du XIl^, à l'usage d'une
église du centre de l'Italie (ce document est
donné comme un pur Sacramentaire, bien qu'on
y trouve les parties chantées de la messe de la
dédicace) ; le Cod, 4^6 du fonds Palatin^ manus-
crit du XIi®-XIir, à l'usage du diocèse de Wurs-
bourg (même remarque que pour le précédent ;
on y trouve des séquences, quelques épîtres et
quelques évangiles) (4). Nous terminons cette
série des manuscrits de Rome par le Cod. XII, 6,
(i) Delisle, Ibid., 11° lvii, p. 190 ; n. xcix, p. 253 ; n° lxxxiv,
p. 224 ; pour ce dernier, voir D. Férotin, Liber Ordinum ;
Calendriers mozarabes, fragment de Madrid, xi*-xii* siècles.
(2) Ebner, ouvr. cité, pp. 186, 187, 188, 190, 191.
(3) Ibid., p. 198.
(4) Ebner, Ibid., pp. 23o et 249 ; Ehrensberger, ouvr. cité,
p. 4i3 et 411.
OO LE MISSEL ROMAIN
de la Bibliothèque Barbeinni {no\xM . acq. 1858). Il
est du XV® siècle, c'est-à-dire d'une date bien
postérieure aux précédents, mais Ebner le signale
comme l'un des derniers exemples d'un pur
Sacramentaire ; il fut à l'usage de la basilique des
Douze Apôtres (i).
B. Dans les autres bibliothèques d'Italie, le pur
Sacramentaire est représenté au XII® siècle, à la
Bibliothèque Ambrosienne de Milan par le
Codex H, 2SS, manuscrit du Xli'" siècle, à l'usage
d'une abbaye bénédictine de la Haute Italie ; à la
Bibliothèque capitulaire de Modène, par le
Codex II, 20, manuscrit du xii* siècle ; à la Biblio-
thèque capitulaire de Verceil, par le Codex p2 ; à
celle de Vérone, par le Cod. CX (autrefois io3).
Ces deux derniers documents sont aussi du
XII® siècle (2).
C. En France, il faut signaler, toujours d'après
Delisle, les deux manuscrits S et 6 à^ la Biblio-
thèque d'Albi, à l'usage de la cathédrale de cette
ville (xii® siècle), le manuscrit 88 de la cathédrale
de Cologne, appelé Sacramentaire de l'abbé
Grimoldus (xr-XII® siècle) (3).
II. — Sacramentaires antbi^o siens , — i. Aux x®
et xf siècles. Dans un rituel noté de la province
de Milan, x® siècle, on trouve les prières du
canon de la messe et un certain nombre de messes
votives : M. Am. Gastoué s'est demandé si nous
n'aurions pas là le noyau des Sacramentaires (4).
Les Bénédictins de Solesmes ont édité pour la
première fois le Sacramentaire de Bergame du rit
ambrosien ; comme il manquait dans le manuscrit
(i) Ebner, Ibid., p. 146.
(2) Ebner, ouvr. cité, pp. 84, 97, 284, 293. Pour ce dernier,
voir aussi Delisle, Anciens Sacramentaii^es , n* cxxvi, p. 304,
(3) Delisle, Ibid., n" lxxxvii-lxxxviii, p. 227 ; n* ci, p. 257.
(4) Rassegna Gregorianay année 1903, t. II, p. 137.
LE MISSEL ROMAIN 3l
les feuilles de l'ordinaire de la messe et du canon,
on y a suppléé par un manuscrit de la métropole
de Milan du XI" siècle (i). Au trésor de la cathé-
drale de Milan, se trouve un Sacramentaire pur
qui paraît venir de l'église de Saint Satyre de
Milan, il a été écrit au x^ siècle. M. Delisle donne
encore comme ambrosiens, le lîtamcscrit C iSjçp
de la Bibliothèque capitulaire de Monza (x^-xrs.)
et le Codex P. jj î02 de la même Bibliothèque : ce
dernier a en effet une grande ressemblance avec
le document ambrosien, Cod. A 2^ bis de la
Bibliothèque ambrosienne à Milan. — 2. Enfin la
Bibliothèque Vaticane possède une partie de
Sacramentaire ambrosien, le Cod. lat, p^Sô, mais
il est de date beaucoup plus récente, XV^ siècle (2).
III. — Peut-être est-ce le moment de citer, au
moins en passant, les débuts d'une série qui va
prendre, après le XIII^ siècle, une grande exten-
sion ; ce sont les Missels conformes à. la pratique
de la cuTie romaine. Ces documents appartiennent
manifestement à la catégorie des missels pléniers :
cependant Ebner appelle un pur Sacramentaire le
Cod. lat. 3S^y de la Bibliothèque Vaticane, ce
manuscrit est du XIII^ siècle et fut à l'usage des
frères mineurs de Barcelone (3). Toujours d'après
Ebner, le document du Xiv^ siècle qui est à la
Bibliothèque Vaticane, n° 3S6 dn fonds Ottoboni,
serait encore un vSacramentaire pontifical ; le
calendrier y porte des traces de l'influence des
frères mineurs (4). Les deux manuscrits ont des
additions marginales concernant les parties chan-
{i) Auctariuiit Solesmense^ année 1900.
(2) Ebner, oztvr. cité, pp. 90, 107, 110, 228. Delisle, /(5/V.,
n* Lxxii, p, 2o3 ; n* lxv, p. 198 ; n* i,xviii,p. 198; Ehrensberger,
ouvr. cité, jj. 5o5.
(3) Ebner, Ibid., p. 206 ; Ehrensberger, Ibid., p. 414;
Zaccaria Bibliotlieca rittcalis, t. I, p. 45.
(4) Ebner, Ibid., p. 284 ; Ehrensberger, Ibid., p. 417.
32 LE MISSEL ROMAIN
tées, et çà et là quelques lectures. On comprend
que telle dut être, même au XIII"^ siècle, la condi-
tion d'un bon nombre de documents considérés
généralement comme de purs Sacramentaires.
Article II. — Le contenu des documents.
L'étude des documents énurnérés dans le pré-
cédent article, si incomplète qu'en demeure la
liste, est particulièrement intéressante au qua-
druple point de vue dont l'objet remplira les
quatre paragraphes suivants : i. Place assignée au
canon de la ^nesse et 7node de distribution du
propre du te'inps comme du propre des saints ;
2 . Développement donné à l'ordinaire de la messe ;
3. Particularités du propre dtù temps et du propre
des saints ; 4. Ornementation des manuscrits .
§ 1. — PLACE ASSIGNÉE AU CANON DE LA MESSE :
DISTRIBUTION DU PROPRE DU TEMPS
ET DU PROPRE DES SAINTS.
I. — Le canon de la messe est désormais fixé et
ne recevra aucune modification dans son contenu
sinon pour la limitation des noms mentionnés
dans le Comimtnicantes , le A^obis quoque et le
Libéra nos. Mais les recueils sont appelés à rece-
voir plus d'une transformation et le canon, ou
plutôt l'ordinaire de la messe, n'a pas trouvé
jusqu'au XIII® siècle la place qu'il occupe à
présent d'une façon invariable.
Au ix*" siècle, le système adopté tendait à
placer le canon à la fin du Sacramentaire, à l'y
encadrer dans la dernière des messes quoti-
diennes (i) ; il faut excepter les recueils ambro-
siens qui mettaient à peu près régulièrement le
(i) On peut donner comme exemple les manuscrits gélasiens
de RheinaUy Zurich, n° 3o, et de Saint- Gall, n° 348.
I
LE MISSEL ROMAIN 33
canon dans le propre du temps après l'octave de
la Pentecôte.
Les manuscrits de Gaule, après l'envoi du Gré-
gorien d'Adrien, ont le canon au début du
recueil ; il fait suite au titre : Incipit et à une
sorte d'introduction qui forme un Oi^do Missae
abrégé. Cette disposition se maintient au X^ et
au Xl*^ siècle dans la plupart des documents de
l'article précédent. Tels sont, par exemple, les
Codices 35^8 et 38 06 de la Bibliothèque Vati-
cane, les «°^ ^g5 et ^çp du fonds Palatin à la
même Bibliothèque, le Codex B. 24 de la Vallicel-
lane, le Cod. VI, 3 de la Bibliothèque publique
d'Arezzo, etc.
Au xi*^ et au xii^ siècle, l'espèce d'introduction
ajoutée au titre devint superflue ; les prières de
la messe qui précèdent le canon, ayant pris un
plus grand développement, furent insérées dans
les manuscrits. Dès lors, pour plus de commo-
dité, ces prières et le canon furent placés au
milieu. On les trouve entre le propre du temps et
le propre des saints, dans bon nombre de docu-
ments, des Xl*^ et xil^ siècles, qui sont plutôt des
Missels pléniers (i). Le Codex îS^., du fonds Otto-
boni, à la Bibliothèque Vaticane est à peu près le
seul des Sacramentaires précédemment cités qui
offre cette disposition. D'autres fois, quand le
propre du temps et le propre des saints sont fon-
dus ensemble, le canon est placé immédiatement
avant la fête de Pâques ; le plus ancien exemple
de ce genre nous est fourni par le Codex ^yyo de
la Bibliothè jue du Vatican, un Missel plénier du
X^-Xi^ siècle (2). Nous trouvons le canon à cette
même place dans le Cod. P, i3 de San Pietro à
Kome, du xiii^ siècle, le Cod. F. /^'dela même
(i) Ebner, ouvy. cité, p. 372.
(2) Ebner, Ibid.^ p. 278. Rhrensberger, ouvr. cité, p. 446.
LE MISSEL ROMAIN. — Tomc II. 3
34 LE MISSEL ROMAIN
Bibliothèque (un document qui par ses additions
est plutôt du xiv^ siècle) : ce sera, sauf le
mélange des deux propres, la place assignée au
canon de la messe dans les missels de l'avenir.
Mais avant d'en venir à ce résultat, il faudra
enregistrer plus d'une variante : ainsi le Cod. F. îo
de San Pietro à Rome, document du xir siècle, a
les prières préparatoires à la messe, les préfaces
et le canon seulement après la vigile de la Pente-
côte; le Cod, IL 20 de la Bibliothèque capitulaire
de Modène (même époque), a le canon entre le
propre du temps et le propre des saints. A cette
même place, on le trouve dans le dernier des purs
Sacramentaires, le Cod, XII, 6. {N, a. iSSS), un
document du XV^ siècle à la Bibliothèque Barbe-
rini de Rome.
II. — Cette variation dans la place donnée au
canon, à une époque où l'on tend à le mettre au
milieu du recueil, tient à ce que la disposition du
propre du temps et celle du propre des saints ne
sont pas elles-mêmes définitivement arrêtées. Jus-
qu'à la fin du Xlii^ siècle, on trouve dans les recueils
à peu près toutes les combinaisons possibles des
deux parties. Tantôt le propre du temps et le
propre des saints sont fondus ensemble, comme
dans le cas du Cod. lat., ^yyo de la Bibliothèque
Vaticane (x^-xr siècle), tantôt on les trouve sépa-
rés, comme dans le Cod. ^pS de la Bibliothèque
Vaticane, fonds Palatin, etc. ; tantôt les deux
propres sont mêlés l'un dans l'autre par suite de
coupures plus ou moins nombreuses dans la partie
d'hiver. Ainsi les coupures sont moins nombreuses
dans le n^ JS^S de la Bibliothèque Vaticane : le
propre du temps va se mêlant au propre des saints i
jusqu'à l'Annonciation (25 mars) ; à cette date, le
propre du temps reprend seul avec le dimanche
de la Septuagésime et se poursuit jusqu'au der-
nier dimanche après la Pentecôte sans interrup-
LE MISSEL ROAIAIiN^ 35
tion, à cette série s'ajoutent cinq dimanches de
l'Avent. Puis vient le propre des saints, ininter-
rompu lui aussi depuis saint Léon, pape, jusqu'à
saint Thomas, apôtre. Dans le Codex ^çç de la
Bibliothèque Vaticane,y^;^<^^ Palatin, xi^ siècle,
le propre du temps est coupé par le propre des
saints de la façon suivante : a) propre du temps,
de la vigile de Noël au sixième dimanche après
l'Epiphanie ; ôj propre des saints depuis saint
Sylvestre (31 décembre) jusqu'à saint Ambroise
(27 mars) ; cj propre du temps, de la Septuagé-
sime à l'octave de Pâques, puis, après intercala-
tion de la seule fête de saint Léon pape, les
quatre dimanches après l'octave de Pâques ;
dj propre des saints depuis saint Tiburce, etc.
(14 avril) jusqu'à sainte Pétronille (31 mai) ; ej le
reste du propre du temps depuis la vigile de
l'Ascension jusqu'au quatrième dimanche de
l'Avent \fj enfin le reste du propre des saints.
A quelques nuances près, c'est la division que
donnent le Cod. L (lai.) DIX ào. la Bibliothèque
de Saint-Marc à Venise, comme aussi les deux
Sacramentaires de l'abbaye Saint-Thierry de
Reims dont Hugues Méhard s'est servi pour l'édi-
tion du Sacramentaire Grégorien. Les coupures
de ce dernier sont au 15 janvier, saint Marcel;
au 14 février, saint Valentin; au 25 mars, Annon-
ciation ; au 14 avril, saint Tiburce, etc. ; au 24 mai,
saint Urbain; au 1®'' juin, dédicace delà basilique
de Saint Nicomède. Plus communément les cou-
pures se font au 25 mars où se place le dimanche
de la Septuagésime, au 25 mai ou au i*^''juin où
commence la série des dimanches après la Pente-
côte.
Le plus ordinairement, les recueils commen-
cent à la vigile de Noël et se terminent avec les
dimanches de l'Avent. Néanmoins quelques ma-
nuscrits inaugurent la pratique de débuter avec le
ôb LE MISSEL ROMAIN
i^'^ dimanche de l'Avent : tel est le cas, par
exemple, du Cod. VI, 3, de la Bibliothèque
publique d'Arezzo, Xl"^ siècle ; des Codices F. i3,
P, 14, F. îS, de la Bibliothèque San Pietro à
Rome, xir et Xlir siècles, etc., du Codex 1S4 de la
Bibliothèque Vaticane,/^?;^^^ Ottoboni, Xlii^ siècle.
§ II. DÉVELOPPEMENT DONNÉ A l'ORDINAIRE
DE LA MESSE.
Pour étudier l'ordinaire de la messe pendant
les xr, Xli^ et XIII" siècles, il est bon de mettre à
part le canon et les deux parties qui l'encadrent.
Sur le canon lui-même, il reste peu d'explications
à donner, car fixé définitivement au IX® siècle, il
subit à peine quelques modifications de détail (i).
Mais l'oblation qui le précède et la communion
qui le suit, dans la partie appelée messe des fidèles,
sont encore en voie de formation, et il en faut dire
autant des prières de préparation et d'introduction
dans la messe des catéchumènes : là nous trouvons
des nuances entre la liturgie romano-gallicane et
la liturgie ambrosienne qui survécut aux tenta-
tives d'unification faites d'abord par Charlemagne
et un peu plus tard par Nicolas 11(1058-1061). Ces
nuances se perpétueront jusqu'à nos jours dans la
liturgie milanaise, puis dans la liturgie lyonnaise,
un mélange de romain et de gallican plus accentué
que celui de la liturgie romaine, enfin dans la
liturgie de certains ordres religieux, comme les
Chartreux, les Carmes, les Dominicains. — Quant
aux Franciscains, par le Missel de la Curie
romaine ils travailleront à conserver l'œuvre de
saint Grégoire VII (1073- 1085). Parles soins de
(i) Il va sans dire qu'on ne peut donner, dans cet opuscule,
un résumé même succinct des explications mystiques si longue-
ment développées dans les liturgistes du moyen âge. Notons
seulement que leurs œuvres fournissent un précieux témoignage
en faveur de l'existence des rites.
LE MISSEL ROMALN 87
ce saint Pontife, la liturgie romaine a remplacé la
liturgie gothique en Espagne (i).
Nous renvoyons au chapitre suivant l'étude des
Missels des Religieux. Présentement, il nous
suffira de suivre le développement de l'ordinaire
de la messe dans la liturgie romano-gallicane et
dans la liturgie ambrosienne.
I. — Liturgie romano-gallicane
oiù liturgie romaine après Charlemagne,
I. Messe des Catéchumènes. — Prières prépara-
toires. — On ne les trouve pas écrites dans les
recueils antérieurs au ix^ siècle, c'est qu'alors le
choix en était laissé aux évêques et aux prêtres.
Au Xl*^ siècle, l'auteur du Micrologue indique
quatre psaumes : r.XXXIlI-LXXXV : Qua^n dilecta ;
Benedixisii Domine, Inclina; et CXV, Credidi, avec
Kyrie, Pater noster^ et une oraison pour obtenir
le pardon des péchés : c'est là, dit-il, la coutume
romaine. Le Sacramentaire de Trêves, document
du X*^ siècle, marque les trois premiers psaumes
signalés dans le Micrologue et les fait suivre de
longues litanies (2). Le Missale mixtum place
après l'octave de Pâques les prières de prépara-
tion à la Messe (3).
Vêture des ornements sacerdotaux, — Après
l'ablution des mains, le célébrant revêt les orne-
ments, les mêmes que de nos jours. On les présente
parfois dans un ordre différent : ainsi Y Ordo
Romamts I fait revêtir l'aube, le cordon, puis
l'amict (4) , ensuite la tunique, la dalmatique (l'étole
(i) D. Guéranger, InstihiHons lituygiques, t. I, p. 187
et 449.
(2) Lebrun, Explications des Prières de la Messe, t. I,
p. 35. Delisle, ouvr. cité, n* lxxxii, p. 221.
(3) P. L., t. LXXXV, c. 522.
(4) P. L., t. LXXVIII, c. 940.
38 LE MISSEL ROMAIN
est passée SOUS silence), la chasuble, le manipule.
Du IX® au xr siècle, beaucoup de documents ren-
ferment les formules que le célébrant récite en
revêtant ces ornements : tels par exemple, la
messe d'IUyricus, le Sacramentaire de Trêves,
celui de Noyon, etc. Pour le revêtement de la
chasuble, le Sacramentaire de Senlis donne une
formule qui rappelle celle prononcée dans l'ordi-
nation du prêtre : Benedictio Patris et Filii et
Spiriius Sancti descendat ( i ) .
Prières du bas de l'autel. — Un Sacramentaire
du XII® siècle, conservé à Rome, le Cod. P. /J'de
San Pïetro, indique : Introïbo, Judïca, Conjîteor.
Le Missel mozarabe a l'antienne Introibo au début,
puis le psaumey?^^?'(f<3;, à l'offertoire seulement (2).
Parfois l'évêque commençait à réciter ces prières
en allant de la sacristie à l'autel. — Il y avait des
variantes dans la formule du Confiteor ; celle que
nous récitons actuellement date du XII^ siècle :
Rome alors l'adopta.
Les pj'ières : Aufer a nobis et Orainus te;
r encensement de l'autel aux messes solennelles.
La première formule empruntée au Sacramen-
taire léonien, se trouve placée en cet endroit par
le Codex C. 32 delà Vallicellane, xr siècle ; elle y
est précédée de l'oraison Aures tuae pietatis . La
deuxième formule : Oramus te, se lit dans un Pon-
tifical de Narbonne du XIII*^ siècle. La Messe
d'Illyricus donne cette prière au singulier Oro te. . .
et la fait réciter par le célébrant au moment où il
s'approche de l'autel pour l'oblation ; ce même
(1) Delisle, ouvr. cité, n° XXXII, p. ii3; — P. Z.,
t. LXXVIII, c. 223. — Ces prières sont indiquées sommaire-
ment dans un Sacramentaire du Mont-Cassin xi* siècle. Biblio-
thèque de la Vallicellane, Cod. C. 32, à Rome. Voir E^hnev^ouvr.
cité, p. 202 et 339.
(2) Ebner, ouvr. cité, p. 188. Lebrun, Ibid.y p. iii.Bona,
Rerum Liturgie, libri dtcoy t. III, p. 34.
LE MISSEL ROMAIN 3()
document place la formule Aitfer a nobts avant
introïbo çX Jîcdica me, et au milieu de beaucoup
d'autres invocations place l'oraison Aures tuae
pietatïs (i). La pratique de l'encensement de
l'autel à rintroït et à l'offertoire des messes solen-
nelles est entrée dans la liturgie de l'église latine
dès le X^ ou le Xl® siècle : cependant d'après un
ancien Missel de Narbonne, l'encensement de
l'autel n'avait lieu qu'à l'offertoire ; les premiers
Ordines Romanis^ contentent de dire qu'à l'entrée
du célébrant, des ministres ouvrent la marche en
portant des encensoirs fumants (2).
Introït et Gloria in excelsis. Au moment o\x se
faisait cette entrée le chœur chantait X Introït
(voir Antiphonairé). Au ix*^ siècle seulement,
d'après un bon nombre de liturgistes, le célébrant
commença à lire cet introït ; d'autres liturgistes
veulent reculer les débuts de cette pratique
jusqu'au xiv^ siècle (3). Les Ordines Romani
gardent le silence à ce sujet : d'après V Ordo Ro-
manus III, le Pontife arrivé au trône, se tient
debout tourné vers l'Orient ; l'antienne terminée,
la Schola entonne Kyrie et le chef de la Schola
doit, pendant le chant à.\x Kyrie, regarder le Pon-
tife pour savoir de lui s'il veut changer le nombre
des invocations ; après quoi le célébrant entonne
Gloria in excelsis (4) Ainsi donc, le Pontife était
libre de déterminer à son gré le nombre des Kyrie
à chanter ; il n'est pas dit qu'il fut lui-même obligé
de réciter ces invocations pendant l'exécution du
(i) Pour la messe d'illyricîis, voir P. L., t. CXXXVIII,
c. 1324.
(2) Voir Ordo Romamts /et II, P. L., t. LXXVIII, c. 941
et 969.
(3) Selon toute probabilité, la lecture de l'introït par le célé-
brant ne devint obligatoire qu'à partir du xiv* siècle. Bona,
ouvy. cité, t. III, p. 5i.
(4) P. L., t. LXXVIII, c. 979.
40 LE MISSEL ROMAIN
chant. Depuis le pontificat de saint Grégoire le
Grand (590-604), le Gloria in excelsis devait être
dit les dimanches et fêtes par les évêques, mais
non par les simples prêtres ; ceux-ci pouvaient le
dire une fois l'année en la seule fête de Pâques :
au Xl*' siècle, Bernon d'Augias écrivait que cette
concession devait s'étendre tout aussi bien à la
fête de Noël et même qu'on devait permettre aux
simples prêtres de dire le Gloria tous les dimanches
et toutes les fêtes des saints (i) ; ce fut le point de
départ de l'usage qui s'est maintenu jusqu'à nos
jours. L'auteur du Micrologue ne fait plus de
distinction sous ce rapport entre évêques et
prêtres (2) et les Sacramentaires de cette époque
commencent à mentionner léchant du Gloria pen-
dant lequel le célébrant récite une prière (3). La
formule de l'hymne angélique est, dès le IX^ siècle
identique à la nôtre : toutefois la messe d'Illyricus
insère les mots : hymmun diciinus tibi, entre
Glorificainits te et Gratias agiinus (â^... Sur des
feuillets écritsauxir siècle, le manuscrit latin loSoi
de la Bibliothèque Nationale, Sacramentaire de
Saint-Symphorien de Metz, porte des indications
pour le chant du Gloria i7i excelsis (5).
Collecte, — Les premiers Ordines Romani
donnent Fax vobis ou Fax vobiscuin, comme for-
mule de salutation aux fidèles ; mais au x^ siècle,
le pape Léon VII (936-939) sanctionna que la for-
mule : Fax vobis serait réservée aux cardinaux et
(i) Libellus de quibusdam ad inissam pertînentîbzis y P. L.,
t. CXLII, c. io58.
(2) P. L., t. CLI, c. 976.
(3) Voir par ex. le Codex B. 23 de la Vallicellane, xi'-xii* s.
Ebner, ouvr. cité, p. 337.
(4) P. L., t. CXXXVIII, c. i3i4-i3i5.
(5) Delisle, Anciens Sacramentaires, n* lxxxii, p. 222.
LE MISSEL RO.^L\IN 4I
aux évêques (i), les simples prêtres devront
employer la salutation : Dominus vobisctLm, Suit
l'invitation à prier : Oreinus, Primitivement, ce
n'était pas la seule adressée aux fidèles pendant le
saint Sacrifice; il y avait de fréquentes invitations
au recueillement prononcées par le diacre, par
exemple : Aiires ad Dojitiiiuut ; Silentium fa-
cite (2). Le mot Orentus leur a été substitué
presque partout ; il se trouve au moins cinq fois
au cours de la messe romaine. Il était suivi d'un
développement exposant l'objet de la prière,
comme cela se pratique à l'office du Vendredi
saint. L'auteur du Micrologue constatait au
xr siècle que VOrdo RomaniLS comportait une
oraison unique, conformément à la structure du
Sacramentaire grégorien, néanmoins il signalait
la tendance de quelques-uns à multiplier les orai-
sons jusqu'à fatiguer les oreilles des auditeurs;
les additions se faisaient en nombre impair de
façon à ne pas dépasser le nombre sept (allusion
aux sept demandes du Pater) (3).
Lectures et chants, — L'usage primitif était que
tousles assistants, même le prêtre, devaient écouter
le lecteur, sous-diacre ou diacre, pendant l'épître
et l'évangile, absolument comme cela se pratique
pour les leçons du bréviaire quand on le récite en
commun. Mais, dans le cours de la période que
nous étudions (xi^'-XIir siècle), certains célébrants,
n'entendant pas bien la lecture, par suite de la
distance où ils se trouvaient de l'ambon, prirent
le parti de lire eux-mêmes le passage de l'apôtre
et de l'évangile ; certains ordinaires, comme les
coutumes de Cîteaux, donnent cette pratique
comme facultative ; au XIII^ siècle, l'ordinaire des
(i) Voir P. L., t. CI, c. 1249, Pax vobis dô»fto, comme
Salutatio eplscopalis.
(2) P. L., t. LXXXV, c. 539, note.
(3) P, L., t. CLI, c. 980.
4-2 LE MISSEL ROMAIN
religieux Dominicains marque que le célébrant
s'étant assis, on lui met sur les genoux une serviette
et un Missel pour qu'il lise ce qui lui plaira (i). On
trouvera dans l'opuscule Antiphonaire, les détails
concernant les chants interlectionnaires, comme
Graduel, Allehna ou Traït. Notons seulement ici
qu'au IX*^ siècle, X^Jubihcs (groupe de notes modu-
lées sur la dernière syllabe du mot Allelwid)^
appelé aussi Sequeniïa ou protractio , donna nais-
sance à des compositions nouvelles en prose
(ix^ siècle) ou en vers (xir siècle) : ce furent nos
séquences ou proses. On fait remonter les pre-
mières à Notker de Saint-Gall (ix^ siècle), le
nombre s'en accrut considérablement dans les
siècles suivants. Chartreux et Cisterciens refu-
sèrent de les admettre dans leurs Missels (2).
Certaines liturgies, comme la gallicane et la moza-
rabe, avaient ajouté aux cantiques interlection-
naires le Trisagîon distinct de celui qui se chante
après la préface ; l'ordinaire romain n'a jamais
inséré cette pratique. La coutume de chanter le
Credo s'introduisit dans les églises de Gaule au
IX^ siècle comme une protestation contre l'erreur
de l'adoptianisme ; à Rome, on ne le disait pas
encore au commencement du xi^ siècle (3).
(i) Lebrun, Explication des prières de la Messe, t. I,
p. 200. Pour les autres particularités des lectures, voir Lec~
tionnaires et Evangéliaires. Une rubrique imprimée dans le
Missel de 1604, publié par Clément VIII, déclare la lecture de
l'épître par le prêtre obligatoire. Lebrun, otivr. cité, 1. 1, p. 201.
(2) Les correcteurs du Missel Romain sous le pontificat de
saint Pie V, n'en ont laissé subsister que quatre : Victitnae
Paschali, attribuée à Notker ; Veni Sancte Spiritus attribuée
à Herraann Contract ou au pieux roi Robert ; Lauda Sion,
composée par saint Thomas d'Aquin ; Dies irae, qui est d'un
auteur incertain, peut-être du dominicain Frangipani. On a
ajouté depuis, pour les sept douleurs de Marie, le Stabat Mater
du franciscain Jacopone.
(3) Lebrun, oiivr. cité, t. I, p. 242 etBona, ouvr. cité, t. III,
p. 171.
LE MISSEL ROMAIN 48
2. Messe des fidèles. — On y àisiingw^ trois
parties : l'oblation ou offrande, la consécration
ou canon et la communion.
A. Oblation. Le silence qui suit l'invitation
OrefitîiS de l'offertoire semble marquer la place
des prières, appelées oj^ationes ,ire7iicae , récitées
pour les diverses classes des fidèles. Pendant le
temps consacré à recevoir les offrandes, le chœur
chantait plusieurs versets d'un psaume avec reprise
d'un refrain ; c'est notre antienne de l'offertoire,
on en a retranché la reprise (i). Le prêtre récite
maintenant cette antienne avant de faire l'obla-
tion ; la pratique de cette récitation remonte sans
doute à la même époque que celle de l'introït et
du graduel, et il faut en dire autant de la commu-
nion.
L'offrande en Gaule se plaçait avant la messe
ou du moins avant l'évangile ; de cette pratique
est né le rite observé aujourd'hui encore dans
certaines liturgies et dont il sera question au
chapitre suivant. A partir du xi^ siècle, l'offrande
des fidèles, en Gaule comme à Rome, fut renvoyée
après l'oblation et avant le lavement des mains (2).
En recevant les offrandes de chacun, le célébrant
récitait une formule : Sziscïpe sancfa Tririitas ;
elle a beaucoup d'analogie avec celle dont on
parlera plus loin (3). Cette offrande terminée, on
étendait le corporal sur l'autel, et il y avait une
prière accompagnant cet acte : on la trouve dans le
Sacramentaire d'Albi, document du xir siècle (4).
( I ) Rerai d' Auxerre, Exposîtio de celebratione 7nissae et ejus
significatione ; intey opéra Alcuini. P. L., t. CI, c. i25i.
(2) Lebrun, oiivr. cité^ t. I, p. 287.
(3) Ebner, p. 339, a relevé cette formule dans le Cod. C. J2
de la Vallicellane.
(4) Delisle, Anciens Sacramentaires, n" lxxxvi-lxxxviii,
p. 227.
44 LE MISSEL ROMAIN
Dans le rite ambrosien, elle est désignée sous le
nom dH O ratio super sindonem (i).
Pour la préparation du calice, il n'était pas
encore conforme à la pratique de Rome qu'à la
messe solennelle le sous-diacre fût admis à verser
l'eau dans le calice ; Amalaire assigne cette fonc-
tion au diacre (2) ; Innocent III et VOrdo Roma-
nus XIV la. réservQnt au célébrant-lui-même qui
prononce en même temps l'oraison : jDezis qui
huinaiiae substantiae (3).
De toutes les prières qui se récitent actuellement
à l'oblation de l'hostie et du calice, aucune ne
figure dans les anciens Sacra mentaires ; Alcuin et
Amalaire gardent le silence à leur sujet ; la Messe
d'iUyricus a les deux prières : Offerimus et Veni
sanctifie ator, la première est aussi dans le Missel
mozarabe et le sacramentaire de Trêves ; on
trouve également In spiritn huiniliiatis dans le
Missel mozarabe et quelques missels du iX-X^siècle.
Enfin l'auteur du Micrologue mentionne Veni
sanctificator, comme une prière de la liturgie
gallicane (4). En somme, d'après Lebrun, c'est
vers la fin du xr siècle que Rome emprunte au
Missel mozarabe les quatre prières : Suscipe
sancte Pater, Offerintus tibi, In spiritu huinilitatis
e t Veii i sanctificator ( 5 ) .
Il a déjà été question de l'encensement à propos
de l'introït. Pour l'encensement des oblats à l'of-
fertoire, il se rencontre, au IX® siècle, quelques
(i) Lebrun, ouvr.- cité, t. I, p. 197.
(2) P. L., t. CV, c. ii3o. et dans les Eclogae de officîo
missae^ même volume, c. 1324.
(3) Pour Innocent III, voir P. L., t. CCXVil, c. 833 ; pour
VOydo Romamts XIV, P. L., t. LXXVIII, c. Z164.
(4) P. Z., t. CLI, c. 984.
(5) Lebrun, ouvr. cité, t. I, p. 296 et seq. ; on trouve ces
prières dans le Cod. C. $2 de la Vallicellane. Ebner, p. 339.
LE MISSEL ROMAIN 4$
témoignages en apparence contradictoires. Ama-
laire, dans le prologue de son traité De officiis
ecclesiasticiSy dit qu'il n'y a point d'encense-
ment (i), d'autre part Rémi d'Auxerre men-
tionne l'encensement à l'offertoire (2). Il paraît
bien que ce dernier est dans le vrai, si l'on tient
compte decertaines assertions consignées ailleurs,
par exemple celle de Réginon de Prûm (3).
D'ailleurs, la prière pour la bénédiction de l'en-
cens : Per intercessioiteiit est à cet endroit dans
la messe d'Illyricus avec le nom de Gabriel'dM lieu
de J//(f//^/(4). A partir du IX^ siècle, les églises
d'Allemagne et de Gaule ont placé le lavement des
mains après la réception des offrandes et après
l'encensement ; il paraît même qu'il y a eu deux
ablutions, l'une après la réception des offrandes^
l'autre après l'encensement. Il n'y est pas question
du psaume Lavabo ; cependant dans certaines
églises, le célébrant en récitait quelques versets. Le
Missel romain en le faisant dire tout entier est plus
conforme aux anciennes liturgies d'Orient (5).
Le rite du lavement des doigts date des temps
apostoliques, la récitation du psaume est signalée
dans la liturgie de saint Chrysostome, elle devint
d'un usage général dans l'église latine seulement
au xv^ siècle.
La prière : Stiscipe sancta Trinitas est en sub-
stance dans les liturgies grecques, puis on la
trouve dans le Missel ambrosien ; de là vient sans
doute qu'un Missel d'Auxerre du XIIl^ siècle l'at-
tribuait à saint Ambroise. Au Xl"" siècle, elle
(1) L. P., t. CV, c. 992.
(2) Rémi d'Auxerre, loc. cit. P. Z., t. C, c. 1252, parmi les
œuvres attribuées à Alcuin.
(3) Z. P., t. CXXXVII, c. 204.
(4) P. Z., t. CXXXVIII, c. i328.
(5) Lebrun, Ibid., I, p. 347.
46 LE MISSEL ROMAIN
n'était encore écrite ni dans l'ordre romain ni
dans le gallican : l'auteur du Micrologue, à qui
nous devons cette constatation, ajoute que, de
son temps, cette prière était récitée en vertu d'une
coutume ecclésiastique (i).
La formule : Orafe /ratres présente tout d'abord
bien des variantes. Ainsi la messe d'IUyricus
porte : Oraie pro me peccatorey fratres et sororeSy
ut.,. Et tous répondent : Suscipiat... et oraiiones
tuae ascendant i7t •jneinoriant ante Doininum ipse-
que te exaudiat qui te constituit intercessorem pro
peccatis nostris (2). L'usage de cette invitation se
répand au xil^ et au XIII® siècle en plusieurs églises
éloignées de Rome : la formule est parfois plus
brève, par exemple : Oratepro me peccatore ^ dans
le Sacramentaire de Trêves ; Orate pro ine^ dans
V Ordo Romanus VI et les us de Cîteaux (3). Rémi
d'Auxerre ajoute le premier comme explication
ut ineuin ac vestrum (4). . . ; les réponses aussi sont
diverses ; ainsi Amalaire indique trois versets du
psaume Exaudiat, savoir : Mittai tibi etc. (5)
comme le pratiquent encore les Carmes ; des
Missels des xr et xil® siècles n'ont aucune réponse,
et c'est ainsi qu'en agissent les Chartreux (6).
La secrète est prononcée par le prêtre, sans
oreinus et à voix basse (d'où lui est venu son
nom). Vers le xr ou XII® siècle, des missels pla-
cèrent ici Oremus, quelquefois avec Domine,
exaudi orationem ^neam; la rubrique romaine a
jugé qu'il suffisait de l'invitation : Orate fratres,
La secrète est encore appelée : Oratio super
(i) P. Z., t. CLI, c. 984.
(2) P, L., t. CXXXVIII, c. 1329.
(3) P. L., t. LXXVIII, c. 993.
(4) P. L., t. CI, c. 1252.
(5) P. Z., t. CV, c. ii32.
(6) Lebrun, ouvr, cité, t. I, p. 369-374.
LE MISSEL ROMAIN 47
oblata, et le per oinnia de la préface lui sert de
conclusion. Jusqu'au Xl^ siècle, les préfaces furent
très nombreuses, il y en eut pour chaque messe
ayant des oraisons spéciales ; en des termes
improvisés par le célébrant elles exprimaient
le caractère du mystère commémoré. Au début
du Xir siècle, le nombre en fut réduit à neuf (i) :
Noël, Epiphanie, Carême, Pâques, Ascension,
Pentecôte, Trinité, Croix et Apôtres; deux autres
ont été ajoutées à ce chiffre, la préface commune
que l'on attribue à saint Gélase, et la préface de la
sainte Vierge attribuée à Urbain II (1088- 1099) (2).
Une rubrique consignée dans le Cod. B , 24 de la
Vallicellane, XI® siècle, fait dire une oraison parle
prêtre pendant qu'on chante le Sanctus (3) ;
d'autres documents attestent que cette prière
commençait par les mots : Aperi, Domine, os
metini... Cette pratique n'a pas été conservée.
B. Consécration oîo Canon. — Nous passerons
rapidement sur cette partie importante du saint
Sacrifice, car il en a été longuement question
dans la première et la seconde période; les détails
de rubriques que nous aurions pu omettre trou-
veront place dans le Cérémonial ou dans la des-
(i) On a prétendu sans raison suffisante que cette réduction
avait été faite par Pelage 11(579-590) le prédécesseur de saint
Grégoire le Grand ; on alléguait une lettre de ce pape aux
évèques d'Allemagne et de Gaule^ cette lettre n'est pas authen-
tique. Zaccaria Onomaslicon, p. loi. Voir aussi P. L.,
t. LXXVIII, c. 285. ^ox\2.^ouvr. cité, t., III. p. 233.
(2) Le rite ambrosien a conservé un plus grand nombre de
préfaces.
(3) Ebner, ouvr. cité, p. 196 et 338. Cette prière fut ajoutée
après le ix* siècle, quand le prêtre cessa de chanter le Sanctus
avec le chœur, Lebrun, ouvy. cité, t. I. p. 394. On trouve aux
XI* et XII* siècles bien des exemples de ce genre ; les deux
formules les plus usitées \ facturus memoriamy et Aperz font
demander, parle prêtre, la pureté, le recueillement nécessaires
pour l'offrande du sacrifice. Voir encore Cod. 1084^ Bologne
Cod. i2y^ Monte-Cassino, etc. Ebner, p. 396.
48 LE MISSEL ROMAIN
cription du Missel des religieux. Bornons-nous ici
à quelques réflexions sur le texte. La finale : et
omnibus orthodoxis, etc. du Te igitur, était jugée
comme superflue par l'auteur du Micrologue (i) ;
de fait, le Sacramentaire de Trêves au X^ siècle
ne contient pas ces mots, et le Sacramentaire
de Worms, de la même époque, les a comme
addition à la marge. Toutefois, dit Lebrun, la
raison donnée par l'auteur du Micrologue ne doit
pas être acceptée (2). Dans le Meinenio des
vivants, l'incidente : pro quibus tibi offerimus
vel est signalée au xr siècle par saint Pierre
Damien et par l'auteur du Micrologue (3) ; elle
se trouve dans le Sacramentaire de Senlis dont
Delisle croit pouvoir rapporter l'écriture à l'an
880 (4). Cependant, même après le xr siècle, des
manuscrits ne l'ont pas. Le moyen âge ajouta à ce
Mémento des vivants, une mention du prêtre célé-
brant : elle commençait ordinairement ainsi : Mihi
quoque... (du xi'^au xv^ siècle). L'ancienne lecture
des diptyques amena en cet endroit des dévelop-
pements contre lesquels il fallut réagir pour
reprendre la forme romaine primitive : le
Cod, 4y'jo de la Bibliothèque Vaticane fournit un
exemple de ces développements. Après les noms
Cosmae et Damiani du Communicantes , beaucoup
de Sacra mentaires et d'anciens Missels ajoutent le
nom d'autres saints, comme Hilarii, Martini, les
noms d'Hilaire et Martin montrent que les addi-
tions se produisirent dans les recueils gallicans ;
(i) P. Z., t. CLI, c. 985.
(2) Lebrun, ouvr. cité^ t. I, p. 4i5; — P. L., t. LXXVIII,
c. 275, les personnes explicitement nommées étaient le pape,
révêque, le roi ou l'empereur. — Ebner, ouvr. cité, p. 398.
(3) Même référence que i .
(4) Delisle, ouvr. cité, n° xxxii, p. 143; — Ebner, ouvr,
cité, pp. 402, 403.
LK MISSEL ROMAIM 49
on ajouta ensuite deux à deux les noms d'Augus-
tin et Grégoire, Jérôme et Benoît, etc. Saint Gré-
goire III (731 -741) souhaitait qu'on fit une mention
expresse du saint ou des saints dont on célébrait
la fête en disant : cuJîls ou qiioritm solemnitas
hodie (i).,,\ la pratique a été observée pendant
un certain temps et en certaines églises, mais
n'a point prévalu, on peut dire qu'elle finit
avec le moyen âge. Aux XIII^ et XIV^ siècles, on
inscrivait encore cette commémoraison dans
les Missels où elle manquait (2). De nos jours
le début de la prière Continunicantes est mo-
difié pour les solennités de Noël, Epiphanie,
Jeudi saint, Pâques, Ascension et Pentecôte ; on
y met en relief la pensée de la fête ; le début de
Hanc igitiir varie pour le Jeudi saint, Pâques et
la Pentecôte. Ces additions sont fondées sur le
texte des plus anciens Sacramentaires ; on en
trouve déjà dans le Léonien et le Gélasien. A en
juger par le grand nombre de formules : Hancigi-
tzcr (38) contenues dans ce dernier, on pourrait
croire que cette variation est due à l'influence
gallicane (le manuscrit Regmensis Jj!& est en effet
d'origine gauloise), mais les variations se retrou-
vent en d'autres régions ; dans le Sacramentaire
de Brescia (Bibliotheca Qiceriniana IX*^ siècle),
il en existe une considérable due, selon toute
vraisemblance, àl'évêque Paulin d'Aquilée (t8o2).
Le Grégorien d'Adrien renferme un nombre beau-
coup moindre de Hanc igitur ; il témoigne ainsi
d'une tendance à la simplicité et à la fixité des
formules liturgiques (3). La grande élévation
actuelle, aussitôt après les paroles de la consécra-
(1) Lebrun, ouvr. cité, t. I. p. 436. Notes de Dom Ménard
sur le Sacramentaire Grégorien, P. Z., t. LXXVIII, c. 276.
(2) Ebner, ouvr. cité, p. 410.
(3) Ebner, ouvr, cité, pp. 410-416.
LE MISSEL ROMAIN. — Tome II. 4
5o LE MISSEL ROMAIN
tion, fut introduite en Gaule dans la seconde
moitié du xi^ siècle, comme une protestation
contre l'erreur de Bérenger ; de Gaule elle s'éten-
dit dans les autres régions de l'Eglise latine ;
auXlil^ siècle, elle était d'un usage universel. Telle
est l'origine de l'élévation de l'hostie et du calice :
quelques-uns voulurent qu'on attendît la fin des
paroles de la consécration du vin pour faire l'élé-
vation de l'hostie, c'était mal comprendre la force
des paroles de la consécration du pain. Par contre,
Eudes de Sully, évêque de Paris, prescrit l'éléva-
tion de l'hostie après les paroles : Hoc est corpus
meum, et ne parle point de l'élévation du calice :
de fait, les Chartreux ne pratiquent pas cette der-
nière élévation (i). Pour l'anamnèse : Unde qui
suit la consécration, quelques manuscrits men-
tionnent la Nativité avant la Passion ; ce que
blâme l'auteur du Micrologue (2). D'autres, sans
doute par distraction omettent l'Ascension.
Dans certains Sacramentaires du x^ siècle (le
Sacramentaire de Worms par exemple et celui de
Trêves où il est écrit seulement en marge) ne
figure pas le Me^inento des morts; Florus explique
cette lacune en disant que ce Meinento est contenu
dans le canon, d'autres disent que cette prière
était écrite dans un livre séparé appelé les
Diptyques (d'où l'expression oratio super dipty-
(i) Manifestement il y eut bien des variantes avant d'en
venir à la pratique actuelle : ainsi au xii* siècle, le prêtre éle-
vait l'hostie avant la consécration ; — voir un Pontifical du
Mont-Cassin le Cod. 614 de la Bibliotheca Casanatensis à
Rome, dans Ebner, ouvr . cité y p. 329. Le R. P. Thurston a
donné des articles intéressants sur les Origiftes de l'élévation,
dans le Tablet, année 1907, 19 et 26 octobre, 2 novembre. Ces
articles ont été traduits en français et publiés dans la Revue
du Clergé français, année 1908, t. LIV, p. 535, et LV, p. 60.
Voir aussi le Dictionnaire d'Archéologie chrétienne et de
Liturgie, au mot Amen, t. I, c. i558.
(2) Cap. 13, P. Z., t. CLI, c. 985.
LE MISSEL ROMAIN Si
chd). Ebner ne pense pas qu'un renvoi aux
diptyques suffise pour expliquer cette absence ;
à ses yeux, elle tient plutôt à ce que cette prière
n'avait point de place fixe dans le canon. Ainsi
dans le Cod. 3o de Zurich, g-élasien du Vlll^ siècle,
ce Mémento est en double, d'abord après le
Mémento des vivants, puis à sa place actuelle ;
dans le Cod. B , A, 2, de Florence, il se trouve
après Nobis quoqtie peccator'ibus en une forme ori-
ginairement plus brève (celle du X*^ siècle) complé-
tée plus tard au Xlir siècle (ij. Plusieurs documents
ont avant ce Mémento un souvenir spécial pour le
prêtre, ce qui explique la conjonction etiant (2).
Dans des manuscritsdu xr siècle, ce Mémento pour
le prêtre est tantôt avant, tantôt après Supplices ;
quelquefois il précède le Mem,ento des vivants,
comme dans certains manuscrits d'Italie ; d'autres
fois il est après le Mémento des défunts. De plus,
il y eut, dans ce dernier, des additions concernant
divers états ; elles sont ou de première ou de
seconde main, parfois on les a ajoutées pour les
effacer ensuite (3). Au Nobis qîwqiie, on a inscrit
plusieurs noms de martyrs particulièrement hono-
rés à Rome ; la liste, du IX^ siècle, dans quelques
églises de Gaule, en était plus considérable, on y
lisait les noms des confesseurs particulièrement
vénérés dans ce pays, comme Martin, Hilaire, etc.
Plus tard sera remise en vigueur la règle de men-
tionner ici exclusivement des martyrs (4). —
Contrairement à l'interprétation des liturgistes
(i) Ebner, ouvr. cité, p. 421-423.
(2) Lebrun, oîivr. cité^ t. I, p. 5 12.
(3) Voir le Cod. lat. 4^72 de la Bibliothèque du Vatican, un
Sacramentaire d'Arezzo au xi* siècle. Ebner, p. 224 ; — le
Missel de Léo/rie^ édit. Warren, p. 61 ; — le Cod. lat. 4yyo
de la Bib. Vaticane, Ebner, p. 219, etc..
(4) Lebrun, Ibid.^ t. I, p. 522.
52 LE MISSEL ROiMAIN
du IX^ et du X® siècle, les mots : Per quent hœc
omnia, se rapportent aux saintes espèces : c'est
en vain qu'on a voulu les rapporter aux nouveaux
fruits ou à l'ag-neau, ou aux autres offrandes que
l'on bénissait à ce moment (i).
Antérieurement au xil° siècle, le célébrant se
contentait d'élever les dons sacrés à la fin du
canon, aux mots : Per ipsuin^ et toute l'assemblée
restait inclinée jusqu'à ce moment-là. L'élévation
commençait k Per ïpsîini pour finira Omnis honor
et gloj^a; c'est pourquoi nul signe de croix n'est
marqué à ces mots dans les Sacramentaires écrits
avant la fin du ix*^ siècle. Même d'après les docu-
ments du IX^ au xi^ siècle, le prêtre continuait de
tenir élevés l'hostie et le calice jusqu'après la
réponse: ^;/2^/^ de Per omnia, — Vers le Xlll* siècle,
on fait couvrir le calice avant Per omnia et ces
mots qui autrefois formaient la conclusion du
Canon, paraissent se rattacher au Pater. Rome
adopta cette pratique au début du XV® siècle,
comme on le voit dans VOrdo Romamis XIV {2).
C. Conimtmion. — Dans les premiers temps, la
seule préparation à la communion fut la récitation
Am Pater. La liturgie mozarabe fit précéder cette
récitation de celle du symbole (3). Dans l'église
grecque et dans les Gaules, avant Charlemagne,
le prêtre et les fidèles disaient ensemble le Pater
à haute voix ; en Afrique et à Rome, le prêtre
seul récitait la prière et le peuple écoutait (4). Ce
(i) Ibid., p. 526. Nous abandonnons ici le sentiment for-
mulé dans les Notions générales de lihtr^ie, pp. 3o-3i.
(2) Voir les Ordines Romani, P. Z., t. LXXVIII ; Ord.
Rom. I, c. 945 ; Ord. Rotn. II, c. 974 ; Of^d. Rom. III, c. 98 1 ;
Ord. Rom. XIV, c. 1167.
(3) P. Z., t. LXXXV, c. 556.
(4) EpisL S. Gre^orii Mag-ni, lib. IX, ép. 12, P. L.,
t. LXXVIT, c. 957.
LE MISSEL ROMAL^ 53
dernier usage a prévalu, mais le peuple récite la
dernière demande comme récapitulation ; V Amen
dit par le prêtre ne figure pas dans les anciens
Sacramentaires, par exemple le Sacramentaire de
Worms ; cependant Rémi d'Auxerre assure qu'on
l'y trouve communément au IX^ siècle (i). C'est
que la prière Libéra nos fut considérée comme
un développement, une explication de la dernière
demande ; on la reliait donc le plus étroitement
possible à cette demande. Pierre de Blois donne
au Libéra nos le nom A' Enibolisme, c'est-à-dire,
insertion, intercalation, et cette expression se lit
aussi dans V 07^do Roinanus II (2). Dans un bon
nombre des manuscrits signalés à l'article i^'', on
peut voir que les églises particulières nommaient
après saint André d'autres saints auxquels elles
avaient une spéciale dévotion ; l'auteur du Micro-
logue observe que toute latitude était laissée sous
ce rapport (3). — Le même auteur indique aussi le
mode de fraction de l'hostie sainte et la destination
des parties ; la fraction en trois parties se faisait
sur la patène, une partie était mise dans le calice,
une autre devait servir à la communion du prêtre,
la troisième était réservée pour la communion
des infirmes (4). A Rome, à la messe du Pape,
cette troisième partie était partagée et distribuée
aux diverses églises de la ville : c'est ce qu'on
appelait \ç^ fermentnni (5). La fraction, partout
pratiquée, comportait des rites spéciaux qui
variaient suivant les églises : Dom Gougaud, dans
(i) Z'. L., t. LXXVIII, c. 28.
(2) Zaccaria, Onoynasticon, p. 1 25 ; pour VOrdo Roinanus II,
voir P. Z., t. LXXVIII, c. 974.
(3) P. Z., t. CLI, c. 994.
(4) Ibid.^ c. 995 et 988.
(5) Lebrun, ouvr. cité, t. I, p. 569. — Voir aussi Notions
générales de Liturgie, p. 32.
54 LE MISSEL ROMAIN
un rapport présenté au Congrès Eucharistique de
Londres a signalé sur ce point les particularités
de l'église celtique (i); il y trouve un rapproche-
ment avec le mode de fraction de la liturgie moza-
rabe oii l'hostie est partagée en neuf parcelles,
sept de ces parcelles sont ensuite disposées sur la
patène de manière à former une croix, les deux
autres sont placées sous le bras droit de la croix,
chacune reçoit une désignation, puis une destina-
tion spéciale (2). — Le moment où le prêtre tenait,
comme de nos jours, la petite parcelle et formait
avec elle le signe de la croix sur le calice était,
au ix^ siècle, le signal d'un baiser de paix que se
donnaient les fidèles, d'où les mots : Pax Domini
sit (3). Dans la liturgie gallicane et celles qui s'y
rattachent, comme la mozarabe, avant Pax Do-
mini,., l'évêque donnait une Bénédiction ; des
formules variant pour chaque mystère comme les
préfaces sont données à cet effet dans les recueils,
on désigne ces formules sous le nom de Béiiédic-
tions épiscopales, parce que les simples prêtres
n'en pouvaient user (4).
La fraction de l'hostie est suivie du mélange
des saintes espèces ; unç^ partie de la sainte hostie
est mise dans le calice ; la formule prononcée à
ce moment a varié : d'après le Micrologue, le
prêtre dit à voix basse : Piat coimnixiio et coiise-
cratio corpovis et sanguinis D , N.J, C. (5); d'après
( I ) Les rites de la consécration et de la fraction dans la
liturgie celtiqzie : Report of the nineteenth Eucharistie
Congress. London, 1909, p. 357 ^^ s^^*
(2) P. Z., t. LXXXV, c. 557.
(3) Avant cette époque, le baiser de paix précédait la frac-
tion ; voir les Ordines Romani 1, II ei V, P. Z., t. LXXVIII,
c. 945, 975, 988.
(4) Dictionnaire d'Archéologie chrétienize et de Liturgie:
Bénédictions épiscopales, t. II, c. 717.
(5) P. Z., t. CLI, c. 989.
LE MISSEL ROMAIN 55
un manuscrit du Xi" siècle conservé à la Biblio-
thèque capitulaire d'Udîne, Cod. y 6, V, la for-
mule est un peu plus longue : F'ïat nobis et oinîii-
bus sumeiitibus, qiiaesttimcs Domine, couiutixtio et
consecratio corpon's et sangicinis D. N. J. C. remis-
sîo omnium peccaioricm testamentum quoque
mentis et corporis et ad vitam capessendam
aeternam praeparatio saliitaris (i). — Dans le
Cod. IV y 3 de la Bibliothèque publique d'Arezzo le
rite de la fraction est intercalé entre les Agnus
Dei (2) ; mais d'ordinaire V Agnus Dei suit la
fraction. La triple invocation attribuée au Pape
Sergius P'' (687-761) fut d'abord chantée par le
clergé et les fidèles, puis, vers le xil*^ siècle, les
prêtres commencèrent à la réciter à l'autel, non
pas toutefois d'une façon uniforme : des docu-
ments disent trois fois, d'autres deux fois seule-
ment, d'autres trois fois, mais en intercalant
des rites différents (3). D'après Innocent III, on
disait miserere nobis à chaque fois (4) ; le Missel
ambrosien met ces invocations seulement aux
messes des morts avec : dona eis requiem.
Oraisons avant la Communion. — La première
se lit dans la Messe d'IUyricus (5) et dansleSacra-
mentaire de Trêves ; elle manque dans l'ordinaire
reproduit par l'auteur du Micrologue (6). Quant
aux deux autres, elles ne figurent pas dans les
anciens documents ; toutes les prières de la messe
paraissaient une préparation suffisante à la Com-
(i) Ebner, ouvr. cité, pp. 258; Ibid.^ p. 191 et 335, pp. 196
et 338.
(2) Ibid., p. 4.
(3) Lebrun, ouvr . cite, t. I, p. 579.
(4) P. L., t. CCXVII, c. 908.
(5) P. L., t. CXXXVIII, c. i332.
(6) P. L., CLI, c. 989. Voir dans Ebner, ouvr, cttéf le
Cod. F, 18 de San Pietro, à Rome, pp. 191 et 335.
56 LE MISSEL ROMAIN
munion. A partir du ix® siècle, la messe d'Illyricus
donne : Percepiio avant et D. J.-C. Fili Deivnn
après la Communion ; le Micrologue mentionne la
seconde de ces deux oraisons et dit qu'elle est
récitée en vertu d'une tradition chez les reli-
gieux (i).
Jusque vers l'an 1200, ni les Ordmes Routaiii,
ni les liturgistes n'ont dit qui devait prendre la
parcelle de l'hostie sainte mise dans le calice.
Diverses coutumes l'attribuaient au célébrant ;
Durand, au XIIl^ siècle, dit que l'Evêque la donnait
au diacre ou au sous-diacre, ce qui s'observe
encore pour la messe papale. La prière : Quodore
est très ancienne ; elle figure comme postcommu-
nion dans le Sacramentaire léonien (2), elle est
passée de là dans le Gélasien et le Grégorien. Les
plus anciens Ordines Romani, Amalaire, la Messe
d'Illyricus, le Micrologue, marquent cette oraison
comme devant être dite par le prêtre après la
communion. — La seconde prière : Corp^LS tuum
est aussi très ancienne : dans le Missale Gothicum
elle figure comme postcommunion, et au pluriel,
parce qu'avant Charlemagne les fidèles commu-
niaient ordinairement sous les deux espèces (3).
La messe d'Illyricus la signale en cet endroit,
mais non l'auteur du Micrologue. — Jusqu'à
Innocent III, les ablutions ne se pratiquaient pas
comme maintenant ; les liturgistes remarquent que
le prêtre se lave les mains et qu'on jette l'eau dans
la piscine.
L'antienne poitr la Coinimmion est marquée
distinctement dans les Ordines Romani, pour être
chantée soit pendant le temps que dure la Com-
{}) P. L., CLI, c. i333, et Ibîd., c. 989 et 995.
(2) Feltoe, Sacramentarmm leonianum, p. 69 et 193.
(3) Lebrun, ouvr. cité, t. I, p. 620.
LE MISSEL ROMAIN $7
munion des fidèles, soit au gré du Pontife (i).
D'après le Microlog-ue, on y joint le psaume chanté
à l'introït à moins que l'antienne ne soit extraite
d'un autre psaume (2). Les potscommunions se
disent en même nombre que les collectes et les
secrètes (3). Au ix^ siècle, tout se termine à
Ite missa est. — Quant à l'oraison Placeat, elle se
récitait à la sacristie, soit avant de quitter les
habits sacerdotaux, soit après. Le célébrant don-
nait alors une bénédiction à ses ministres, récitait
les prières d'actions de grâces (les mêmes qu'au-
jourd'hui, d'après le Micrologue) (4). C'est seule-
ment au Xlir siècle que certains prêtres par
dévotion récitent de mémoire le début de l'évan-
gile selon saint Jean en allant de l'autel à la
sacristie. — Un manuscrit du XI^ siècle, le Codex
264^ (S. Salvatoris 684) de la Bibliothèque de
l'Université de Bologne, dit qu'à la fin de la messe
le prêtre bénit le peuple en disant : Benedictio
Dei Patris et Filii et Spiritiis sancti desceridat
super vos. C'est sans doute le plus ancien exemple
que l'on puisse donner de cette pratique à la fin
de la messe. Un canon du Concile d'Adge
(506) (5) porte défense aux fidèles de sortir de la
messe avant la bénédiction du prêtre : cette déci-
sion n'a pas manqué d'embarrasser nos liturgistes
du moyen âge. Walafrid Strabon (6) expliquait
la bénédiction du concile d'Agde (qu'il appelait
Concile d'Orléans) dans le sens de la dernière
(i) Ofdo Romamts II, III, P.L., t. LXXVIII, c. 976 et 982.
(2) P. L.y t. CLI, c. 989, 990.
(3) La potscommunion est appelée Oratio ad complen-
dzim : aux fériés de Carême, on la fait suivre d'une autre
prière, appelée : Oratio sztpra populum.
(4) Ibid., c. 995.
(5) Sur ce concile, voir D. Leclerq et Héfélé, Histoire des
Conciles, t. II, p. 999.
(6) De rebzts Bcclesiasticis, c. 22, P. L., t. CXJV, c. 951.
58 LE MISSEL ROMAIN
oraison de la messe ; Amalaire se contente de
mentionner la dernière bénédiction qui précède
le renvoi sans dire en quels termes elle était don-
née ; Raban Maur paraît être de l'avis de Walafrid
Strabon. Quoi qu'il en soit, la dernière bénédic-
tion telle qu'on la donne maintenant n'est pas
mentionnée dans les anciens manuscrits, le do-
cument de la Bibliothèque de l'Université de
Bologne est un des rares où on la trouve.
Pourcette dernière partie de la messe des fidèles,
comme pour le début de la messe des catéchu-
mènes, il y a des renseignements intéressants dans
Ebner, à l'endroit où il fait le relevé des indications
de rubriques et de formules (i). Malheureusement
nous ne pouvons tout citer; aux références signa-
lées dans le cours de ce paragraphe, ajoutons
encore le inamcscrit 1084 de la Bibliothèque de
l'Université de Bologne, document du xf siècle,
indiqué à tort au catalogue comme Missel gallican
du xiv^ siècle (2) ; deux manuscrits de Florence,
Bibliothèque Riccard, du xi*^ siècle, le Cod, 2^ç
et le Cod. 3oo etc., etc. (3). — Celui de la Biblio-
thèque Ambrosienne de Milan, le Cod, H.^ 255,
du xn^ siècle est d'un intérêt spécial pour le rite
ambrosien (4).
II. Liturgie Ambrosienne,
Nous signalons ici les particularités delà Messe
milanaise, d'après le Sacramentaire de Biasca et
celui de Bergame (5).
I . Messe des Catéchumènes. — A la sortie de la
sacristie, on chante Vhtgressa; c'est l'équivalent
(i) Ebner, ouvr. cité, pp. 296-356.
(2) Ibid., pp. 7-9.
(3) Ibid. y pp. 297-302.
(4) Ibid,, pp. 306-307.
(5) C'est en résumé l'exposé de la messe ambrosienne,
telle qu'elle est donnée dans le Dictionnaire d'Archéologie
chrétienne et de Liturgie, t. \, c. 140 1-2420.
LE MISSEL ROMAIN Sç
de l'Introït romain, moins le psaume, le Gloria et
la reprise. L'Evèque salue l'assistance en disant :
DojJiinus vobîscum (ce qu'il répétera après chacune
des trois lectures), puis il dit V Oratio super popu-
lu7n. — Le Cod. H, ^^j de la Bibliothèque Ambro-
sienne, à Milan, document du XII® siècle, marque
quelques prières dites au bas de l'autel : Introibo,
Indidgeiitiant, puis les oraisons : Aufer a nobïs,
et Oramns te (i). — On chante trois cantiques
d'ouverture : le G/o r? a m exce /sis (une importation
romaine), le Kyrie, trois fois, et le cantique
Boiedictus (comme dans le rite gallican). Ce der-
nier cantique est appelé aussi : prophetia ; ce qui
explique la Colleciio post prophetiam, récitée à ce
moment. — Comme dans VOrdo gallican, on
compte trois lectures, savoir : la leçon prophé-
tique (de l'Ancien Testament), laleçonapostolique
(ou épître) et la leçon évangélique. Jusqu'au
xr siècle, la première était remplacée par les
Gesta aux fêtes des saints : cette leçon prophétique
ne se rencontre aujourd'hui qu'aux messes du
Carême, du Saint Sacrement et aux messes après
la Pentecôte. — Divers chants se placent entre ces
lectures ; un Psalimllus (ou versets d'un psaume)
après la leçon prophétique, V Alléluia après la
leçon apostolique, une antienne spéciale avant
l'évang-ile, mais seulement pour les grandes fêtes,
et, à certains jours, le Betiedicite appelé Bénédic-
tion (nous avons l'équivalent au samedi des quatre
Temps après la cinquième leçon). — Après l'évan-
gile, ont lieu le Sermon ou tractaitis et le renvoi
des catéchumènes.
2. Messe des Jîdèles. —A. Oblation.Y^eDontinus
vobisciwt est suivi d'un triple Kyrie, qui marque
la place de la prière litanique ; on apporte en pro-
cession les éléments du Sacrifice et le chœur exé-
(i) Voir Ebner, Ibid., p. 3o6.
60 LE MISSEL ROMAIX
cute V anttphona post evangelium ; un voile pré-
cieux recouvre l'oblation sur l'autel, c'est le suaire
ou sindon. On chante Vofferenda, le diacre dit :
Pacein habete (i), et le prêtre récite la prière du
voile : oratio sitper sindoîieifiy puis l'équivalent de
la secrète romaine ou oratio super oblatam. Ces
deux oraisons, dites à voix basse, semblent faire
double emploi.
B. Consécration ou Canon. — Le Sacramentaîre
de Biasca, x® siècle (2), offre sous le titre de
Missa canonica, une messe quotidienne qui
contient le canon : elle est placée au milieu du
recueil après la semaine de la Pentecôte (au
Sacramentaire de Bergame, xi^ siècle, elle se
trouve entre le 4® et le 5*^ dimanche après la
Pentecôte). La préface y appelle une partie
propre : ces préfaces propres sont nombreuses
dans le livre de Bergame, elles ont souvent la
forme de collectes, quelques-unes sont des récits ;
il en est qui dénotent une main experte. — Après
la préface, au temps de saint Ambroise, on tirait
un voile à l'entrée du sanctuaire ; le canon s'accom-
plissait dans le mystère, à l'abri du regard des
fidèles. — Milan adopta de bonne heure le texte
du canon romain ; cependant il y a quelques
différences d'expression ; la teneur se rapproche
du Gélasien et du Missel de Stowe (3). Par la
comparaison du canon milanais actuel avec le
De Sacrainentis (4) et avec les offices de la Semaine
(i) Cette formule rappelle que le baiser de paix se donnait
autrefois à ce moment de la messe.
(2) Cod. A. 24 bis, part. inf. de la Bibliothèque ambrosienne
à Milan ; voir Ebner, ouvr. cité, p. 73.
(3) On trouvera un tableau comparatif du texte du canon dans
les trois documents cités par l'auteur de l'article sur le rite
ambrosien : Dictlomzaire d' Archéologie chrétienne et de
Liturgie, t. I, c. 1407-1414.
(4) Sur le De Sacramentis, voir notre premier opuscule,
p. 37-39.
LE iMISSEL ROMAIN 6r
sainte, on peut constater qu'il y a eu des rema-
niements opérés. La partie centrale de la messe
ambrosienne était, à l'origine, formée presque
exclusivement du récit de l'institution : on l'appe-
lait : Sac7^ae orationis inysterium, consecratio
divina, benedictio verborunt cœlesiiu77t (i). Le
canon milanais se termine par un développement
du passage de saint Paul, I Cor., xi, 26. Aujour-
d'hui on lit les prières suivantes : Te igitur,
Mémento, Communicantes , Hanc igitur, Quant
oblationem ; après cette dernière prière, le prêtre
va au coin de l'épitre et se lave les doigts en
silence. La consécration se fait par le récit de
l'institution. Le reste, comme au canon romain ;
la plupart des variantes de rédaction sont celles
du manuscrit de Biasca.
C. Commiùnion. — La fraction et commixtion
de l'hostie se font comme dans le rite romain avec
une formule un peu différente : on chante le
6"(9;//>'^^/(9r2>/;/^ (ou antienne de la fraction). Puis
vient le Pater, suivi d'unedoxologie fort ancienne
et du Libéra nos, La paix est souhaitée dans la
forme suivante : Pax et commttnicatio D. N, J, C.
sit semper vobiscum. if Et cîcm spiritu tuo. Et le
diacre dit : Offerte vobis pacem (2) . — ■ On ne
chante \ Agnus Z^^/ qu'aux messes des morts et l'on
passe aussitôt aux trois prières avant la commu-
nion (ces prières manquent dans les manuscrits).
La formule de la communion du prêtre était autre-
fois différente de la nôtre, elle est maintenant la
même. En distribuant la communion aux fidèles
le prêtre dit : Corpics Christi, et l'on répond :
(i) Voir P. L., t. XVI, c. 641, 406 et 407.
(2) Les formules que l'on s'adresse en donnant et recevant
la paix sont dans le Cod. Il ^55, de la Bibliothèque ambro-
sienne, Ebner, ouvr. cité, p. 307.
02 LE MISSEL ROMAIN
Amen (i). Pendant la communion, le chœur
exécute un chant appelé transitorùmi. Vient
ensuite la postcommunion ; le prêtre dit Dominus
V obis c uni, trois fois Kyine^ une fois Benedicat et
custodiat nos Deus. Amen, Le congé est donné
par le diacre en ces termes : Procédâmes cum
pace. In nomine Christù — On a ajouté Placeat,
la bénédiction et l'évangile de saint Jean, comme
dans le Missel romain.
N.B. — Pour le propre du temps : au Xîl^ siècle,
Béroldus semble ne rien connaître de la seconde
messe de Noël ; la plus ancienne mention des trois
messes de Noël dans l'Ambrosien, où elles existent
maintenant, remonte à 1374. — Les vendredis de
Carêmesont aliturgiques; le Jeudi saint, on réserve
la sainte Eucharistie pour communier les malades
et pour représenter l'ensevelissement de Jésus ;
le Vendredi saint il n'y a pas de messe des
présanctijîés. Les Rogations ont lieu la semaine
qui précède la Pentecôte ; la fête du Corpus
Christi est célébrée depuis 1335. Pendant quelque
temps la commémoration des défunts actuellement
au 2 novembre fut placée le lendemain du troisième
dimanche d'octobre (2).
III. — Particularités du propre du temps
ET DU PROPRE DES SAINTS.
Il reste peu de détails nouveaux à donner après
ce qui a été dit déjà dans le premier opuscule ;
peu nombreuses sont ici les particularités qui ne
figurent pas dans le Grégorien d'Adrien.
I. Propre du temps. — Au Xl® siècle, quand
(i) C'est la formule du De Sacramentis, P. L., t. XVI,
c. 445.
(2) Ce sont là quelques particularités du Calendrier ambro-
sien, dans lequel figurent beaucoup de saints, sauf entre le
i8 février et le 10 avril ; on ne trouve là que la fête de
l'Annonciation. Cuthbert Atchley, The A^nbrosian liturgy.
LE MISSEL ROMAIN 6.)
l'auteur du Micrologue écrivait son traité, les
dimanches qui suivent l'Epiphanie avaient tous
le même introït et probablement aussi les mêmes
autres parties chantées (i). Le jeûne du Carême
fut étendu au samedi (2) ; il ne fut plus alors
nécessaire d'en faire remonter le commencement
aux dimanches de la Sexagésime ou de la Quin-
quagésime, néanmoins l'office de ce dimanche
resta ce qu'il était auparavant (3). Au point de
vue liturgique, le commencement du Carême se
place au Mercredi des Cendres, Voratio super
popîUuni, intimement liée à l'observation du
jeûne est récitée pendant les quatre jours qui
précèdent le premier dimanche comme pendant
toutes les fériés du Carême : on croit générale-
ment que cette pratique remonte à saint Gré-
goire, néanmoins on pourrait la faire remonter
plus haut, si l'on tient compte d'une rubrique du
Sacramentaire Gélasien (4). La bénédiction et
l'imposition des cendres au jour appelé Captit
jejîcnii se rattachent à la récitation des prières
sur ceux qui étaient assujettis à la pénitence
publique : on trouve cette cérémonie mentionnée
dans le concile d'Agde (506). A quelle époque
fut- elle étendue à tous les fidèles ? \J Ordo Roina-
nus XII permet de placer ce rite au plus tard vers
la fin du Xll® siècle : cet Ordo nous dit comment le
pape lui-même reçoit les cendres bénites par le
plus jeune des cardinaux et comment il les impose
ensuite à tout le clergé (5). Les offices des jeudis
(i) P. L., t. CLI, c. 1009.
(2) Concile d'Agde, can. 12. — 4* Concile d'Orléans (541),
can. 2. (5o6). Voir Héfélé-Leclercq. Histoire des Conciles,
t. II. pp. 986 et ii65.
(3) P. L., t. LXXVIII, c. 3o5.
(4) Edit. Wilson, p. i5.
(5) UOrdo Romanus XII fut rédigé par Cencius sous
Célestin III (1191-1198).
64 LE MISSEL ROMAIN
de Carême (le Jeudi saint excepté) furent institués
seulement au vili^ siècle par le pape saint Gré-
goire II {715-731) ; le Souverain Pontife prescri-
vit alors de jeûner et de célébrer la messe ce
jour-là comme les autres jours ; les éléments de la
messe durent être pris un peu partout et surtout
dans les dimanches de l'été (i). Aux renseigne-
ments donnés ailleurs sur les Quatre-Temps nous
ajouterons ici quelques remarques : une indica-
tion du Sacramentaire Grégorien nous apprend
que l'annonce des Quatre-Temps avait lieu à la
messe (sans doute du dimanche précédent) après
les paroles : Pax Doimiii sit seinper. La date de
ces jours de pénitence pour le commencement de
chaque saison fut définitivement fixée à Rome
par saint Grégoire VII (1073- 1085) ; toute la chré-
tienté en adopta successivement la pratique,
l'Espagne seulement au xr siècle ; Milan devait
attendre encore jusqu'au temps de saint Charles
Borromée (xvr siècle) (2). Pour chaque saison, le
lendemain du samedi des Quatre-Temps est
marqué de la rubrique : Dommica vacat, dans
beaucoup de documents, sans doute parce que les
ordre conférés la veille de ce dimanche avaient
occasionné une fatigue considérable et qu'il n'y
avait alors ni procession ni homélie. Le Vacat à.w
samedi veille des Rameaux donne à entendre que
(i) Voir \ç. Micrologue , P. L., t. CLI, c. 10 14 ; Duchesne :
Liber Pontificalis, t. I, p. 402.
(2) Voir opuscule : Bréviaire Romain, pp. 14, 58 et 71 ;
D. Morin, Revue Bénédictine, 1897, t. XIV, p. 337. Bernon
d'Augias, auteur du xi* siècle, dans son traité : De qui-
busdatn rébus ad m-issam spectantibtts, a tout un chapitre
sur les Quatre-Temps, P. Z., t. CXLII, c. 1087. Le début
de l'annonce des Quatre-Temps fait connaître le motif de ce
jeûne : Anniversariam jejunii furitatem qtia et corporis
et animae acquîritur sanctitas nos coinmonet mensis instau-
ratadevotio. P. L., t. LXXVIII, c. 118.
LE MISSEL ROiMAIN 65
la messe donnée ce jour-là par les documents est
postérieure à saint Grégoire.
Une partie des offices du Jeudi saint, la consé-
cration des saintes huiles (i), passe des Sacramen-.
taires aux Pontificaux, le reste demeure dans les
Missels comme aussi les offices du Vendredi et
du Samedi saint. L'office du Vendredi saint,
au xr siècle et aux siècles suivants est conforme à
la description qu'on trouve dans le De divims
officiîs du pseudo Alcuin : on sait que la messe
des Présanctifiés tire son nom d'une particularité
spéciale à ce jour : le célébrant seul communie
avec une hostie consacrée la veille. Ce rite très
ancien est plus fréquent dans l'église orientale,
les Grecs l'observaient en Carême, sauf les di-
manches, et la fête de l'Annonciation, c'est-à-dire
tous les jours où l'on observait le jeûne (2). Les
offices du Samedi saint ont conservé des vestiges
de l'administration solennelle du baptême qui
avait lieu ce jour-là ; notons seulement que le
nombre des lectures (aujourd'hui de douze) varie
beaucoup dans les anciens documents, il est de
SIX dans la publication de Pamélius, de huit dans
celle de Dom Ménard, de dix dans le Sacramen-
taire Gélasien ; le nombre actuel a été emprunté
aux recueils gallicans (3). La même variété a
régné pour les oraisons qui suivent ces lectures.
Il n'y a pas ^ Introït ^m début de la messe, le Kyrie
eleison est la conclusion de la litanie chantée au
retour des fonts : certains documents appellent
cette litanie, litania septena^ probablement parce
(i) N. B. — La bénédiction et procession du dimanche des
Rameaux remonte à une haute antiquité ; le De divinis officiis,
attribué à Alcuin, décrit la cérémonie (oraisons et chants y com-
pris le Gloria laits). P» Z., t. CI, c. 1 200-1 201 ; voir aussi
P.L., t. LXXVIII, c. 3io.
(2) P. L., t. LXXVIII, c. 324.
(3) Note de Lesley dans P. L., t. LXXXV, c. 446.
LE MISSEL ROMALN. — ïome H. 5
66 LE MISSEL ROMAIN
qu'on la chantait à sept chœurs (i), les invocations
de saints varient selon les recueils et à ce point
de vue l'étude comparative de ces invocations peut
servir à déterminer l'époque et le pays des manus-
crits. — Durant toute l'octave de Pâques jusqu'au
samedi, veille de Quasimodo, deux messes étaient
célébrées, dont une matinale était pour les nou-
veaux baptisés : telle était la pratique de Milan et
des Gaules, on n'ose pas assurer qu'il en fut ainsi
pour l'Espagne (2). Certains recueils n'ont pas la
série des dimanches après Pâques ; les autres ne
s'accordent pas sur la manière de compter, ils
donnent quatre, cinq, ou six post claiisum pas-
chae : le P. Lesley estime qu'on peut tout conci-
lier et ramener à la supputation actuelle ; les
recueils qui vont jusqu'à six comprennent dans
ce chiffre le dimanche de Pâques, ceux qui
n'ont que quatre font abstraction de ce dimanche
et de celui de Quasiinodo (3). Au xil"" siècle, nous
trouvons dans les documents des traces certaines
de Litanies des Rogations à Rome : il faut même en
faire remonter à saint Léon III (795-816) l'impor-
tation dans la capitale du monde chrétien ; elles
avaient été établies au v® siècle dans les Gaules par
saint Mamert, évêque de Vienne. La dénomina
tion de litanies mineures est diversement expli-
quée par les liturg-istes ; Beleth dit qu'elle tient à
la moindre importance du personnage qui les
institua, la litanie ntajeure du 25 avril étant attri-
buée à saint Grégoire le Grand (4). Mais il est
bon de remarquer que les litanies des Rog'ationsi
sont appelées aussi litanies inajeztres dans certains
(i) P. L.y t. LXXVIII, c. 88 et 338. Zaccaria. Onomasticon
p. 189.
(2) P. L., t. LXXV, c. 5i5.
C3) P. L., Ibîd.y c. 579.
(4) J. Beleth, Rationale. P. L., t. CCII, c.
i
LE MISSEL ROMAIN 67
documents ; dès lors, rappellation viendrait aux
majeures de leur plus grande solennité (i).
Le samedi, veille de la Pentecôte, et toute l'oc-
tave de cette fête sont calqués sur les solennités
de Pâques et de son octave (actuellement le samedi
a six lectures au lieu de douze). Alors se faisait
une nouvelle administration solennelle du bap-
tême pour ceux qui n'avaient pu être admis à
Pâques.
Certaines églises avaient aussi le baptême solen-
nel au jour de l'Epiphanie, certaines autres aux
fêtes des saints martyrs ; le pape saint Léon
s'opposa à cette extension (2). Comme le di-
manche octave de la Pentecôte se trouvait être le
lendemain des Quatre-Temps, il n'aurait pas dû
avoir de messe spéciale. Vers le xi^ siècle, on y
plaçala fête delà Sai7ite Trinité déjà établie àLiège
un siècle auparavant. L'innovation rencontra
l'opposition des Papes Léon IX et Alexandre II
(i* 1073)5 l'auteur du Micrologue a consigné
quelques-unes des objections soulevées de son
temps ; « tous les jours de dimanche, dit-il, sont
consacrés à honorer ce mystère, les papes eux-
mêmes n'y sont pas favorables, on n'a pas de
fête spéciale pour honorer l'unité de nature (3) ».
Nous n'avons rien de spécial à ajouter pour les
dimanches après la Pentecôte, le nombre en est
désormais fixé comme il le sera jusqu'à nos jours :
il règne néanmoins un certain écart entre les
divers manuscrits, les uns en donnent jusqu'à 27,
(1) Ainsi les autres Kyrie chantés au cours de l'année n'ont
pas le caractère de cette supplication où chaque invocation
est répétée deux fois. Voir Tommasi, Œuvres, t. IV, pp. 106
et 1 10 ; les Ordînes Romani XIII et XIV^ dans P» L.,
t. LXXVIII, c. iriQ, ri 54; Le Micrologtie, P. L., t. CLI,
c. 1018.
(2) P, L, t. LXXVIII, c. 389-390.
(3) P. L, t. CLI, c. 1019.
68 LE MISSEL ROMAIN
d'autres 26 ou 25, le plus grand nombre s'arrête
à 24. Des documents établissent des subdivisions
dans ce groupe comme on peut le voir dans
Tommasi (i). La divergence pour le nombre pour-
rait bien provenir de celle qui existait pour la
durée de l'Avent, certaines églises comptant cinq
et même six dimanches avant Noël.
IL Propre des Samts, — Impossible d'entrer ici
dans le détail des saints ajoutés aux documents
des églises particulières, il faut nécessairement
se borner à ceux qui sont restés dans notre Missel
romain. Suivant la remarque de M. Ed. Bishop,
vers le milieu du ix^ siècle, on commença à inter-
caler à leurs dates, dans les recueils des messes,
des saints qui n'avaient pas jusque-là figuré dans
le Sanctoral grégorien : ainsi, dans le cours dux®
et du XI^ siècle, on voit faire leur entrée, les
Quarante martyrs au 9 mars, sainte Potentienne
au 19 mai, sainte Praxède au 21 juillet, Apol-
linaire au 21 juillet, etc. (2). Au 13 mai, la dédi-
cace de Sainte-Marie aux Martyrs cesse de
paraître dans les documents : une autre dédicace
de cette église par Grégoire IV (824-827) sera, il
est vrai, mentionnée au i^^ novembre. Cependant
Dom Quentin fait des réserves à propos de la
notice consacrée à cette dédicace dans les marty-
rologes, pour expliquer les origines de la Tous-
saint : ces origines, dit-il, demeurent encore
obscures (3), car l'assertion du Martyrologe
d^Adon aurait besoin d'être contrôlée. Le saint
Nicomède du i^^ juin disparaît pour ne plus
figurer qu'au 15 septembre, anniversaire de son
martyre. Les fêtes de saint Jean-Baptiste et des
(i) Tommasi, Œtivres, t. V, p. 43 1 ; voir Les Evangé-
liaires, p. 80.
(2) Gasquet et Bishop, The Bosworth Psalter, pp. 16,17,21.
(3) D. Quentin : Les Martyrologes ati vtoyen âge, pp. (t^i'jy 640.
LE MISSEL ROMAIN 69
saints Pierre et Paul figurent avec une vigile
(23 et 28 juin), la rubrique suppose deux messes
pour chacune de ces vigiles (i). Des documents
ont, au 6 juillet, une octave des saints Apôtres ;
d'autres placent, à cette même date, soit une
translation de saint Martin, soit l'anniversaire de
son ordination et de la dédicace de son église (2).
Les recueils bénédictins ont au 10 juillet la vigile
et au II le Natale de saint Benoît ; on pense que
certaines églises ont transféré à cette date la
fête du saint patriarche des moines d'occident,
l'échéance du 21 mars en Carême ne permettant pas
de lui donner toute la solennité désirable (3). Au
i^"" août, pendant que certains documents ont deux
messes, l'une de saint Pierre es liens, l'autre des
Machabées, certains autres mentionnent seule-
ment la seconde (4); au 6 août, fête de saint
Sixte, les Sacramentaires de Rodrade et de Ratold
ont une bénédiction des raisins (ou des fèves) (5).
Le 1®^ octobre, dans le Codex de Reims, on voit
saint Rémi avec une vigile ; c'est l'anniversaire
de la Translation du corps de ce saint évêque
dont la mort est au 13 janvier. Le i^^ novembre
rappelle non plus seulement l'anniversaire de la
mort d'un saint Césaire martyr, mais la fête de
tous les saints comme on vient de le voir à pro-
pos du 13 mai (6).
Nous terminerons ce bref aperçu par une revue
des fêtes en l'honneur de Marie aux xi^ et xir s.
Depuis longtemps déjà la Purification figurait
au calendrier, au 15, puis au 2 février; il est
(i) P. L., t. LXXVIII, c. 394.
(2) Ibid.y c. 396.
(3) Ibid., c. 397.
(4) Ibid., c. 400.
(5) Ibid,, c. 400.
(6) Ibid., c. 410,
70 LE MISSEL ROMAIN
curieux de constater que si les anciens docu-
ments parlent de cierges à l'occasion de cette
fête, ils gardent le silence sur leur bénédiction ;
ainsi font les liturgistes, Alcuin se contente de
dire que le pontife distribue des cierges aux
fidèles. Le premier Sacramentaire qui donne une
formule de bénédiction est peut-être le vSacra-
mentaire des abbayes de Saint -Wast et de Corbie,
copié par les soins de l'abbé Ratold, manuscrit
du x^ siècle (i). Les fêtes de l'Annonciation et de
l'Assomption trouvent désormais leur place au
calendrier la première au 25 mars, la deuxième
au 15 août. De la fête de la Visitation, il ne sera
question qu'au siècle suivant. La fête de la Nati-
vité a depuis longtemps sa place au 8 septembre.
Celle de la Présentation au 21 novembre
était célébrée en Angleterre dès le début
du XI® siècle (2). Il se confirme de plus en plus
qu'à cette même date du Xl^ siècle, l'Angle-
terre célébrait le 8 décembre une fête en l'honneur
de la Conception de Marie : en deux calendriers
de Winchester (Vitellius E. XVII et Titus D.
XXVII) les deux fêtes du 21 novembre et du
8 décembre sont en connexion l'une avec l'autre.
A la suite de recherches faites récemment à ce
sujet, M. Ed. Bishop; établit que des moines grecs,
existant au ix® siècle dans la Basse-Italie, avaient
les deux fêtes de la Présentation de Marie au
21 novembre et de sa Conception au 9 décembre
regardées chez eux comme traditionnelles : « Je
crois, dit-il, que c'est par le contact des Anglais
avec ces moines grecs que ces deux fêtes nous sont
venues vers les premières décades du xf siècle (3).
{i) P. L, \., LXXVIII, c. 298, et Delisle, Anciens Sacra^
mentaireSy n* lvi, p. 188, sur le manuscrit latin \ioSi de la
Bibliothèque Nationale.
(2) Gasquet et Bishop, The Bosworth Psalter, pp. 43-53
(3) Dans le passage indiqué, M. Bishop commence par
donner une excellente bibliographie du sujet, et fournit ensuite!
LE MISSEL ROMAIN 7?
§ IV. — Ecrit i RE et ornementation
DES MANUSCRITS.
Le lecteur aimera sans doute, à être renseig-né
sur l'écriture et rornementation des documents
énun-iérés au cours de cette histoire ; il connaîtrait
imparfaitement Sacramentaires et Missels s'il
n'avai pas au moins une idée sommaire de
l'influence exercée par ces livres liturg-iques sur
le développement de la calligraphie et de la
miniatu-e. Aussi bien est- on en mesure de signa-
ler dans ce genre de manuscrits des chefs-d'œuvre
qui font l'admiration des connaisseurs et cons-
tituent le plus riche ornement de nos biblio-
thèques. i\ous réunirons dans ce paragraphe ce
qui concerne les Sacramentaires et les Missels
envisagés lu point de vue de l'art, ceux qui ont
été mentiojnés précédemment comme ceux qui
feront l'objtt du chapitre suivant ; il y aurait peu
d'intérêt à -épartir cette matière sur différents
chapitres.
I. Ecriture — On trouvera dans Reusens (i)
des explications sur les écritures dites nationales,
comme la imrovingienne , V irlandaise , Vanglo-
saxon7ie, la vi^igothique, la lombarde et la caro-
lingienne. De (es écritures diverses, la dernière
surtout nous inéresse, car elle domine dans les
Sacramentaires >x. les Missels pendant la période
brillante des maïuscrits (ix^ à Xlll® siècles) ; aux
xii^ et XIII^ sièces on voit paraître l'écriture
gotkiqîte, une dérénération de la demi-onciale
Caroline. Si l'on accepte quelques recueils litur-
giques plus ancien;, écrits en caractères mérovin-
giens comme le maïuscrit latin 9427 de la Biblio-
les explications que nou venons de résumer. Ses dernières
conclusions l'inclinent à 6andonner les vues du R. P. Thurston
sur les origines irlandaissàe. la fête deTImmaculée Conception
(art. de la revue The Moni^ , 2LX\v\k:ç. 1904, vol. CIV pp. 459,568.)
(i) Reusens, Eléments cp paléographie, chdi^. 11, pp. 37-92.
72 LE MISSEL ROMAIN
thèque Nationale, un Lectionnaire du vil^ sièc?e
provenant de l'abbaye de Luxeuil (i), ou en
caractères lombards comme le manuscrit 348 de
Saint-Gall, Sacramentaire de Rémédius, évêque de
Coire (800-820) (2), la plupart des manuscrits
subsistants sont en écriture carolingienne. Ce
genre qui comprend la capitale^ Voiiciale, la deini-
onciale et la imiiiiscule fut, à partir du ix*^ siècle,
cultivé dans les abbayes de Metz, Reims, Saint-
Denis près Paris, Corbie, Orléans et surtout
Saint-Martin de Tours. La capitale fut enployée
dans les vSacramentaires pour les tïtjes, puis
Vonciale et la demi-onciale pour le texte.
M. Léopold Delisle, dans son Mémoire, indique
le genre d'écriture de chaque manuscrit (3).
II. Ornementation, — Ici, les Sacramentaires et
les Missels présentent le plus grand intérêt ; dans
ces livres liturgiques en effet, comme d'ailleurs
dans les Evangéliaires et les Pontificmx, l'art de
la peinture et de l'enluminure se développe sur
un champ bien restreint, il est vrai, mais avec un
fini de détails, un éclat et une richesse que nous
parvenons difficilement à reprodiire avec des
moyens plus perfectionnés (4) La iécoration des
manuscrits peut être envisagée soit en général
(i) Reusens, ouvr, cité, pp. 37 et 43.
(2) L'écriture lombarde, importée d'Itaîe en France par des
moines, fut cultivée au viii° siècle à Cortie et à Soissons ; au
IX* siècle elle se développa dans l'Italie méridionale, notam-
ment à l'abbaye du Mont-Cassin, puis fia Cava. — Reusens,
Ibid., p. 61. Voir aussi Delisle, Amiens Sacramentaires,
n- X, p. 84. /
(3) Delisle, ouvr. cité, passim.
(4) Uor fut employé pour les lett)fes ou comme fond aux
premières pages : cette magnifîcen^ atteint son plus haut
point à l'époque carolingienne. \pr disparaît du xi* au
XIII* siècle, puis revient comme encjdrement au xiv*. Comme
fond on emploie aussi le pozir^re ^r vélin soit pour le fron-
tispice, soit pour le canon.
LE MISSEL ROMATN 7.")
dans l'ensemble du recueil, soit en particulier
dans ses parties principales.
I. En général. — Aux Vll'^ et viir siècles, l'or-
nementation des initiales commence timidement
dans les préfaces des recueils gallicans, le Missale
Francoriim, le Goihicuni et le Gallïcanum, On
peut donner comme type de la décoration aux
temps mérovingiens le n° 316 du fonds de la Reine
au Vatican, ou Sacramentaire Gélasien ; il y a
toute une page ornée au commencement de
chacune des trois parties, y^'/. 3, i3i, ij2. Mura-
tori (i) en a donné des fac-similés très insuffisants ;
les spécimens d'Ebner (2) sont mieux réussis ; dans
l'arcade est dessinée une croix et aux bras de la
croix pendent \ alpha et \ oméga. Au VIII® siècle,
l'ornementation prend un plus grand développe-
ment dans le mamiscrit latin 12048 , ou Sacra-
mentaire de Gellone. Les dessins, dit Delisle, en
sont très remarquables (3) ; l'œuvre n'est encore
qu'un essai , elle mérite néanmoins d'attirer l'atten-
tion. Le canon de la messe s'ouvre par l'image du
Sauveur sur la croix ; du corps de Notre Seigneur
s'échappent des gouttes de sang, au-dessus de la
tête est le titre : IH I S X P S^ et de chaque côté
au-dessus des bras planent deux anges. Dans tout
le cours du recueil, les initiales sont formées de
dessins dont les oiseaux et les poissons four-
nissent ordinairement le thème ; on y voit aussi
des têtes de personnages. L'enlumineur s'essaie
à une adaptation de son sujet aux circonstances :
ainsi, par exemple,/^/. 77, à la messe de l'Inven-
tion de la sainte Croix, dans la première lettre de
la collecte sont inscrites trois croix, puis à côté
(i) Muratori, Lihiygia roinana vêtus, I, c. 63, 64.
(2) Ebner, ouvr. cité, pp. 240 et 241.
(3) Delisle, Anciens Sacramentaires, n° vu, p. 80, avec
indications bibliog^raphiques, voir D. Guéranger, Instittitions
liturgiqtics, t. IV, pp. 33.S et 349.
74 L^ MISSEL ROMAIN
un homme est occupé à équarrir une autre croix ;
foL 23o, à la messe de tentpore belli, la première
lettre de la collecte a un cavalier armé sur le pied
de guerre, dans la troisième lettre initiale est une
main tenant une hache élevée. Au IX^ siècle, l'art
caroling-ien, sous l'influence g-ermanique et irlan-
daise, développe la décoration des Sacramen-
taires, en lui donnant plus d'orig-inalité ; un vaste
champ lui est ouvert par la diffusion du Grégorien
d'Adrien. Les miniaturistes et les enlumineurs ne
se contentent plus de chercher leurs modèles dans
le règne végétal et animal, ils donnent à leurs
personnages de plus grandes et de plus exactes
proportions, tantôt resserrant la scène qu'ils
représentent dans une simple initiale, tantôt
l'étendant en tableaux merveilleux qui remplis-
sent la page entière du manuscrit. Et l'œuvre se
perfectionne durant tout le moyen âge ; la préface
et le canon reportés au commencement du recueil,
puis placés au milieu, reçoivent les décorations
de préférence aux autres parties. Aussi les Missels
des xiir et xiv*^ siècles figurent-ils dignement à
côté des Bibles et des Evangéliaires de la meil-
leure époque (i).
2. En particulier. — Si nous entrons un peu
dans le détail, nous verrons que l'originalité de
la décoration des Sacramentaires et Missels se
produit dans le début de la préface, dans le début
du canon, puis à l'occasion des principales fêtes.
A. Préface. Les premières paroles : Vere
dignuin, toujours les mêmes, donnent naissance à
une décoration dont on peut suivre le dévelop-
pement à travers les manuscrits. Tout d'abord,
on abrège les deux mots d'une manière uniforme :
V. D. deviennent (2) ; bientôt le trait d'abrévia-
(i) Voir Les Evangéliaires, pp. 1 02-1 10.
(2) Les deux lettres V et D sont accolées l'une à l'autre ; il y
a un trait dans l'ouverture du V.
LE MISSEL ROMAIN 75
tion placé dans l'ouverture du V s'abaisse pour
couper la ligne commune, on obtient une croix
inscrite en (i) ou mieux (2). Sur ce motif reposent
les décorations enchevêtrées et parfois fantas-
tiques qui remplissent presque une page entière
du manuscrit : ces décorations sont placées au
début de la préface commune. Ainsi, pendant que
les plus anciens Sacramentaires gallicans écrivent
les mots : Vere digmtin dans leur entier, les ma-
nuscrits du ix^ et du x^ siècle ont le dessin dont
Ebner donne une reproduction d'après le Codex 8y
(ancien 82) de la Bibliothèque capitulaire de
Vérone (3). Il y a comme une gradation dans le
dessin : tantôt le trait transversal est représenté
par une feuille élancée, tantôt il est marqué sim-
plement par deux points (4) comme dans le
Codex A 2^dù àQ la Bibliothèque Ambrosienne à
Milan (5) ; en Italie, au x"^ siècle, les traits de la
lettre se perdent dans un tissu de vrilles et de
branches, puis des bandes chargées de bourgeons
et de fleurs s'échappent des extrémités de la lettre
pour l'entourer; en Toscane, au Xl^ siècle, une
réaction se produit contre cette décoration
exagérée. Dans la basse-Italie, à la même époque,
le signe se développe en une croix avec médail-
lons aux extrémités. — Aux xir et Xlir siècles,
l'art gothique ramène une sorte de simplicité
dans la représentation du signe, mais il en varie
bientôt les couleurs et en multiplie les lignes ;
puis le signe est lui-même transformé ; on a (6) ou
(i) Le trait primitivement placé dans l'ouverture du V
s'abaisse et croise la ligne commune aux deux lettres.
(2) Les deux lettres s'arrondissent.
(3) Ebner, Oîivr. cité, pp. 436 et 288.
(4) Le trait du milieu est remplacé par deux points.
(5) Ebner^ ouvr. cité, pp. 434 et 73.
(6) Les deux lettres sont fermées par un trait supérieur
léorèrement arrondi.
76 LE MISSEL ROMAIN
(i) OU un cercle fermé avec une croix inscrite,
un léger trait de plume laisse apercevoir les
lettres V. D. L'ornementation très chargée est
accompagnée de formes animales grotesques,
elle diminue à la fin du moyen âge. Enfin,
aux XIV"^ et xv^ siècles, le signe disparaît ou
quelquefois prend la forme soit du D soit du V
avec une croix, parfois cette dernière entre dans
l'initiale du mot jEterne, (2). — En d'autres
manuscrits, on substitua aux deux lettres V. D.
une représentation de Dieu le Père dans sa
majesté : ce qu'on appela la Majesté du Seigneur
Majestas Doinini. Cette image fut ou plus compli-
quée ou plus simple. Le plus ancien exemple de
cette substitution se rencontre dans un document
du IX"" siècle, le Codex ii/f.i de la Bibliothèque
Nationale, un des plus précieux monuments de
l'art carolingien (3). L'image est assez compliquée,
le Seigneur est assis sur son trône, cinq ordres
d'esprits célestes l'entourent. D'autres fois, l'image
est plus simple : le Seigneur à figure de vieillard
est assis sur un trône ou sur l'arc-en-ciel, il lève la
main droite comme pour bénir ou pour enseigner
tandis que la main gauche tient un livre ouvert
ou fermé, les pieds reposent sur un escabeau, la
tête est ornée d'un nimbe où la croix est inscrite,
deux ou quatre anges sont de chaque côté.
Parfois il y a simplement le buste du Seigneur
inscrit dans un demi-cercle au-dessus du signe (4)
ou dans un médaillon (5). Plus tard on confondit
dans une même représentation Dieu le Père qui
est invoqué comme souveraine majesté et Dieu le
(i) Le trait légèrement arrondi est placé en dessous.
(2) Les deux lettres majuscules O, E, sont accolées l'une à
l'autre, une croix est inscrite dans O.
(3) Delisle, Anciens Sacramentaires , n° xxxiii, p. 146.
(4) Comme à la page 75, note i.
(5) Codex F. 18, San Pietro, à Rome. Ebner, Ibid., p. 191.
LE MISSEL ROMAIN 77
Fils dont on célèbre le sacrifice ; on ajouta alors
le symbole des Evangélistes. Le Sauveur Jésus
représenté ici dans sa gloire faisait contraste avec
l'Homme-Dieu humilié sur la croix tel qu'il appa-
raissait au début du canon. Plus rarement on
joignit à cette représentation de la majesté divine
d'autres figures, par exemple celle de la Sainte
Vierge (i), ou des personnages bibliques comme
Abel ou Melchisedech (2). Ailleurs, on opposa
l'église et la synagogue (3) ; enfin certains manus-
crits étendent la décoration 2lM P Aç^ per outnia,
qui remplit toute la hauteur de la page (4).
Remarquons, en terminant cette première
revue, que les liturgistes du moyen âge ont
trouvé à ces représentations par l'image des
explications allégoriques. Telles sont, entre beau-
coup d'autres, celle de Jean Beleth (xil^ siècle, et
de Sicard de Crémone (xill^ siècle). Par le delta
fermé en cercle, dit le premier, est représentée
la nature divine qui n'a ni commencement ni fin,
le /^exprime la nature humaine du Christ quia
eu un commencement dans le sein de la Vierge,
mais n'aura pas de fin. Le trait transversal repré-
sente la croix comme une sorte de trait d'union
entre l'humanité et la divinité du Sauveur (5). —
Le V, dit à son tour Sicard de Crémone, signifie
l'humanité du Christ, le D sa divinité ; le V est
ouvert à une extrémité et fermé par l'autre, pour
nous apprendre que l'humanité du Christ émane
visiblement du Saint-Esprit ; le D est complète-
(i) Codex s^4y de la Bibliothèque Vaticane. Ebner, Ibid.y
p. 206.
(2) Codex F. 18 , San Pietro, ut supra.
(3) Sacramentaire de Drogonde Met:::, inanuscrit lat, 9428,
Bibliothèque Nationale. Delisle, Ibid,, n" xvii, p. loo.
(4) Cod. 614 de la Bibliothèque Casanat, à Rome. Ebner,
Ibid., p. i55.
(5) J. Beleth, Rationale, F, L., t. CCII, c. 53.
78 LE MISSEL ROMAIN
ment fermé parce que la divinité est éternelle,
c'est-à-dire sans commencement ni fin ; le trait du
milieu formant la croix symbolise la passion de
notre Sauveur (i).
B. Caîion. — C'est seulement à l'époque caro-
lingienne que commence la décoration du 7^ ini-
tial de Te igitur, La forme la plus simple fut (2) ;
mais aux initiales pures on ne tarda pas à joindre
les images tirées soit du règne végétal, soit du
règne animal ; puis les deux premiers mots furent
attirés dans la décoration par des entrelace-
ments artistiques, comme on le voit surtout dans
le groupe des manuscrits de l'Italie centrale
au xr siècle. Le dessin y est plus varié que pour la
préface. L'idée vint vite de représenter à cette
occasion le Sauveur souffrant sur la Croix, la
messe étant la continuation et la représentation
du Sacrifice du Calvaire et la forme du T ayant
beaucoup d'analogie avec la forme de la croix.
Déjà dans le Gellone (viii^ siècle), le canon de la
messe s'ouvre par l'image de la croix ; l'exemple ne
fut guère suivi au IX*^ siècle. Puis au x^ siècle (3)
et dans les siècles suivants, on groupe des per-
sonnages au pied du crucifix. D'autres fois,
comme au xil^ siècle, on substitue la majesté du
Seigneur à l'image qui rappelle ses souffrances,
puis le 7^ prend la forme d'un évêque priant les
bras en croix. Il est des documents où règne une
plus grande simplicité : dans un cadre avec mé-
(i) Sicard, Mitrale, P. L., t. CCXIII, c. 122.
(2) Un T dans lequel fut inscrit un E de moindre proportion.
(3) Ex. le Çod. A, 24, de la Bibliotheqtie Ambrosienne, à
Milan, x* siècle. Ebner, ouvr, cité, p. 443. Dans un manuscrit
du ix'-x* siècle, le Codex 184 de la Bibliothèque de Tours,
des aisselles du grand Z* initial tombent deux fleurs de lis ; à
gauche du T une peinture assez grossière représente un prêtre
en prière, les mains élevées, devant un autel sur lequel sont
le calice et l'hostie. Delisle, ouvr. cîféy n° xxviii, p. i35.
LE MISSEL ROMAIX ^9
dallions aux quatre coins est inscrit un crucifix,
puis de chaque côté sous les bras est écrit le texte :
e igititr clenientissime Pater, en lettres capitales,
une guirlande de feuilles d'acanthe forme l'enca-
drement (i). Un manuscrit du xii^ siècle, au cou-
vent d'Oberminster à Ratisbonne représente le
sein cV Abraham, sinus Abrahae^ on croit que
ce manuscrit était destiné aux messes pour les
défunts. Les autres parties de l'ordinaire de la
messe ont aussi quelques dessins. Par exemple,
à V AgntLS Deiy on voit un médaillon portant
l'Agneau de Dieu, ou encore saint Jean-Baptiste
désignant le Sauveur par ce symbole. Un Codex
n^ 23 1 actuellement à Gôttingen et originaire de
Fulda, donne à cet endroit une représentation
symbolique : quatre médaillons portant les évan-
gélistes sont réunis par des diagonales à un
médaillon central où est peint l'Agneau blessé,
étendu sur une barque ; près des eaux où plonge
la barque et sur une colline verdoyante se tient
une femme symbole de l'Eglise ; celle-ci a un
calice pour recevoir le sang de l'Agneau. Dans le
Sacramentaire de Mtmic/t, dm 4^56, écrit pro-
bablement à Ratisbonne au début du xr siècle,
deux pages décorées terminent le canon, la
première représente la main de Dieu dans un
médaillon, la deuxième contient un Agnus Dei,
Quelquefois l'image du Sauveur lui-même rem-
place celle de l'Agneau de Dieu (2). Une pieuse
tradition voulait qu'on baisât le livre à l'endroit
de ces images osculum libri. Plus rares sont les
(i) Cod. 1084 de la Bibliothèque Universitaire de Bologne,
11* siècle, Ebner. ouvr. cité, p. 9. On peut rapprocher de ce
document le 7ns. lat. 1800^ de la B. N., Sacramentaire
pour une église de la province de Trêves. Delisle, ouvr. cité,
n* xcviir, p. 25o.
(2) Ex. le Missel d'Eichstadt, xv" siècle, à la Bibliothèque
capitulaire de cette ville et le Missel de Volfenbuttel, xv* siècle,
Cod. Helmstad, 35.
8o LE MISSEL ROMAIN
décorations au Pater et au Libéra nos, et elles se
bornent à des initiales richement ornées.
Comme pour la préface, les liturgistes du Xll®-
XIII^ siècle n'ont pas manqué d'exposer le sym-
bolisme de ces images. « Le canon, ditj. Beleth,
commence par la lettre Tau, cette let'tre a la forme
d'une croix : tout ce qui s'accomplit à la messe
s'est réalisé sur la croix par la passion du Sau-
veur et tire de la croix toute son efficacité. Dès
lors, il faut peindre en cet endroit l'image de la
croix (i). » Innocent III, dit dans le même sens :
Dans le canon, on rappelle le souvenir de la
passion... Voilà pourquoi, entre la préface et le
canon, dans la plupart des Sacramentaires, on
peint l'image du Christ, pour que non seulement
l'intelligence du texte, mais aussi la vue de
l'image réveille la mémoire de la passion du Sau-
veur. C'est donc sans doute par un effet de la
divine providence que le canon commence par
cette lettre T (tau) qui par sa forme rappelle la
croix (2).
C. Principales j êtes. — La décoration se borne
aux initiales ou s'étend sur les pages entières. —
I. Y^ç^ dessin des initiales inauguré, comme on l'a
dit, au vil^ siècle dans les manuscrits gallicans, se
développe timidement au viir siècle et atteint son
plus haut degré de splendeur au ix^ siècle (3).
Aux xiv^ et XV^ siècles, ces initiales servent de
cadre à des tableaux en miniature d'une exécution
merveilleuse, telle Missel de Clément VII 2t. Avi-
gnon. Beaucoup de manuscrits à cette époque ont
des vignettes en tête de chaque mois dans le
calendrier. D'autres du x^ et xr siècles ont deux
{i)Expl. divin, offtciorum, c. 46 ; Edit. Ltigd. , i562,p.i5i.
(2) Innocent III, de Sacrificio Missae, P. L., i. CCXVII,
c. 840.
(3) Le Sacramentaire de Di^ogoii déjà mentionné ; ms .
lat. p428t Bibliothèque Nationale. Delisle, n° xvii, p. 100.
LE MISSEL ROMAIN 8l
sortes d'initiales, savoir ; des lettres capitales
d'un dessin très pur en rouge ou or ; des lettres
(or ou argent) fleuronnées sur champ bleu, violet
ou vert (i). — 2. Tableaicx S2tr des pages entières.
Indépendamment du début du canon, beaucoup
de recueils renferment divers sujets représentés.
Le Sacramentaire d'Aîitu7i, n° igàis du Séminaire,
représente les ordres sacrés (2). Souvent, dans les
manuscrits des premiers temps du moyen âge, on
trouve les images de saint Gélase, et de saint
Grégoire le Grand, comme auteurs du recueil.
L'image de saint Grégoire, absente des manus-
crits d'Italie (3), n'est pas rare dans les manuscrits
de France et d'Allemagne : presque toujours le
saint Pape y est représenté assis, comme dans le
Sacra7nentaire de Drogon. Puis les tableaux sont
plus ou moins nombreux pour retracer tel mys-
tère ou telle fête de Tannée liturgique. Les ma-
nuscrits de Fulda et ceux qui se rattachent à cette
école ont un cycle typique comprenant les plus
grandes fêtes du Seigneur et des saints, souvent
les images se présentent deux à deux ou trois à
trois dans une parfaite unité de but et de cadre.
Le Codex î2yS de la Bibliothèque publique de
Lucques, X" siècle, a les représentations sui-
vantes : entrée de Jésus à Jérusalem le jour des
Rameaux, le lavement des pieds, la résurrection,
l'Ascension, la Pentecôte, le Martyre de saint
Boniface, saint Jean-Baptiste, saint Laurent (4).
Le Codex 3S^8 de la Bibliothèque Vaticane,
xr siècle, a une Nativité, une Epiphanie (5) ;
(i) Delisle, ouvr. cite, n* lxxxii, p. 221 ; n* xcviii, p. aSo.
(2) DelislCj Ibid., n° xvi, p. g6 : on trouvera une reproduc-
tion et une description dans le Dictionnaire (P Archéologie
clirétienne et de Liturgie, t. I, c. 32 10.
(3) Il faut excepter le Codex 86 du chapitre d'Ivrée. Voir
Ebner, ouvr. cité, p. 52 et Delisle, Ibid., n* xc, p. 2.33.
(4) Ebner, ouvr, cité, p. 67.
(5) Ibid., p. 211 .
LE MISSEL ROMAIN. — Tome II. 6
82 LE MISSEL ROMAIN
le Codex y 6 V, Bibliothèque capitulaire d'Udine,
XI"" siècle, a de plus la Purification, la Descente de
croix et la mise au tombeau, saint Pierre et saint
Paul, saint Michel, la Toussaint, saint Willehad,
saint Martin, saint André (i). Le inanuscrit 86
du chapitre d'Ivrée, xi^ siècle, a des images du
sacre des Rois, de la consécration des évêques,
de l'adoration des Mages, du martyre de saint
Etienne, etc., les représentations des Sacrements
de Baptême et d'Extrême-Onction : il est unique
en son genre pour l'illustration des communs et
des messes votives (2).
CHAPITRE III
Prédominance du Missel plénier
et son histoire aux XII 1% XI V« et XV« siècles.
Avant l'époque où nous nous plaçons dans ce
chapitre, le Sacramentaire avait été allégé des
fonctions réservées aux prélats et consignées dans
les Pontificaux. L'augmentation qu'il reçoit par
l'insertion des lectures et des parties chantées
s'explique pour peu que l'on tienne compte de la
pratique déjà signalée et en vertu de laquelle le
célébrant récita à l'autel ces lectures et ces paroles
chantées. Ainsi apparut le Missel plénier.
Toutefois, et il est bon de le répéter, la trans-
formation s'opéra par degrés ; même au XIV® et
au XV® siècle, on trouve encore des Sacramentaires
avec des additions de seconde main. Rien d'éton-
(i) Ebner, Ibid.,\>^. 259-267.
(2) Ibid.y p. 452. Delisle, otivr. cité, n* xc, p. 233. Dans
son édition du Missel de Rober t de Jumièges y manuscrit Y G,
Bibliothèque de Rouen^ xi* siècle, M. A. Wilson a donné des
reproductions de ce manuscrit : Nativité et Adoration des Ber-
gers, Voyage et Adoration des Mages, Trahison de Judas et
Crucifiement, Descente de la Croix et Saintes Femmes au tom-
beau. Ascension et Pentecôte, saint Pierre et saint André.
LE MISSEL ROMAIN <S3
nant à cela, car pour renouveler ces recueils il
fallait recourir à l'écriture, et la transcription
d'un Sacramentaire ou d'un Missel plénier était
une œuvre dispendieuse et de longue haleine ;
on faisait servir autant que possible, en les modi-
fiant, les anciens manuscrits. Ainsi les Xill®, xiv® et
XV® siècles marquent la prédominance , mais non
encore le règne absolu des Missels plémers.
Désormais, il n'y a rien de nouveau à enre-
gistrer pour le canon de la messe, à peine se ren-
contre-t-il des variantes de détail ; des particula-
rités se produisent dans l'ordinaire de la messe,
mais ce sont des vestiges des anciennes litur-
gies ou la prolongation de pratiques introduites
durant l'âge précédent ; telles sont, par exemple,
les prières du bas de l'autel ou de l'offrande, les
séquences, les prières qui suivent la communion.
La partie vraiment nouvelle est dans V accroisse-
ment diù calendrier, La réalité de cette assertion
ressortira du développement des trois articles
qui composent ce chapitre : i. Substitution pro-
gressive du Missel plénier aux Sacramentaires ;
2. Missel de la curie romaine ; 3. Missel des églises
particulières de l'Occident et des ordres reli-
gieux.
Article L — Substitution progressive
du Missel plénier aux Sacramentaires.
Pour donner une idée de cette substitution, il
suffit de signaler les principaux documents du xili®
au XV® siècle, conservés dans les bibliothèques de
Rome et des autres pays de l'Occident.
I. Le Codex i6ç5 (Alt. C. V. 2) de la Biblio-
iheca Casaitatensis , à Rome (xii®-xill® siècle) pré-
sente la division de notre Missel actuel : propre
du temps jusqu'au Samedi saint, ordinaire de la
messe, propre du temps depuis Pâques jusqu'au
24* dimanche après la Pentecôte, propre des
84 LE MISSEL ROMAIN
saints. Les litanies du Samedi saint renferment
des noms appartenant à la Gaule, comme ceux de
Magloire, Eloi, Médard, Denys : on en a conclu
que le document fut à l'usage d'une église de
Paris (i).
2. Le Codex T. 8 . ii de la Bibliotheca Ange-
lî'ca, à Rome, (xilf siècle), est plutôt un Missel plé-
nier improprement dit. Dans les parties chantées
se trouvent plusieurs messes cisterciennes ; dans le
propre des saints, on remarque les noms deMaur,
Benoit, Scolastique, Vast et Amand, Albin,
Médard, Germain, Evurcius d'Orléans, Léger,
Aignan, Columban, Agricole et Vital. Puis dans
un supplément du XIV® siècle ceux de Guillaume
de Bourges, Dominique, Julien, Thomas d'Aquin,
Guthbert, Robert, Huges de Cluny, la fête de la
Sainte Couronne d'épines, saint Louis roi, saint
Wenceslas, saint François, Malachie, Elisabeth,
Edmond (17 novembre canonisé en 1247), Eloi,
Barbe, Jean et Paul, puis la fête du Corptis Christi,
— Suivent les communs, les messes diverses (2).
3. Le Codex XI, îjp (N. a. iSSpJde la Biblio-
thèque Barberini^ à Rome, Xill*^ siècle, est un peu
comme le précédent, un Sacrainentaire- Missel ,
avec division normale, comme n° i. Quelques
mots de la consécration du vin, sanguinis mei, et
pro nobis ^/manquaient primitivement ; une main
du XV® au XVI® siècle les a ajoutés (3).
4. Le Codex XII, 4 (N. a, 326), même Biblio-
thèque que le précédent, lui ressemble quant à la
distribution des parties. L'ordinaire de la messe a
(i) Ebner, ozcvr. cité, pp. 1 59-161.
(2) Ebner, Ibid., pp. 138-144. La fête du Cornus Chrîstt
ou Fête-Dieu, se rencontre très fréquemment dans les recueils
du XIV* et du xv* siècle. Un Missel plénier ambrosien du xiv%
le Codex ^06 de la Bibliothèque Vaticane, fonds Palatin,
contient le décret d'Institution de cette fête. Ebner, Ibid.^
p. 25 1. Ehrensberger^ Libri Liturgici, p. 440.
(3) Ebner, ouvr. cité^ p. 141.
LE MISSEL ROMAIN <S5
quelques formules particulières pour l'oblation,
comme : Tibi Domine creatori meo, hostiafn
offero.., Orate pro me peccatore ut ineuin ac ves-
trum sacrïficïum. ( i ) . . .
5. Le Codex 6o3 (B, IV, 25) de la Bibliotheca
Casanatensis , à Rome, Xlir siècle, a été écrit à
Saint-Denys de Paris. Tout le propre du temps
se suit sans interruption depuis le i®'' dimanche de
l'Avent jusqu'au 26^ dimanche après la Pentecôte ;
viennent les préfaces et le canon, puis le propre
des saints et les communs. On y trouve la fête du
Saint Sacremeiit avec octave; messe Cibavit ;
puis une messe en l'honneur de saint Louis, roi
de France : Gaitdeamtcs omnes ; ce qui place le
recueil après 1297, ^^^^ ^^ 13. canonisation du
Saint par Boniface VIII (2).
6. Le Codex Fol. /^de la Bibliothèque archié-
piscopale d'Udine, xm* siècle, est un Sacramen-
taire relié avec un Graduel et à Tusage de l'ordre
Bénédictin. Le canon est au début ; il y a treize
préfaces, Noël, Epiphanie, Carême, Jeudi Saint,
Pâques, la Croix, Ascension, Pentecôte, Apôtres
(deux), Trinité, Sainte Vierge et préface com-
mune. On retrouve là l'ancienne distribution du
Sacramentaire. Le Graduel est relié au commence-
ment : il est précédé d'un Calendrier où les noms
suivants doivent être comptés parmi les plus
récents, saint Adalbert, saint Thomas de Can-
torbéry (canonisé en 1173), saint Henri, empe-
reur (canonisé en 1146), saint Bernard (canonisé
en II 74), sainte Cunégonde. Un supplément
contient la messe de la Conception de Marie (3).
7. Le Codex Fol. ij , même Bibliothèque^ entre
le xii« et le XIV« siècle, est un des Missels pléniers
d'une église du diocèse d'Aquilée ; il a un peu
(i) Ebner, Ibid., pp. 144-326.
(2) Ebner, Ibid. y p. i55.
(3) Ebner, Ibid., p. 268.
86 LE MISSEL ROMAIN
la distribution des Sacramentaires où pour la
partie d'hiver le propre des saints est intercalé
dans le propre du temps. Il comprend plusieurs
additions (i).
Ce coup d'oeil sur les documents conservés
dans les bibliothèques de Rome ou de l'Italie
vient de faire passer sous nos yeux des manus-
crits de l'Ordre Bénédictin usités à Rome ou en
Gaule. Les documents qui suivent fourniront une
idée de la pratique de la Gaule, d'Angleterre ou
d'AUemag-ne.
8. Le Codex lat. iioS à^ \2i Bibliothèque Natio-
nale, Paris, un Missel de l'abbaye du Bec, au
XIII® siècle, présente dans son calendrier un assez
grand nombre de saints normands, anglais et
français dont le culte était particulièrement en
honneur à l'abbaye. Février et mars n'ont
presque pas de saints, sans doute à cause du
Carême. Voici quelques particularités : on trouve
la conversion de saint Paul au 25 janvier, une
translation de sainte Marie-Madeleine le 19 mars,
saint Cuthbert le 20, saint Ambroise le 4 avril,
saint Dunstan le 19 mai, saint Augustin de Can-
torbéry le 26, saint Eloi le 25 juin, une translation
de saint Thomas de Cantorbéry le 7 juillet, saint
Taurin, évêque d'Evreux, le 1 1 août (l'abbaye était
située dans le diocèse d'Evreux), saint Philibert
le 20, saint Antonin^ martyr, le 2 septembre, saint
Lambert, évêque, le 17, saint Léger, le 2 octobre,
les saintes reliques du Bec, le 5, saints Chrysanthe
et Darie, le i*'^ décembre, la Conception de Marie,
le 8, saint Thomas de Cantorbéry, le 29 (2).
9. Le Codex 18 , S, îp de V Advocates' Library
d Edinburg, désigné sous le nom de Rosslyn
Missal, qui fut écrit au xiir-XW*" siècle, en Irlande,
(i) Ebner, Ibid., p. 269.
(2) Chan. Porée, Histoire de l'Abbaye du Bec, t. II, p. 149
et Appendice pp. 579-591.
LE MISSEL ROMAIN 87
pour l'église cathédrale de Saint-Patrice fDozuu
Patn'kJ. Le texte est de provenance anglaise et
peut se rattacher à un document du Xir siècle qui
marque les débuts du plénier. Il comprend quatre
parties : temporal, sanctoral, canon, messes
votives. Le temporal s'arrête au dimanche de la
Pentecôte, est suivi de la fête de l'Invention de
la Sainte Croix et des préfaces ; le sanctoral n'a
qu'un petit nombre de saints, on y remarque les
noms de Brigitte au i'^'" février, Patrice au 17 mars,
puis les fêtes de l'Exaltation de la Sainte Croix
au 14 septembre, saint Michel au 29, la Toussaint
au i*^'^ novembre. Les messes votives sont plus
abondamment fournies (i).
10. Les usages d'Angleterre, comme ceux des
autres régions, varient un peu suivant les églises
et il est difficile de les signaler ici en détail ; on
les trouvera dans les divers documents édités
au cours des dernières années, comme sont
le Driunmoiid Missal, le Aiissel de réglise de
Westminster, etc. D'autres documents restés ma-
nuscrits pourraient nous renseignersur les usages
des églises de Hereford, York, Salisbitry (ou
Sariùnt)^ etc. L'usage de Sarttm qui devait acqué-
rir dans la suite une certaine importance est bien
reproduit dans un document du xv° siècle, X Hain-
bledon Missal : le calendrier de ce Missel donne
une mention spéciale à saint Hugues de Lincoln :
fête, translation de ses reliques, dédicace d'une
église en son honneur. Une seconde main a
inscrit les fêtes de la Visitation, de la Transfigu-
ration, du Saint Nom de Jésus. Le document est
divisé comme nos Missels, il renferme avant le
propre des saints un recueil de séquences ; comme
en beaucoup de manuscrits de la même époque,
(i) Le document a été édité pour la Henry Bradshazv
Society par llugh Jackson. London, iScjy.
88 LE MISSEL ROMAIN
il y a la notation des parties chantées, plus
qu'aucun autre il a des indicationsde rubriques(i).
11. De fait, chaque ég'lise particulière a ses
observances ; un Missel de l'église cathédrale de
Brescia(xiir-xiV''s.),le Codex 2246 (S. Salvat. 66p)
à la Bibliothèque de l'Université de Bologne,
contient des messes pour obtenir la préservation
d'une mort subite et mentionne les indulgences
accordées par Clément V (1342- 1352). Conditions
à remplir : apporter un cierge allumé pendant
cinq jours consécutifs. La messe : Recordare, dite
à cette occasion, ne figure plus aux messes
diverses dans le Missel romain (2).
12. Dans le Codex D. y, 3 de la Biblîotheca
Angelica, à Rome, un Sacramentaire de la fin
du xif siècle à l'usage de l'église de Jérusalem,
on trouve beaucoup de détails intéressants,
notamment les noms des saints patriarches,
Abraham, Isaac, Jacob pour lesquels il y a des
messes votives, les noms de personnages évan-
géliques comme Cléophas et Zachée ; puis, à côté,
des saints de Gaule comme Albin et Maurille
d'Angers, Léger d'Autun. Au 8 décembre est la
fête delà Conception de Marie. Au 15 juillet se
trouve une fête pour célébrer la prise de Jérusa-
lem par les chrétiens (1099). Un supplément
ajouté au XIV^ siècle contient le Dies irae (3).
13. Le Codex 110 y Urbm, de la Bibliothèque
Vaticane, manuscrit du XV^ siècle provenant de
la Bibliothèque du roi de Hongrie, Mathias
Corvin, ressemble beaucoup à notre Missel.
(1) Woodsworth et Littlehales : The old service books of
the Eitglish Chtirch, pp. lyS et seq. L'usag-e de Saruin est
encore donné par un manuscrit du xv* siècle le Codex ^oi de
la Bibliothèque Vaticane fonds palatin. Voir Ehrensberger,
ouvr. cité, p. 483.
(2) Ebner, Ibid., p. 12.
(3) Ebner, Ibid., p. i35.
LE MISSKL ROMAIN 89
Cependant il indique des introïts que nous
n'avons plus aux mêmes fêtes : Gaudeaimis omnes
pour la fête de la Visitation de Marie et pour
celle de saint Louis, roi de France (i).
14. Le Codex N. N. 654(583) du Mont-Cassin,
Missel plénier du XV^ siècle, a comme messes
votives celles en l'honneur de la Sainte Vierge,
de saint Antoine de Padoue, de la Croix, de la
Sainte Trinité, du Saint-Esprit, de saint Fran-
çois, etc. (2).
Article II. — Le Missel de la curie romaine.
Les documents de cette époque, qui renseignent
sur la pratique de l'église de Rome, portent géné-
ralement cette indication : Ordo mïssalïs secuii-
duin consitetudinem curiae romanae. La plupart
ont aussi les mots \ fratricut minoriuit. On a vu
dans V Histoire du Bréviaire l'influence exercée
aux xiir et XIV* siècles par les Franciscains ou
Frères mineurs pour la transformation de l'office
divin : cette influence devait avoir un contre-
coup sur le Missel. Néanmoins en ce qui con-
cerne la messe, il faut atténuer les reproches
adressés à ces religieux par Raoul de Tongres.
Saint Grégoire VII (1073-1085) dans sa réforme
de l'office romain, avait en vue, avant tout, la
chapelle papale. Les Franciscains adoptèrent cet
office abrégé après une révision opérée par Hay-
mon, leur général, avec l'approbation des souve-
rains pontifes (1277-1280). Le Missel se ressentit
des accroissements donnés au calendrier, au pré-
judice des messes de férié, mais le Grégorien
d'Adrien ne fut pas autrement atteint : on peut
s'en rendre compte par les manuscrits de cette
époque (3). Ce qui fut modernisé et adapté aux
(i) Ebner, Ibid., p. 246 ; oiivr. cité, p. 478.
(2J Ebner, Ibid., p. 104.
(3) D. Guéranger, Institutions liturgiques, 1. 1, pp. ozo-lil.
QO LE MISSEL ROMAIN
circonstances nouvelles (éloignement de Rome,
séjour à Avignon), ce fut l'ancien cérémonial : il
y eut un nouvel tts âge de la curie romaine comme
on peut le voir en parcourant les Ordines Romani
XIII et XIV. Les Franciscains contribuèrent à
opérer ce changement ; de plus, ils firent entrer
dans le calendrier du Missel comme dans celui du
Bréviaire un grand nombre de saints, donnèrent
aux saints de leur ordre un degré qui les assimi-
lait presque aux grands mystères de la vie de
Notre-Seigneur. Ainsi, non seulement la fête de
saint François d'Assise obtint une octave privi-
légiée, mais aussi la translation de ses reliques ;
également les fêtes de sainte Claire, de saint Ber-
nardin et de plusieurs autres (i). Les Missels de
la curie romaine comportent une augmentation
du nombre des séquences (moins pourtant que
les Missels de l'Ordre dominicain) ; on y constate
aussi l'augmentation du nombre des rubriques
insérées dans l'ordinaire delà messe, elles passent
ainsi des Ordines Romani A'diWs le Missel ; la cou-
leur des ornements y est indiquée pour les divers
temps de l'année liturgique. Notons à ce sujet
qu'au XIII® siècle le noir était employé pour les
jours où nous nous servons maintenant d'orne-
ments violets ; un peu plus tard le noir fut affecté
exclusivement aux offices et aux messes pour les
défunts (2).
11 faut renoncer à donner la nomenclature des
Missels manuscrits durant les deux ou trois siècles
qui précèdent immédiatement l'invention de
l'imprimerie ; ces documents deviennent par trop
nombreux et il n'est point de bibliothèque
(i) D. Baumer, Histoire du Bréviaire (trad. Biron), t. II,
p. 71.
(2) Voir VOrdo Romanus XIII et XIV ; puis un manuscrit
de la Bibliothèque Nationale de Naples, le Codex VI. G. ;^8,
Ebner, ouvr., cité,^. 120.
LE MISSEL ROMAIN 9I
publique qui n'en ait conservé au moins quel-
ques-uns. Nous nous bornerons à signaler, siècle
par siècle, ceux où l'on peut relever quelque par-
ticularité.
i.xiir SIÈCLE. — Le Codex 3j6 de la Biblio-
theca Corsimaua, à Rome, porte, dans les litanies
du Samedi saint, les noms de saint François d'As-
sise et de saint Antoine de Padoue. Ce dernier a
une messe spéciale ; quant à saint François, on lit
au 4 octobre une messe qui doit servir pour
toutes ses fêtes. Après les Messes votives, une
main plus récente a écrit le Stabat Mater (i).
Dans le Codex 20-f() de la Bibliothèque Vati-
cane figure la messe du roi saint Louis, canonisé
en 1297 ; après le calendrier, viennent les prières
pour l'eau bénite et l'aspersion qui se fait chaque
dimanche : Asperges me, ou Vidi aquain. Des
additions du XIV® et XV® siècle concernent saint
Pierre, martyr, de l'Ordre des Frères prêcheurs
(29 avril), sainte Eugénie (5 mai), invention (ou
plutôt apparition) de saint Michel (8 mai), saint
Paulin (22 juin), dédicace de Sainte-Marie-Majeure
et saint Dominique (5 août), saint François d'As-
sise (4 octobre), Conception de Marie (8 dé-
cembre). Et encore, au 19 mai, un saint Pierre,
confesseur, canonisé en 1313; au 20 mai, saint
Bernardin, canonisé en 1450; au 2 juillet, la Visita-
tion de Marie ; au 26 juillet, sainte Anne, mère de
la Sainte Vierge ; au 12 août, sainte Claire; au
19 août, saint Louis, évêque, canonisé en 1317 ;
au 16 octobre, sainte Justine ; au 19 novembre,
sainte Elisabeth et saint Pontien (2).
Le Codex VI, G. 38, de la Bibliothèque natio-
nale de Naples a, dans son calendrier, pour
le 7 mars, saint Thomas d'Aquin ; pour le 9 mai,
(i) Ebner, Ibid., p. 167.
(2) Ebner, oiror., cité, p. 244.
92 LE MISSEL ROMAIN
une translation de saint Nicolas ; pour le 13 juin,
saint Antoine de Padoue. Une seconde main a
ajouté, à la fin du recueil, la messe, alors récente,
pour la solennité du Corpus Christi, telle que
l'a prescrite le pape Urbain IV. L'ordinaire de
la messe y renferme bon nombre de rubriques ;
elles sont en substance celles de notre Missel,
mais un peu plus détaillées et avec quelques par-
ticularités. Ainsi après : Orainus te, etc., le prêtre
monte à l'autel, le baise, puis donne la paix au
diacre et au sous-diacre avant de faire l'encense-
ment ; il dit V Bitroït avec ses ministres, donne la
bénédiction au diacre avant que celui-ci ait
récité : Mtnida cor meum, se lave les mains avant
de faire l'offrande des dons, dit l'oraison : Placeat
après avoir donné la bénédiction et répète encore
cette même oraison après l'antienne : Trium
ptterorum (i).
2. Entre le xiii^ et le xiv'' siècle. — Il faut
noter encore des indications nouvelles dans les
calendriers placés en tête des recueils. Celui du
Codex E. î , de la bibliothèque de Saint-Pierre^ à
Rome, porte^ en seconde main, les fêtes de saint
François d'Assise, sainte Claire, sainte Elisabeth
(en rouge), saint Dominique ; puis, en supplé-
ment, sainte Eulalie, martyre de Barcelone
(12 février), saint Pierre, martyr de l'Ordre des
Frères Prêcheurs (29 avril) ; un saint Pierre,
confesseur, de l'ordre des Frères mineurs (17 mai :
peut-être est-ce Pierre de Sienne, mort le 4 décem-
bre 1289) 5 ^3. fête de Notre-Dame des Neiges
(5 août) ; la dédicace des basiliques de Saint-
Pierre et de Saint-Paul (18 sept.); il faut noter
l'absence de saint Thomas d'Aquin. Dans l'ordi-
naire de la messe, il n'y a pas de Lavabo après
l'offertoire (2).
(i) Ebner, Ibid., pp. 120 et 3 1 3-3 17.
(2) Ebner, Ibid., p. 176.
LE MISSEL ROMAIN çS
vSaint Thomas d'Aquin manque encore dans le
Codex E (), de la même bibliothèque ; mais un
supplément y fait mention de saint Médard et de
la Conception de Marie (i).
Dans le Codex 5o8 de la Bibliothèque Vaticane,
fonds palatin, on trouve des messes de férié pour
l'Avent et le Carême ; celles de la Semaine sainte
sont mises à part (2).
Sont à signaler dans le calendrier du Codex 2048
de la Bibliothèque Vaticane, fonds de la Reine,
les saints dont les noms suivent : 27 janvier, saint
Chrysostome et saint Julien du Mans ; au 9 février,
saint Savin évêque ; au 16 février, sainte Julienne ;
au 23 février, sainte Romaine, vierge et martyre
(de Todi) ; au 15 mai, saint Valentin (n'est pas
autrement spécifié) ; au 16 mai, saint Ubald ; au
19 mai, saint Pierre Célestin (pape de 1292 à 1294);
au 3 juin, saints Laurentin et Pergentin ; au
15 juin, saints Vite, Modeste et Crescence ; au
30 juin, saint Fortunat; au 3 juillet, saint Mustiole;
au 15 juillet, la division des douze Apôtres ; au
2 août, l'indulgence de laPortioncule ; au 5 août,
saint Dominique (au Xlll^ siècle puis au XIV^ Notre-
Dame des Neiges) ; au 9 août, vigile de saint Lau-
rent et saint Romain (de Lucques) ; au 19 août,
saint Louis, évêque et confesseur (de Toulouse,
de l'Ordre des Frères Mineurs, canonisé en 1317) ;
au i^'" septembre, les Douze frères et saint Gilles,
abbé; au 7 septembre, vigile de sainte Marie,
au 16 octobre, saint Gall ; au 21 octobre, les onze
mille vierges ; au 30 octobre, saint Germain,
évêque de Capoue ; au 7 novembre, décollation
de saint Erculaniis ; au 9 et au 18 novembre,
deux fêtes de Dédicace. De plus, dans ce docu-
(i) Ebner, Ibid., p. 181.
(2) Ebner, Ibid., p. 252,
94 LE MISSEL ROMAIN
ment, l'ordinaire de la messe renferme d'abon-
dantes rubriques (i).
3. xiV SIÈCLE. — Nous nous contentons d'un
simple renvoi aux documents que mentionne
Ebner (2) ; il y a, d'ailleurs, peu de particularités
nouvelles à signaler, comme la présence de saint
Romuald au 19 juin, l'indication de séquences
pour les grandes fêtes et le commun des saints :
celle de la Visitation de la Sainte Vierge com-
mence par ces mots : Vent, praecelsa Domina (3).
4. XV^ SIÈCLE. — Au Codex E, 6 de la Biblio-
thèque de Saint-Pierre à Rome, figurent des fêtes
romaines, comme celle de saint Léon IX (f ^054)
au 19 avril; puis la dédicace de la basilique de
Jérusalem, au 20 mars (4).
Le Codex iço6 B, II, <5'de la Bibliotheca Casa-
natensis, à Rome, mentionne une translation de
saint Augustin au 28 février et au 11 octobre,
puis la fête de sainte Monique (5).
Le Codex B. 68 de la Bibliothèque de Saint-
Pierre de Rome, dit de saint Bernardin de Sienne,
au 20 mai, qu'il fut canonisé sous le pontificat
de Nicolas V, en 1450; — le Codex lat, Ç243
de la Bibliothèque Vaticane donne au 10 septem-
bre saint Nicolas de Tolentin (f 1308), canonisé
en 1448.
Le Codex Soo de la Bibliothèque Vaticane,
fonds palatin, écrit pour les Ermites de Saint-
Augustin, vers 13 14, avec des additions du
(i) Ebner, oîtvr. cité, pp. 242 et 349.
(2) Ebner, Ibid., pour Rome, voir pp. 168, 172, 173, 174,
180, 193, 2o3 ; et pour l'Ialie, pp. 6, 117, 276, 278.
(3) Ebner, Ibid., p. 172.
(4) Ebner, Ibid., p. 179.
(5) Ebner, Ibid., p. 175 et 229. Ehrensberger, 07rjr. cité,
p. 442.
LE MISSEL ROMAIN 9S
XV^ siècle, renferme comme nouveaux détails :
un bon nombre de séquences dont celle de Noël :
Grates niuic n'a pas encore été mentionnée ; le
fréquent emploi de V Introït : Gatcdeainus ; une
messe votive du Saint-Esprit avec V Introït : Dum
Sanctijîcatîcs fnero ; une autre en l'honneur de la
croix : Nos auteut gloriari ; une messe des cinq
plaies avec séquence : Laus sit tïbi [i).
Le Codex 221 de la Bibliothèque Vaticane,
aussi à l'usage des Ermites de Saint- Atigicstm (2) ,
renferme : <2^ à la suite du calendrier, une table
des messes et un exposé des rubriques à obser-
ver suivant le degré des fêtes, puis la formule
pour la bénédiction des maisons le Jeudi saint
et les prières avant et après la messe ; — ^^ le
propre du temps qui commence au i""^ dimanche
de l'Avent et se termine au 24^ dimanche après la
Pentecôte ; il contient un certain nombre de
séquences ; — c) les rubriques g-énérales et l'or-
dinaire de la messe ; après le Sanctus sont mar-
qués les divers tons, pour Gloria in excelsis, Ite
inissa esi^ Benedicamus Domino, Credo, Requies-
cant in pace, Hnmiliate capita, Flect amies genua.
Suit le canon de la messe. Ces divers points sont
intercalés dans le propre du temps, après le
samedi saint ; — djX"^ suite du propre du temps :
à leur place actuelle sont les deux fêtes de la
Très Sainte Trinité et du Corptcs Christi ; — e) le
propre des saints depuis la vigile de saint André
jusqu'à sainte Catherine : là aussi beaucoup de
séquences ; une messe en l'honneur de la sainte
Couronne ; — f) les divers communs, les messes
votives pour intentions spéciales, enfin les messes
des défunts.
(i) Ebner, Ibid., p. 25i ; Ehrensberger, Ibid., p. 442.
(2) Le titre de ce document l'indique comme Missel con-
forme à la pratiqtie de la curie romaine. Voir Ebner,
Ibid., p. 23o ; Ehrensberger, Ibid., p. 444.
9^ LE MISSEL ROMAIN
Un supplément de la même époque donne les
messes pour la Présentation de Marie, les saints
Festus et Didier, le saint Nom de Jésus, la sainte
Face du Sauveur, une messe de la Passion, une
autre en l'honneur des Joies de Marie, une autre
de saint Raphaël.
Article III. — Le Missel de quelques
églises particulières
et des Ordres religieux.
On a remarqué que des particularités sub-
sistent dans les documents du xir et du xiil'^ siècle
pour l'ordinaire de la messe et spécialement pour
les prières du début, quelques formules de l'offer-
toire et les prières qui suivent le Pater, Cependant
le canon reste définitivement fixé pour toutes les
liturgies de l'Occident. Les particularités vont se
maintenir dans la pratique de quelques églises et
des ordres religieux fondés à cette époque (à
l'exception des Franciscains) ; elles survivront à
l'œuvre d'unité liturgique demandée par le saint
concile de Trente et accomplie sous le Pontificat
de saint Pie V. Au fond, elles ne forment qu'une
variété de la liturgie romaine et ne constituent pas
des liturgies à part, comme furent la liturgie am-
brosienne et la liturgie mozarabe : on a pu les
appelei des liturgies roinano- françaises , nées de
la fusion de l'élément gallican dans l'élément
romain ; la liturgie romaine actuelle en est là,
mais dans une moindre proportion, on sait qu'elle
aussi a reçu des additions venues de Gaule (i).
Par un certain côté, les particularités en ques-
tion appartiennent à l'histoire générale du Missel
et il convient d'en dire ici quelques mots. On les
trouve dans les églises de Milan, de Paris et de
( I ) Du Lac, La liturgie romaine et les liturgies françaises ^ \
p. 2i5. I
LE MISSEL ROMALN^ 97
Lyon, puis dans les ordres relig-ieux des Carmes,
des Chartreux, des Prémontrés et des Dominicains.
Quant aux Franciscains, on a vu comment ils se
rallièrent à la pratique romaine et contribuèrent
à la formation du Missel de la curie.
I. Egijshs particulières. — I. J///<^;/ ; plus
d'une fois déjà il a été question de la liturgie am-
brosienne ; on a vu que sur plus d'un point elle est
en conformité avec la romaine, notamment pour
le canon et pour un grand nombre d'introïts,
d'oraisons, d'épîtres et d'évangiles. Les Milanais
ont toujours montré un grand zèle pour la conser-
vation de leur rite, et sauf l'addition de fêtes nou-
velles, ils l'ont fidèlement gardé dans son inté-
grité ; on les a vus lutter au Vlir siècle contre
Adrien P"* soutenu par Charlemagne, au XI® siècle
contre Nicolas II soutenu par saint Pierre Damien,
enfin au xv^ siècle contre Eugène IV. Les papes
ayant ensuite expressément approuvé la liturgie
ambrosienne, saint Charles Borromée pouvait
dire au XVI® siècle : « Cette liturgie est moins mila-
naise que romaine 5> (i). Si nous revenons dans cet
article sur la liturgie de Milan, c'est à cause des
points de contact qu'ont avec elles les liturgies de
Paris, Lyon, etc. — A. Début de la messe, A Milan,
comme ailleurs, l'antienne Introibo a amené la
récitation de tout le psaumey//(^/<f^ ///^auquel elle
est empruntée : suit le verset Confitentiiii Domino
quoniam bonus, puis le Confiteor, Après la Confes-
sion du servant, le Prêtre dit : Adjutorium nos-
truin.., Sït nomen Domini benedicfum... puis
en montant à l'autel, il récite une première orai-
son : Rogo te Aliissiine ... et O ranius te {2) . Toutes
(i) Du Lac, ouvr. cilé^ p. 107 et li.)na : Reruni liùurgica-
rum libyi duo (cdition Sala), t. 1, p. iS.L
^2) O.i reiuir(|uera ici une viriante de certains manuscrits :
ainsi le Codex //. 2^^ de la liiljliotlièque Ambrosienne, déjà
mentionnée, donne : Aufer a nobis au lieu de : Rogo le altis-
M: MISSE!- U'OM.MN-, — Toino II. 7
98 LE MISSEL ROMAIN
les fois qu'il baise l'autel, le célébrant commence
par faire sur l'autel même un signe de croix avec
le pouce droit. — B. Après le Pater, au moment où
se dit l'Oraison dominicale, l'ordre des cérémo-
nies est modifié de la façon suivante : a) fraction;
— b) Coimnixtion des saintes espèces ; — cj Pater
nos ter ; — dj baiser de paix (i).
2. Paris. D'après Bona (2), les rites spéciaux
de la messe, dans cette église, ne paraissent pas
avoir été bien nombreux. Les prières pour revêtir
les ornements ne sont pas celles qui sont entrées
dans l'usage commun ; au bas de l'autel, après
avoir récité ; Introibo Q.tjudica 7ne, le prêtre dit :
Kyrie. . . Pater noster. . . Cofifitemiiii Domino . . . puis
le Confiteor dont la formule diffère un peu de la
nôtre, comme d'ailleurs au Milanais. — Avant de
donner la paix, le célébrant baise l'hostie même
et non l'autel, la première des oraisons qui pré-
cèdent la communion est spéciale à cette église,
on n'y dit pas la formule Perceptio. La bénédiction
finale se donne en la forme dont usent maintenant
les prélats; enfin le prêtre récite le commencement
de l'Evangile selon saint Jean en quittant les orne-
ments sacerdotaux. Aux trois messes de Noël, on
a deux Epîtres, l'une de l'Ancien, l'autre du Nou-
veau Testament ; il y a des proses pour toutes les i
fêtes, pour chaque jour des octaves de Pâques et
de la Pentecôte ; même aux dimanches après '
Pâques, on dit une partie du Victiinae pasckali^n |
commençant à ces mots : Agnus redemit oves.
3. Lyon. Plus nombreux sont les usages spé-
ciaux de cette église ; tandis que ceux de Paris,
sime. Ebner, otivr. cité, p. 3o6. On trouve dans ce même
document les particularités de l'ofFertoire.
(i) Bona, ouvr. cité, t. I, p. i85. Cuthbert Atchley : Tke
Ambrosian liturgy, pp. i-85.
(2) Bona, Jbid.y t. I, p. 259.
LE MISSEL ROMAIN 99
ont disparu, ceux de Lyon se sont maintenus jus-
qu'à nos jours, grràce au privilèg"e d'exception
concédé par la Bulle de promulgation du Missel
romain sous saint Pie V. Pourtant Lyon ne peut
produire de livres liturgiques antérieurs au
XI^ siècle (i). Un des plus anciens paraît être le
manuscrit ^Sj de la Bibliothèque de cette ville,
un Missel plénier d'origine lyonnaise, comme en
fait foi le texte de ses litanies au Samedi saint (2).
Dans le Codex XII 2 (N, a. i863) de la Biblio-
ihèque Barbermi, à Rome, Ebner (3) a cru recon-
naître un Missel plénier de l'église de Saint-Michel
de Lyon. Le calendrier porte le nom de plusieurs
évêques de cette ville (notamment saint Irénée),
de divers saints dont l'église en question possède
des reliques ; les noms des saints Bernard, Claude,
Anne, Dominique, Andéol, ont été ajoutés au
XIV^ siècle. La Conception de Marie figure au
8 décembre.
Ce qui intéresse ici davantage, c'est l'ordinaire
de la messe : le voici d'après D. Martène. —
A. Début de la messe : Introïbo, sans le psaume
Jîidîca me ; puis les deux versets : Pone, Domaine,
custodïafn... Confitemïnï Domino, le Coitfiteor
avec cette introduction : Ego reus et indignus.
Après Misereatur et htdulgentiam,, le prêtre dit
les versets : Adjutorium nostrum.,, Sit nomen
Dom^ini benedictMin.., un autre verset : Pœniten-
tiam, pro peccatis mets auquel on répond par le
(i) D. Guéranger, Institutions liturgiques, t. III, p. 3io.
Il est vrai qu'au ix* siècle Agobard contribua à conserver dans
l'église de Lyon le rite romain, tel qu'il avait été adopté à la
fin du vin* siècle ; mais son influence se fit particulièrement
sentir pour empêcher l'introduction des textes, autres que ceux
tirés de l'Ecriture, dans les formules de la liturgie. Voir D. Bau-
mer, Histoire du Bréviaire (trad. Biron), t. II, p. 36.
(2) Delisle, Anciens Sacramentaires, n* cxiii, p. 278.
(3) Ebner, ouvr. cité, pp. 141 et 324.
lOO LE MISSEL ROMAIN
Paternoster ^X. Deo gratias. Le prêtre ajoute : Et
vobis, récite Ave Maria. Rf Deo gratias. Puis il
monte à l'autel, le baise, ouvre le missel à l'endroit
où se trouve le Crucifix, dit Adoramuste^.., baise
les pieds du Crucifix, dit : Adjîitorium nostrum,
et récite V Intro'ït. Pour le Doimnus vobiscuiUy
l'usage de Lyon veut que le célébrant reste tourné
vers l'autel pour dire : Doimnus et se tourne seu-
lement vers les fidèles quand il dit : vobiscuut. La
bénédiction, avant la lecture ou le chant de l'évan-
gile, a une formule différente de la nôtre : ainsi,
à la messe basse, le prêtre dit : Corroboret Doini-
nits sensîiui inemit et labîa i7tea ut proiiîintiein
verba Ev ange lit. — B. Offertoire. Le prêtre récite
d'abord l'antienne, puis prononce la formule
Quid retribiiain Domino, etc. Prenant alors le
calice, dans lequel on a mis préalablement le vin
et l'eau (i), et sur lequel se trouvent la patène et
l'hostie, il fait l'offrande des dons avec la formule :
Hanc oblationent. Il pose le calice et tenant la
patène, il ajoute : In spiritu kuinih'tatis . Il place
ensuite l'hostie en avant du calice, recouvre celui-
ci avec le corporal et se lave les mains au coin de
l'Epître en disant le Psaume : Lavabo. En revenant
vers le milieu de l'autel le prêtre dit : Venisancte
spirituSy reple iiLoriint... s'incline au milieu pour
réciter Suscipe sancta Trinitas (dans cette prière
on fait mention de la Sainte Vierge, de tous les
(i) Les documents que nous avons sous les yeux ne pré-l
cisent pas le moment où le prêtre met le vin et l'eau dans le
calice : nous sommes incliné à croire que la cérémonie s'ac-
complissait dès le début, comme on le voit encore de nos jours.
Ce qui nous rend hésitant, c'est que le Codex XII, 2 de la
Bibl. Barberini donne la formule du mélange : De latei'e,
D. N. J. C. entre la formule pour la lecture de l'Evangile et
Hanc oblationem. Peut-être le vin avait-il été versé dans lé
calice au commencement, et attendait-on le moment de l'offer-j
toire pour y mêler un peu d'eau en disant : De latere D.N. J, C.
exivit, etc. Voir plus bas, le rite des Chartreux, p. io3.
^7 ■•
LE MISSEL ROMAIX 10 1
saints, du saint dont on fait la fête, de ceux dont
les reliques sont dans la pierre sacrée). Puis le
prêtre se relève, fait un signe de croix sur l'hostie
en disant : In nomine Patris, etc., se retourne, dit :
Orate pro me fraires, ut vestricm sacrificniift
acceptabilejîat a)ite conspecittin Dornùii. PerChris-
tum... Actuellement, aux fériés de Carême, dans
l'église primatiale de Lyon, on conserve un sou-
venir de l'ancienne offrande, les deux premiers
prêtres de chaque côté du chœur, offrent à l'autel
du pain et du vin. — C. Après le Pater : le prêtre
ayant dit : Pax Dojmni, conserve, entre les doigts,
la parcelle sacrée pour dire trois fois : AgiiMS Dei ;
il la laisse ensuite tomber dans le calice en disant :
Haec sacrosancta coutinixtio ; puis il récite trois
oraisons avant la communion, mais la troisième
diffère de la nôtre et commence ainsi : Domine
sancte Pater omnipotens , da mihi corpîis . . . Immé-
diatement avant la Communion, au lieu de P^;/^;/^
cœlestem et Domine non sum digmcs, le prêtre
récite, en se frappant la poitrine, les versets :
Averte faciem tuam apeccatis fneis. . . Cor mundttm
créa in me Deics... Ne projicias me.,, puis il fait
une génuflexion en disant : Redde mihi lœtitiam
salutaris tui, prend la patène et l'hostie, et dit :
Corpus Domini. . . Quand il a pris le précieux sang,
il récite : Perceptio corporis tui... Quod ore su7np-
simus... Qui m^anducat meam carnem... Verbum
caro factumest... enfin le cantique : Nunc dintittis
le tout pendant les dernières ablutions... Après
les dernières oraisons, et le congé donné aux
fidèles, le prêtre s'incline au milieu de l'autel, dit :
Placeat, baise l'autel, quitte la chasuble, récite
l'évangile : In principio, l'oraison : Protector in
te sperantium^ enfin le cantique Benedicite (i).
(i) D. Martène : De Antlqtiis Ecclesiae ritibus, t. I,
p. 238. Pour les autres détails de la grand'messe, voir le
Cérémonial. Aujourd'hui, l'usage lyonnais est un peu différent
de celui que nous expose D. Martène.
I02 LE MISSEL ROMAIN
II. Ordres religieux. — L'exposé détaillé de la
messe lyonnaise était nécessaire pourTintelligence
de ce que l'on va dire des religieux. De fait, c'est
la liturgie romano-française et plus spécialement
la liturgie de Lyon qui fournit aux Carmes, Char-
treux, Prémontrés et Dominicains leurs particula-
rités dans la célébration de la messe. — i . Cannes,
Il n'entre pas dans notre plan d'examiner l'anti-
quité de ces religieux : nous les prenons au moment
où ils vont s'établir en Europe. Après la prise
de la Ville Sainte par les Croisés, ils adoptèrent
la liturgie que suivait l'église latine de Jérusalem,
puis apportèrent avec eux cette liturgie en Occi-
dent. Comparaison faite avec les livres liturgiques
français du XII^ siècle, on trouve que la liturgie des
Carmes leur doit bon nombre de pratiques (i).
2. Chartreux. Les Coutumes de Chartreuse,
rédigées au Xir siècle par Dom Guigues,
permettent de constater une grande conformité du
Missel carthusien avec les Missels de Grenoble et
de Lyon. — A. Les prières du début de la tnesse
sont celles de Lyon ; le prêtre les récite au côté
septentrional entre le chœur et l'autel, puis il lit
au côté de l'Epître, non seulement V Introït, les
oraisons et les lectures, mais aussi le Kyrie et le
Gloria in excelsis, il porte lui-même le Missel
fermé du coin de l'Epître à celui de l'Evangile.
Les Chartreux n'admettent dans leur liturgie
aucune prose ni séquence, ils chantent tous
ensemble le Credo. Pendant le Credo, après Et
incarnatus est, le prêtre se lave les mains en réci-
tant deux ou trois versets du Psaume Lavabo,
reçoit la bourse des mains du Diacre et va lui-
même étendre le corporal sur l'autel (2).
(i) Du Lac, ouvr. cité, p. i36. Sur la question de l'antiquité
de l'Ordre des Carmes, voir Zimmerman dans le Dictionnaire
de Théologie catholique, t. II, c. 1779 et suiv.
(2) Voir pour plus de détails : Lebrun et De Vert, Explica'
iion des cérémonies , passim.
LE MISSEL ROMAIN lOJ
B. \J offertoire étant dit, le prêtre découvre le
calice, vient au coin de Tépître, prend la petite
cuiller dans laquelle il dépose deux ou trois
gouttes d'eau, les verse dans le calice en disant :
De laiere D. N'.J. C. exivit,.., fait l'oblation du
calice comme au rite lyonnais, revient au coin de
l'épitre pour se laver les doigts en disant deux ou
trois versets du psaume : Lavabo, Le canon de la
messe ressemble à celui de la messe romaine sauf
quelques cérémonies, par exemple l'extension des
bras, une seule élévation de l'hostie sans élévation
du calice, etc. (i). — C. A la Communion, après
avoirprisleprécieuxsang, le prêtre reçoit aussitôt
la première ablution ; on ne récite pas de Confiteor
pour la communion des religieux, le Confiteor Am
début ayant été récité en commun ; on chante
^^/^^^sS" Z^é-^' au choeur seulement au moment où le
prêtre se lave les doigts puis le diacre ayant reçu
le calice y verse un peu de vin pour le purifier,
prend ce vin s'il a lui-même communié, sinon, le
vin est jeté dans la piscine. Les Chartreux n'ont
pas encore admis à leur messe la Bénédiction et
l'Evangile de saint Jean, mais quand les oraisons
sont terminées, le prêtre s'incline au milieu de
l'autel pour dire : Placeat (ou commence l'heure de
sexte). Puis il se retire, et, ayant quitté les orne-
ments sacerdotaux, il récite : Pater noster (2).
3. Les Prémontrés institués par saint Norbert
dans les premières années du xir siècle, reçurent
eux aussi de leur fondateur la liturgie alors en
usage dans l'église de France (3).
(1) D. Martène, loc. citât., t. I, p. 227. Voir aussi les
CoîUutnes de Chartreuse dans P. L., t. Cl!.IIl, c. 989 et suiv.
— Lebrun, ozivr. cité^ t. I, pp. 403, 438, 485-7, 53 1, 574.
(2) D. Martène, Ibid.y t. I, p. 228. — Lebrun, Ibid., t. I,
pp. 65i, 657.
(3) Du Lac, ouvr. cité, p. i36.
3 04 LE MISSEL ROMALNf
4. Dominicains (i). Ces religieux ont le romain
pur dans le texte de leur Missel, sauf pourtant de
légères différences : ainsi ils ont adopté plusieurs
rites et prières tirés des Missels français du XIII® au
XV"" siècle. Il y a dans leur liturgie un accent de
triomphe qui contraste avec la naïveté des offices
franciscains (2). — Quant à leur ordinaire de la
fjtesse^ A. le début a beaucoup d'analogie avec le
rite lyonnais. Cependant, au lieu de baiser l'autel,
ilsse contentent d'y tracer une croix avec le pouce;
ils disent In nomine Patris, etc., avant de réciter
\ Introït, et font alors le signe de la croix (3), ils
récitent le Kyrie au coin de l'épître. A la grand'-
messe la lecture de l'Epître par le célébrant est
facultative (ordinaire de 1.254) ; on n'admet pas
d'accompagnement d'orgue pour le Credo chanté
par tout le chœur (chapitre général de 1582). —
B. Pour r(9^^r/<?2>^, voir encore le rite lyonnais.
Toutefois le prêtre place le calice sur le corporal,
à droite de l'hostie (statuts de 1254) ; on ne
répond rien à Orate ficaires ; la secrète est pré-
cédée de : Domine exaudi orationem et O remous. —
C. Quant au canon, il ressemble au canon romain
sauf les détails suivants : il n'y a pas de baiser
d'autel à Te igitur ; primitivement (c'est-à-dire
avant 1576), il n'y avait pas d'élévation du calice.
Le prêtre a les bras étendus en croix quand il dit :
Unde et inemores. Le baiser de paix était donné
(i) Les liturgistes, comme Lebrun, De Vert, etc., désignent
ces religieux sous le nom de Jacobins, parce qu'ils furent
établis à Paris par saint Louis dans un couvent de la rue
Saint- Jacques .
(2) D. Guéranger, Institutions liturgiques, t. I, p. 325 ; —
Du Lac, ouvr. cité, p. 137.
(3) Les signes de croix que nous faisons a. Adjutorium,
Iitdulgentiam, à V Introït, etc., paraissent venir de ce que
primitivement on disait In nomine Patris, etc., avant ces
formules. De Vert : Explication des Cérémonies, t. III, p. i3o.
LE MISSEL ROMAIN lOD
d'abord comme au rite romain, mais au XV!"" siècle,
on régla que le prêtre baiserait la patène et qu'il
y aurait un instrument pour porter la paix aux
assistants (i). — D. Comimcmon. La récitation du
Conjiteor 'àX2in\. la communion des assistants fut
autorisée au xiir siècle. Tous reçoivent un peu de
vin pour purifier la bouche après avoir communié
(statuts de 1254). La communion se chante après
que tous ont communié. Entre la communion et
la postcommunion, il est d'usage de dire Latides
(c'est-à-dire un cantique d'actions de grâces).
D'après le Missel de 1254 on donnera la bénédic-
tion finale si c'est la coutume du pays ; la lecture
de l'Evangile selon saint Jean est laissée à la dévo-
tion de chacun. — A l'encontre des Chartreux,
les Dominicains ont admis les séquences à la
messe : on trouve beaucoup de ces compositions
dans deux ou trois manuscrits du XVl^ siècle à
l'usage de ces religieux {2). On a sans doute
remarqué que pour les Chartreux et les Domini-
cains, il s'agit de la messe chantée plutôt que de
la messe basse : chez ces religieux comme dans
l'Ordre bénédictin, la messe conventuelle est
partie intégrante et non la moindre de l'office
liturgique.
(i) Lebrun, ouv^. cilé, t. I, pp. 144, 200, 247, 3 14, SyS,
376, 403, 484- 7, 593.
(2) Lebrun, Ibid.^ t. I, pp. 628, 634, 641, 648, 6bZ. — Les
manuscrits sont les numéros 38o5, 5590 et 5591 de la Biblio-
thèque Vaticane : Ehrensberger, Libri liturgiciy pp. 47 i
et 472.
DEUXIEME ÉPOQUE
Le Missel Romain depuis Saint Pie V
jusqu'à la fin du XIX^ siècle.
CHAPITRE PREMIER
Acheminement vers une réforme
pour l'unification du Missel.
I. Les premiers missels imprimés. — Avec le
XV siècle, l'ère des manuscrits liturgiques est
moralement close ; dès 1477 l'imprimerie donne
ses premiers missels, et jusqu'en l'année 1500, des
éditions se succèdent à Naples, Milan, Venise
pour l'Italie; à Nuremberg, Mayence pour l'Alle-
magne. Paris, Lyon, Rouen sont, pour la France,
les principaux centres où s'exécutent les impres-
sions liturgiques des diocèses du royaume et aussi
de l'étranger. Ainsi Paris édite les Missels de
Chartres (1482), de Chàlons-sur-Marne (1489), de
Saintes (1491), de Rennes (1492), d'Autun (1493),
de Cambrai (1495); Rouen imprime ceux de
Séez (1488), du Mans (1489), d'Évreux (1497), de
Salisbury (1492) ; Lyon donne non seulement sa
propre liturgie mais encore les Missels de la région
méridionale, comme Viviers, Narbonne, Mar-
seille, etc. — Le Missel romain eut, à lui seul, de
nombreuses éditions, même avant l'apparition du
protestantisme : un fait le prouve, c'est la rapide
diffusion de l'Ordre franciscain ; à la fm du
XV^ siècle, grâce à ces religieux, laliturgie romaine
réformée par saint Grégoire VII était en usage
dans presque toutes les églises de l'Europe. La
liturgie de Sarum (Salisbury), à peu près uni ver-
LE MISSEL ROMAIN IO7
sellement suivie en Angleterre, pouvait seule riva-
liser avec elle (i).
Le nombre des éditions s'accroît encore au
XVI^ siècle jusqu'à l'heure ou saint Pie V publie
le Missel romain corrigé par ses soins.
Ces éditions sont dignes des manuscrits qu'elles
remplacent. Par la noblesse du format, la beauté
de l'exécution, les livres liturgiques l'emportent
sur tous les autres imprimés et conservent le pre-
mier rang. Le format in-folio est ordinairement
assigné au Missel, beaucoup des exemplaires pri-
mitifs sont sur vélin, et, quand le vélin commence
à disparaître, on le conserve encore pour le canon
de la messe, la partie la plus vénérable du livre.
Pendant un certain temps, les missels imprimés
sont en caractères gothiques; dès 1470, il est vrai,
on trouve en Italie des caractères romains, mais
une réaction s'opère en faveur des gothiques.
Puis, après 1574, la lettre romaine est exclusive-
ment employée dans l'impression des livres
liturgiques ; elle s'y développe avec gravité et
magnificence, et plus particulièrement au canon
de la messe ; ce développement est dû en grande
partie au format. — Le vermillon est employé
pour les rubriques : la double couleur des lettres
sera bientôt l'apanage exclusif des livres de la
liturgie, ils en revêtent une physionomie spéciale
qui convient à merveille à leur destination mys-
térieuse (2).
Pour rattacher plus étroitement le Missel
(i)D. Guéranger, Instîhitions littirg., t. III, pp. 3i9-323.
— Du Lac, La liturs^ie romaine et les liturgies françaises,
p. 199. — J. Weale, Catalogits inissaliuTn ritus latiniab afino
i4y$ impressorum^ London, 1886. On trouvera, dans ce
dernier ouvrage, une Bibliographie complète des éditions dont
nous ne pouvons donner qu'une idée insuffisante. — Zaccaria :
Bibliotheca ritualis, t. I, pp. 52-53.
(2) D. Guéranger f Institutions littirgiqzies, t. III, p. 325-329.
ÎOS LE MISSEL ROMAIN
imprimé aux vénérables manuscrits dont il pro-
cède, il fallait que les miniatures y fussent repré-
sentées. La gravure sur bois et sur cuivre ne tarda
pas à en fournir les moyens ; en attendant, les
imprimeurs laissèrent en blanc la place des larges
initiales, des demi-pages et quelquefois des pages
entières pour recevoir la peinture des sujets his-
toriques et allégoriques. De la sorte, les premiers
livres liturgiques imprimés continuèrent de rap-
peler les beaux manuscrits de l'âge précédent.
On peut citer comme exemples les missels des
Chartres (1482) et de Lyon (1487) avec leurs nom-
breuses initiales peintes en couleur, et surtout
le magnifique Missel de Paris (1522), conservé à
la Bibliothèque de l'Arsenal ; il y a dans ce der-
nier au moins 154 miniatures coloriées, puis des
bordures, des initiales peintes avec un soin
-extrême. — Au XVII^ siècle la gravure sur bois
remplace la peinture, elle est remplacée elle-même
au XVII^ siècle par la gravure sur cuivre. Notons
en passant que la liturgie fut l'occasion de la
découverte de la gravure sur cuivre faite par
Thomas Finiguerra, orfèvre florentin (1452) (i).
IL — Nouvelles particularités introduites
DANS le missel. — Le Missel imprimé à Naples
en 1477 poi'te pour titre, à la suite du calendrier :
Incipii ordo uiissalis secundîim consuetudinein
citriae romanae : c'est aussi la qualification que se
donnent beaucoup de Missels imprimés par les
diocèses et les monastères. Toutefois cette confor-
mité avec la cour romaine n'excluait pas la pré-
sence de certaines particularités et de développe-
ments spéciaux. Ainsi, pour n'être pas atteinte
substantiellement, la liturgie romaine avait eu au
XV® siècle ses variantes, ici, la forme purement gré-
gorienne, ailleurs, la réforme de saint Grégoire VII,
(i) D. Guéranger, Iiistihùt. liturg.y t. III, p. 388-393.
LE MISSEL ROMAIN lOÇ
ailleurs encore, la réforme des Franciscains. Dans
chaque nation, des usag^es locaux avaient cours,
une dévotion ardente charofeait sans cesse le
calendrier de nouveaux saints, avec des offices
plus ou moins corrects (i). On a vu dans l'histoire
du Bréviaire (2), que le grand schisme contribua
pour une part considérable à l'altération de la
liturg"ie ; le cérémonial forcément modifié à la
cour d'Avignon donna une entrée plus libre aux
usages locaux. Le Missel, en raison même de son
étroite connexion avec le Bréviaire, devait se
ressentir du particularisme introduit dans l'office
divin. Pour n'en donner qu'un exemple, on vit
pendant le séjour des papes à Avignon, des
messes votives, avec circonstances superstitieuses
dans le nombre et le rite à garder, prendre la
place des messes ordinaires (3).
D'autre part, l'influence des humanistes sur
les formules de l'office canonial ne devait-elle
pas s'étendre aux formules du Missel, sinon aux
anciennes collectes, du moins auxpartieschantées?
Pour n'être pas exposée à un remaniement aussi
complet que celui du Bréviaire de Quignonez, la
structure de la messe pouvait subir quelques
atteintes de ce côté. On devait bientôt s'en aper-
cevoir ; car les chefs de la Réforme protestante
s'en prirent au Missel plus encore qu'au Bré-
viaire.
III. Influence du Protestantisme sur l'al-
tération DU Missel. — Luther, il est vrai, y
mit quelques ménagements : lorsqu'en 1523, il
réforma la messe et en dressa la formule, il ne
changea presque rien de ce qui frappait les yeux
( i) Du r,ac, La lUiwgie romaine et les lihirgies françaises^
p. 199. !
(2) Le Bréviaire rojnain, ses origines, son histoire, p. 84.-
(3) D. Guéranger, oiivr. cité, t. I, p. 345.
I 10 LE MISSEL ROMAIN
du peuple. Ainsi, il garda V Introït, le Kyrie, la
collecte, l'épître, l'évangile (avec les cierges et
l'encens, si l'on voulait), le Credo, la prédication,
les prières, la préface, le Sanctus, les paroles de
la consécration, l'élévation, l'Oraison dominicale,
V Agnus Dei, la communion, l'action de grâces...
II conserva le chant, et même le chant en latin, il
y mêla seulement des prières en langue allemande
pour l'instruction du peuple (i).
Mélanchton ne se montra pas moins conserva-
teur ; mais Calvin fut inexorable à l'égard des
cérémonies, et bientôt, sous prétexte de rendre
la liturgie plus parfaite, le protestantisme changea
ses formules, la débarrassa de tout ce qui rap-
pelait la foi catholique... Pour rompre ainsi avec
la Tradition, on allégua de nouveaux principes,
par exemple : la parole de Dieu est seule digne
d'être prononcée dans l'office divin (2) ; le latin
de l'Eglise n'est qu'un latin barbare, étranger
au pur classique, il faut lui substituer le latin de
la Renaissance ou mieux encore la langue vulgaire
que le peuple entend; enfin il faut anéantir le culte
de la Sainte Vierge et des Saints, et toute trace
de religion envers le Siège Apostolique. — On
comprend sans peine ce que devient le Missel sous
la main de ces Novateurs; les livres des églises
luthériennes, calvinistes, anglicanes, montrent
l'application du système dans son étendue. Tou-
tefois, l'audacieuse réforme n'opéra pas partout
de la même façon ; tandis que les plus avan-
cés, sans craindre de se mettre en opposition avec
leurs propres principes, éliminèrent les formules
de style ecclésiastique, réprouvèrent même les
lectures et prières empruntées à l'Ecriture Sainte,
(i) Bossuet, Histoire des Variations^ liv, III, c. 5i.
(2 Dom Gasquet et Ed. Bishop, Edward VI and the Book of
Common Prayer, pp. 84, 217.
LE xMISSEL ROMAIN I I I
les autres y apportèrent plus de ménag-ements et
affectèrent même un certain conservatisme : tels
le luthéranisme des premiers temps et l'anglica-
nisme. On vient de voir ce que pensait Luther
avant de formuler ses diatribes contre le canon de
la messe ; l'église anglicane, de son côté, voulut
avoir son recueil liturgique où serait rég-lé tout le
service divin (matin et soir). C'est le Book of
Contnton Frayer, dont la première rédaction défi-
nitive est de 1549 : la partie substituée à l'ancien
Missel a pour titre : The Stipper of the Lord, La
Chie du Seigneur, elle concorde avec le Missel de
^'^^r//;/^ jusqu'au Credo inclusivement, on a inséré
en cet endroit une formule qui tient de l'homélie.
Alors se rencontre une lacune (on a omis l'ancien
rituel de l'oblation). La reprise de la concordance
se fait à la préface, mais une nouvelle formule a
été insérée pour remplacer notre canon de la messe.
Cranmer rédigea une suite de prières à peu près
de même longueur que la partie supprimée, il en
fit disparaître tout ce qui pouvait éveiller l'idée
d'oblation et de sacrifice. A la fin de l'action, on
n'a laissé subsister que les parties suivantes :
Pater noster, Fax Domini et Agmis Dei ; le reste
est entièrement nouveau. — Comme dans la messe
latine de Luther, on retrouve ici les anciennes for-
mules (oraisons, lectures, etc.,) spécialement pour
les dimanches, mais le calendrier des fêtes a été
singulièrement allégé : en plus des fêtes deNotre-
Seigneur, on y a maintenu celles des Apôtres, de
la Purification et de l'Annonciation, de saint Jean-
Baptiste, de sainte Marie-Madeleine, de saint
Etienne, des saints Innocents, de saint Michel
comme commémoraison des Anges, puis la fête
générale de tous les Saints (i). Mieux conservée
(i) Dom Gasquet et Ed. Bishop, Edward VI and the Book
of Common Prayer, pp. 217, 34.
112 LE MISSEL ROMAIN
que ses rivales protestantes, la liturgie anglicane
a pourtant connu plus d'un changement pendant
ses trois siècles d'existence : ainsi V Ordinal
cÛ Edouard F/fut modifié sous Elisabeth, corrigé
et augmenté sous Jacques P^, remplacé par une
composition de Cromwell, etc.
Ce seul exemple peut suffire à montrer le danger
qui menaçait la liturgie romaine au moment où
l'autorité suprême intervint pour la protéger et la
fixer dans l'unité. Cette intervention était jugée
nécessaire par les catholiques. Un concile tenu
à Cologne en 1536, émet le vœu d'une réforme
liturgique : dans le Missel on constate, pour les
réprouver, plusieurs innovations récemment intro-
duites, car elles sont une atteinte au respect dû à
nos saints mystères ; on s'en prend d'une façon
spéciale aux nouvelles proses (3). — Même après
l'ouverture du saint Concile de Trente en 1545,
des projets de réforme liturgique se font jour,
en Allemagne notamment au Synode de Salz—
bourg {1562), en France aux conciles provinciaux
de Reims (1564), de Cambrai (1565) (2). A la
reprise du concile sous Pie IV, un mémoire
donné au Cardinal de Lorraine lui enjoint, au
nom du roi et des Etats Généraux de France,
d'insister fortement sur la nécessité d'épurer le
service divin, de retrancher les superstitions, de
revoir les prières et les cérémonies (3).
Ainsi fut introduite, dans les dernières sessions
du Concile de Trente, la question de la réforme
du Missel.
(i) Mansi, Conciliorziiu Collecta amplissima, t. XXXIT,
p. 1227.
(2) Dom Baumer, Histoire du Bréviaire, t. II, p. i52, note.
(3) Dom Guéranger, Institutions litîirgiques, t. I, p. 412.
LE MISSEL ROMAL>J I K)
CHAPITRE II
Le Missel romain de Saint Pie V (1570)
Articlp: I. — Travaux préparatoires
et Bulle de promulgation.
I. Travaux préparatoires. — La réforme du
Bréviaire et celle du Missel devaient marcher de
pair ; Jean Pierre Carafîfa, théatin, plus tard pape
sous le nom de Paul IV (1555- 1559) avait préparé
lui-même une réforme du Bréviaire, mais il mourut
avant d'avoir pu achever son travail. Pie IV, son
successeur (1559- 1565) envoya l'œuvre au Concile
de Trente, demandant qu'on l'examinât conjoin-
tement avec les soins donnés à l'affaire du Missel.
Au Concile, on nomma dans ce but une commis-
sion, mais l'entente ne put se faire sur l'objet de
la réforme liturgique, et l'on décida de s'en
remettre au Pontife Romain : aussi bien, l'œuvre
de simple correction, et non pas de reconstitution,
ne pouvait s'accomplir qu'à Rome même; il s'agis-
sait non pas de donner à l'Eglise une nouvelle
liturgie, mais de réviser et de corriger les livres
de l'ancienne liturgie occidentale. Saint Pie V
put, après quelques années, donner au monde
catholique une nouvelle édition du Bréviaire
romain (1568) et un Missel conforme à ce Bré-
viaire réformé (1570) (i).
IL Bulle de promulgation. — Depuis le
14 juillet 1570, date de sa publication, le Missel
Romain porte en tête la Bulle Quo priinmn tein-
pore. Cette Bulle expose : 1° le BiU poursuivi
conformément au vœu du Saint Concile de Trente;
( I ) Pour éviter des redites, nous renvoyons le lecteur à l'opus-
cule sur le Bréviaire romain notamment aux pages 96-104.
Il y a bien des points communs entre le projet de la réforme
du Bréviaire et celui de la réforme du Missel.
LE MISSEL ROMAIN. — Tome IL 8
114 LE MISSEL ROMAIN
donner un Missel qui réponde au Bréviaire, pour
que dans l'Eglise de Dieu on voie régner un seul
mode de psalmodie et un seul rite pour la célébra-
tion de la messe ; 2*^ les précautions prises et la
utéthode employée ; des hommes érudits ont con-
fronté les plus anciens manuscrits de la Biblio-
thèque Vaticane et d'autres encore, puis ils ont
consulté les ouvrages des auteurs anciens et
approuvés ; 3° le caractère obligatoire de la nou-
velle publication ; les prêtres connaissant par ce
document quelles prières, quels rites et quelles
cérémonies ils doivent désormais retenir dans la
célébration des messes, seront obligés de procéder
suivant la forme du présent Missel dans toutes les
églises ou chapelles du monde chrétien, à moins
qu'on ne puisse, comme en certaines églises,
exciper d'un usage particulier assidûment observé
en vertu d'une première institution ou d'une cou-
tume antérieure l'une et l'autre à deux cents ans.
Encore est-il permis à ces dernières églises de
célébrer la messe selon le présent Missel, pourvu
que l'évêque et le chapitre tout entier y consen-
tent ; 4° les garanties contre les altérations de
l'avenir : « on ne pourra rien ajouter, retrancher
ou changer au Missel que nous publions, » dit le
pape auteur de la Bulle.
Comme pour le Bréviaire, un délai plus ou
moins considérable (un mois, trois ou six mois)
est accordé aux localités, suivant qu'elles sont
plus ou moins éloignées de Rome, pour se pro-
curer le présent document : passé ce délai, le nou-
veau Missel devra être mis en usage.
Article IL — Contenu du Missale Pianum.
Dans la pensée de ceux qui en ont suggéré,
préparé et ordonné la publication, ce Missel n'est
pas un livre liturgique nouveau ; à part quelques
additions, comme celle des documents pontificaux
LE MISSEL ROMAIN II 5
et des rubriques g-énérales, on y retrouve les
éléments et même la distribution des matières du
Missel plénier. Le tout peut se ramènera quelques
préliminaires, à quatre parties principales et à
un appendice : les quatre parties sont : i° l'Ordi-
naire de la messe, que l'on a intercalé pour plus
de commodité dans le propre du temps entre le
samedi saint et la fête de Pâques ; 2° le Propre du
Temps ; 3° le Propre des Saints ; 4° le Commun
des Saints avec les messes votives. En appendice
se trouvent des formules de bénédictions ayant
quelque rapport avec la célébration de la messe.
I. Préliminaires du Missel. — i^ Le document
pontifical, placé au début, a été analysé dans
l'article précédent. Comme on le voit, c'est une
garantiedel'authenticité du recueil, une attestation
portée par l'autorité suprême du Chef de l'Eglise.
Plus tard on y joindra les bulles des Pontifes qui
travailleront à améliorer l'œuvre de saint Pie V ;
désormais la réglementation liturgique devra être
faite ou sanctionnée par le Pontife romain. —
2° Comme dans le Bréviaire, on a inséré dans le
Missel, les règles à observer pour déterminer la
fête de Pâques, puis le détail du calendrier, ce
dernier est entièrement conforme à celui du Bré-
viaire, là réside l'harmonie demandée entre la
célébration de l'office divin et la célébration de
la messe. — 3^ Les rubriques générales du missel
et les rites à observer dans l'offrande du saint
sacrifice font maintenant suite au calendrier. Cet
ensemble de lois ou d'observances sacrées avait
été rédigé, dans la forme qu'il a conservée depuis
par Jean Burchard au début du xvr siècle. Au
témoignage deGavantus, une rédaction sommaire
des rubriques avait été placée dans les Missels
manuscrits de la Bibliothèque Vaticane ; on la
trouve un peu amplifiée dans les premiers Missels
imprimés, particulièrement dans les éditions de
Il6 LE MISSEL ROMAIN
Venise. A partir de 1534, dit Bona, la rédaction
de Burchard fut imprimée en tête des Missels et
la commission de saint Pie V n'eut qu'à les y
maintenir (i). Comme les rubriques du Bréviaire,
celles du Missel, sauf quelques corrections, sont
demeurées ce qu'elles étaient en 1570. — 4° Les
prières à réciter, pour revêtir les ornements sacer-
dotaux ont été fixées d'une façon définitive dans
le Missel de saint Pie V ; ce Pontife a voulu mettre
un terme aux variations qui s'étaient perpétuées
jusqu'à lui. On trouve des prières pour les orne-
ments dans une foule de manuscrits à partir
du IX® siècle (2). Il faut en dire autant des psaumes
de préparation et d'action de grâces : ils paraissent
ici dans le document officiel du XVI® siècle comme
les vestiges des anciennes Apologies du début ou
de l'offertoire et des prièresrécitéesaprès la messe.
Désormais l'uniformité régnera dans la pratique
pour ces accessoires de la célébration.
II. — Les quatre parties du Missel. —
Nous parlons en premier lieu de V Ordinaire de la
Messe à cause de son importance et de son anti-
quité : on sait que la seule raison d'une plus
grande commodité l'a fait reporter vers le milieu
du recueil, même pendant la période des manus-
crits. — Tout y est désormais prévu et réglé
depuis le commencement jusqu'à la fin du Saint
Sacrifice, pour que l'harmonie parfaite règne
dans le mode de célébration et l'emploi des for-
mules. Les particularités qui s'étaient maintenues
jusqu'aux Xlir et XIV® siècles, au début et à la fin
du Saint Sacrifice, disparaissent ; le nombre des
préfaces est considérablement réduit (onze seule-
(i) Zaccaria, Bibliotheca ritualis, t. I, p. 58.
(2) Voir Doni Martène, De Aiitiquis Ëcclesiae ritibus, t. I,
p. 343. — Lebrun, Explication des prières et cérémonies
de la messe, t. I, p. 40-41.
LE MISSEL ROMAIN I I7
ment subsistent) comme aussi le nombre des
variantes aux formules Communicantes et Hanc
igitny ; il n'est plus fait mention de la bénédiction
épiscopale du rite gallican ou mozarabe ; la béné-
diction finale avant le dernier Evangile se donne
(sauf aux messes des morts) d'une façon uniforme
par tous les prêtres ; les prélats ont une formule
spéciale.
2. Propre du temps. — Le Missel de saint Pie V
a les trois grands cycles des anciens documents :
Noël [y^'^ dimanche de l'Àvent au dimanche de la
Septuagésime) ; Pâques (dimanche de la Septua-
gésime à la Pentecôte ; Peittecôte (les dimanches qui
suivent jusqu'à l'Avent : pratiquement, toute
l'octave de la Pentecôte rentre dans le temps
pascal bien qu'on y ait placé les Quatre-Temps).
Il y a des parties variables pour la messe tous les
dimanches, pendant le Carême à toutes les fériés,
puis aux mercredis, vendredis et samedis des
Quatre-Temps. Nous allons donner un rapide coup
d'œil sur ces parties variables pour établir leur
relation avec les anciens documents : renvoyant
pour les lectures aux Lectionnaires et aux
Evangéliaires, nous nous bornerons à parler des
parties chantées et des oraisons.
A. parties chantées. — La publication officielle
de 1570 est une réponse à Luther et à ses adeptes ;
elle montre toute l'injustice de leurs griefs et
l'inexactitude de leurs assertions contre l'ancienne
liturgie. Il n'était guère besoin, en effet, de rem-
placer les formules de style ecclésiastique par des
lectures d'Ecriture vSainte dans un recueil qui
remettait chaque jour sous les yeux le texte sacré
grâce aux chants et aux passages des Epîtres et
des Evangiles. Pour le rappeler d'une façon sen-
sible aux fidèles et aux prêtres tentés de l'oublier,
on a pris soin de marquer les références dans le
nouveau Missel ; par là on constate sans peine que
Il8 LE MISSEL ROMAIN
les Introïts, Gradîiels, versets alléluïatïques, traits,
offertoires et cojnmunionssontj à quelques excep-
tions près, tirés de la Sainte Ecriture (i). Le
psautier y figure pour une large part, et c'est jus-
tice, car le Psalmiste a dans ses hymnes des accents
suaves et variés pour apaiser le ciel (2) : ainsi les
chants du Missel sont, comme ceux l'office divin,
par excellence les chants du psautier, le propre du
temps y reproduit l'Antiphonaire grégorien (3).
Le texte y diffère plus ou moins de celui de la
Vulgate et c'est à dessein que V Itala Vêtus a
été conservée. Sur cette version qui remonte au
ir siècle et se maintint dans l'Eglise jusqu'au
VU" siècle à côté de la traduction de saint Jérôme,
ont été adaptées les mélodies primitives; la modi-
fication du texte eût amené la modification des
mélodies et l'on ne vit pas la nécessité de ce double
travail. D'ailleurs, le texte de V Itala Vêtus avait
ses avantages, il était suffisamment orthodoxe,
aimé du peuple à cause de sa ressemblance
avec l'idiome populaire, apprécié en même
temps des hommes instruits parce qu'il reprodui-
sait fidèlement la version des Septante. Aussi,
quand sur la fin du xvr siècle, des éditeurs ten-
tèrent de substituer, dans les livres d'offices, la
Vulgate à l'ancienne Italique, Clément VIII ré-
prima sévèrement ces libertés dans la Bulle :
Ctiin Sanctissiinu7ft de 1604; de nos jours, le
(i) C. Marbach, Carmina Scripttirarum, i in- 8* Argent-
torati 1907, Introduction, p. 20 note, 2. — L'auteur de cet
ouvrage a rendu un réel service aux liturgistes et aux prédi-
cateurs en leur indiquant à quels jours, à quelles fêtes et dans
quelles occasions les divers textes des saints Livres sont chan-
tés dans les oflîces de l'Eglise. — Nous renvoyons à l'ouvrage
les lecteurs qui veulent avoir de plus amples détails sur cet
article.
(2) Bona, De divina Psatmodia, cap. 16, § 11.
(3) Voir cet Antipîtonaire Grégorien dans P. L., t. LXXVIII,
c. 641 et seq.
LE MISSEL ROMAIN
119
Saint-Siège a paru accentuer encore la pensée de
Clément VIII à ce sujet (i). Le tableau des réfé-
rences du Propre du temps au psautier présente
une mosaïque, assez bizarre à première vue,
comme on peut en juger par ce spécimen des
dimanches de l'Avent.
Introït
Graduel
Verset
Allèluiatique
Offertoire
Communion
i*'dim.de l'Avent
Ps. 24
Ps.42
Ps. 84
Ps. 24
Ps. 84
3- — —
4* — —
3o
84
18
49
79
144
121
84
84
— a
a) N. B. — Le trait — indique les emprunts faits aux livres diffé-
rents du psautier.
Voici les conséquences à tirer de cette consta-
tation : I . En général, entre les divers chants d'une
même messe, il n'y a pas de connexion étroite et
logique; il y a pourtant un air de famille; de l'in-
troït à la communion on reste sous l'impression
des mêmes sentiments ; — 2. Quand le temps de
l'année a un caractère bien déterminé comme
l'Avent, le temps de la Passion, le temps pascal,
les chants de la messe s'inspirent de ce caractère ;
le caractère n'est pas aussi bien marqué pour le
carême où chaque férié a sa messe spéciale, ni
pour le temps qui suit la Pentecôte, aussi un rap-
prochement s'est-il établi entre ces deux époques
de l'année, un assez grand nombre de supplica-
tions des messes du carême se trouve dans les
dimanches après la Pentecôte (2). Notons pourtant
le cachet spécial de certaines fériés de Carême,
(i) C. Marbach, ouvr. cité, pp. 37-38.
(2) Pour tous les jours de fêtes, il y a relation entre les chants
de la messe et l'objet de la fête ; de même pour certaines fêtes
qui présentent un caractère bien tranché, par exemple les Roga-
tions.
I20 LE MISSEL ROMAIN
par exemple le mercredi après le 4^ dimanche a
une messe composée dans toutes ses parties en
vue des Catéchumènes ; en ce jour appelé feria
traditiomi'm, avait lieu, après un dernier examen
(scriitiniuin)^ la remise du Symbole et de l'Oraison
dominicale ; — 3- La connexion entre les chants
et les autres parties de la messe est plutôt excep-
tionnelle ; ainsi le graduel n'a de connexion avec
répître que dans des cas isolés : Omîtes de Saba
venient de l'Epiphanie ; Ecce Sacerdos inagnus
d'un confesseur pontife. Deux fois seulement,
dans les cas peu fréquents où le trait suit immédia-
tement une leçon, il y a adaptation parfaite : la4''
et la 11^ prophétie du Samedi saint annoncent par
leurs derniers mots les deux cantiques de Moïse :
Cantemus Domino, et Attende cœlum,
B. Oraisons, — Sous ce nom. sont comprises les
formules de style ecclésiastique pour lesquelles les
protestants ont affecté un profond dédain. Chose
étrange, ils n'osèrent pas les supprimer ; non seu-
lement ces formules reposaient sur une tradition
solidement établie, mais le peuple y était habitué
etn'enauraitpasaccepté volontiers la suppression.
Dans le propre du temps toutes les formules du
Missale Pianum sont empruntées aux plus anciens
Sacramentaires : déjà nous avons signalé, à propos
du Sacramentaire Léonien, dans quelle mesure ce
document est reproduit au Missel romain ; les
autres formules de celui-ci sont tirées du Gélasien
et du Grégorien, quelques-unes même, émanent
des trois documents à la fois. L'ordre et l'assigna-
tion du jour, donnés par le Grégorien, ont natu-
rellement prévalu ; avec l'édition de Muratori, le
rapprochement s'établit facilement. Ce travail de
comparaison nous entraînerait trop loin. — •
L'Église ne craint pas de répéter en diverses
circonstances les mêmes formules pourvu que
celles-ci s'adaptent aux lectures ou à l'objet du
I
LE MISSEL ROMAIN^ 121
mystère : ainsi l'oraison : Deits qui Mbus pueris
récitée chaque jour après la messe dans les prières
d'actions de grâces, revient à chaque samedi des
Quatre-Temps après la cinquième lecture et le can-
tique, Beiiedictits es de Daniel ; la secrète : Obla-
tîiiit tïbi sacrificiunt vivijîcei nos, reparaît au
dimanche dans l'octave de l'Epiphanie, au
dimanche de la Septuagésime, au lundi après le
quatrième dimanche de Carême. On trouvera aisé-
ment d'autres exemples pour peu que l'on fasse
rentrer le propre et le commun des saints dans le
champ d'exploration. Les messes des dimanches
après l'Epiphanie sont d'origine plus récente que
les autres ; elles ont cette particularité que quand
les derniers de ces dimanches sont reportés immé-
diatement avant le temps de l'Avent, on leur
attribue les parties chantées du vingt-troisième
dimanche après la Pentecôte, mais on leur con-
serve les oraisons et les lectures comme avant la
vSeptuagésime. En Carême, on a maintenu pour
chaque férié la prière qui se disait après les
postcommunions sur les fidèles inclinés et cette
prière sert d'oraison pour les vêpres : d'ordinaire
la collecte de la messe se dit comme oraison à
toutes les heures de l'office divin. — La liturgie
de saint Pie V a maintenu certaines pratiques des
premiers siècles, particulièrement les pratiques
annexées à la préparation des catéchumènes pour
le baptême solennel administré le samedi saint.
Ainsi le mercredi qui suit le quatrième dimanche
de Carême et le mercredi saint ont deux oraisons
et deux lectures ; les offices du vendredi saint,
ceux des samedis, vigiles de Pâques et de la
Pentecôte ont une structure à part. Les mercredis
des Quatre-Temps ont aussi double oraison et
double lecture ; quant aux samedis des Quatre-
Temps, ils ont six oraisons et six lectures avant
l'évangile, la cinquième tirée de Daniel est suivie
122 LE MISSEL ROMAIN
du cantique : Bejtedictus es emprunté au même
prophète. — Vers le xr siècle, un changement
des lectures évangéliques à partir du dixième
dimanche après la Pentecôte a brisé l'harmonie
entre collectes, leçons et chants ; l'Eglise n'a pas
cru devoir rétablir la disposition antérieure à cette
époque.
3. Propre des Saints. — On a soigneusement
conservé dans le Missel de saint Pie V les messes
des saints honorés primitivement, quoique à la
même date du calendrier d'autres saints aient été
substitués : par exemple : au 19 janvier, les saints
Marins, Marthe, Audifax et Abacum, à côté de
saint Canut, au 12 juin, les saints Basilide, Cyrin,
Nabor et Nazaire à côté de saint Jean de saint
Facond, etc., ces messes en effet sont les plus
anciennes et ont été dans la suite utilisées parfois
pour les communs. Le calendrier du Missel,
comme celui du Bréviaire, reçut après saint Pie V
des accroissements dont il est parlé dans l'opus-
cule sur le Bréviaire.
4. CoiPifPiun des Saints, — Cette partie du Missel
est amplement fournie : on y recourt pour tous les
saints qui n'ont pas de messe propre ou pour
lesquels on ne trouve que des oraisons dans la
partie précédente, i. Sauf le commun des saintes
femmes ajouté sous Clément VIll, la série des
communs dans le Missale Piamtin est celle de nos
missels actuels. Elle comprend : la vigile des
Apôtres (une messe) (i), un martyr pontife
(deux messes), un martyr non pontife (deux
messes), un ou plusieurs martyrs au temps pascal
(trois messes), plusieurs martyrs en dehors du
temps pascal (trois messes), un confesseur pontife
(i) Il n'y a pas de Commun pour les Apôtres, parce que
chaque apôtre ou groupe d'apôtres figure dans le propre des
saints avec une messe spéciale.
LE MISSEL ROMAIN 12^
(deux messes), un docteur pontife ou non pontife
(une messe), un confesseur non pontife (deux
messes), un abbé (une messe), les vierges martyres
(deux messes), les simples vierg-es (deux messes),
les saintes femmes martyres ou non (une messe).
Cette série se termine avec la messe pour l'Anni-
versaire de la Dédicace. — 2. On peut ranger
dans cette partie du Missel les anciennes messes
votives. Ce sont les messes en l'honneur de la
Sainte Trinité (i), des saints Anges, des saints
Apôtres Pierre et Paul, du Saint-Esprit, du
Saint-Sacrement, de la Croix, de la Passion, de
la Sainte Vierge (il y a des messes de Beata Vir-
gine pour les diverses époques de l'année).
Viennent des messes votives pour circonstances
particulières : élection du vSouverain Pontife,
élection et consécration d'un évêque, extinction
d'un schisme, une nécessité quelconque, rémission
des péchés, grâce d'une bonne mort, contre les
païens, pourletemps deguerre, pourlapaix, contre
la mortalité et la peste, pour les malades, pour les
pèlerins et les voyageurs, pour un mariage ; une
série d'oraisons diverses fait suite à ces messes,
et la liste se clôt par les messes des défunts (com-
mémoraison du 2 novembre, jour de la mort ou de
la sépulture, anniversaire, quotidienne) avec des
oraisons diverses pour les défunts.
III. Appendice au Missel — i. Ce sont les
bénédictions diverses qui peuvent être données
avant, pendant ou après la messe : la liste s'ouvre
par la bénédiction et l'aspersion de l'eau, et
comprend des bénédictions d'aliments (agneau
pascal, œufs, pain, fruits nouveaux), des bénédic-
tions d'objets ou de lieux (cierges, nouvelle
(i) Nous devons à Alcuin cette messe de la Sainte Trinité ;
sauf pour les lectures, elle a été utilisée pour la fête de ce
mystère.
124 LE MISSEL ROMAIN
habitation , etc.), bénédictîonsdes vêtements sacer-
dotaux et ling-es sacrés (réservées aux Evêques).
2. Enfin le recueil se termine parla série des
nouvelles jnesse s votives concédées en 1883 par
Léon XIII pour chaque jour de la semaine et mises
en harmonie avec les offices votifs du Bréviaire.
Article III. — Accueil fait au Missale Pianum
et sa prompte diffusion.
I. — Comme l'apparition du Bréviaire, celle
du Missel fut accueillie dans toute l'Eglise avec
une véritable joie. Ce Missel, dit Dom Guéran-
ger, était puisé aux sources les plus pures de
l'antiquité, restitué conformément à l'antique
règle des saints Pères ; il mettait fin aux désordres
et à l'anarchie dans le culte divin et unissait toute
les églises de la chrétienté dans une même sup-
plication (i). Toutefois il admettait certains tem-
péraments pour les traditions locales et les cou-
tumes que recommandait une pratique déjà
ancienne ; les églises en possession d'un Missel
particulier depuis deux cents ans pouvaient ou
garder leur Missel ou adopter le Romain.
Partout, en Occident, on se conforma à la bulle
de saint Pie V. Parmi les églises admises à béné-
ficier d'une exception, les unes renoncèrent pure-
ment et simplement à leurs privilèges et prirent le
Missel Romain ; telles furent, en Italie, l'église
d'Aquilée, toutes les églises de Sicile ; en Es-
pagne, les églises de Tolède et de Séville. A
quelques exceptions près, cet exemple fut suivi
en Portugal, dans les vastes possessions espa-
gnoles et portugaises, puis en Belgique, Autriche
Hongrie, Pologne. En France, les huit conciles
provinciaux de Rouen, de Reims, de Bordeaux,
(i) Institutions liturgiques, t. I, p. 427.
LE MISSEL ROMAL\ 125
de Tours, de Bourg-es, d'Aix, de Toulouse et de
Narbonne procurèrent l'exécution de la bulle de
saint Pie V ; des mesures analogues furent prises
dans les autres provinces où Ton ne tint pas de
Concile. L'Ang"leterre passée tout entière au pro-
testantisme resta en dehors de ce mouvement,
mais les missionnaires catholiques y firent entrer
insensiblement et à la longue la réforme de saint
Pie V.
Plus rares, comme on le voit, furent les églises
qui profitèrent de l'exception ; on cite en Italie
l'église de Milan. Saint Charles Borromée qui la
gouvernait alors maintint avec un grand zèle la
vénérable liturgie ambrosienne ; mais en même
temps, il procura l'introduction du Missel de
saint Pie V dans toutes les églises de sa ville, de
son diocèse et de sa métropole, obligées par le
droit ou la coutume à suivre le rite romain.
L'église de Brague en Portugal conserva sa litur-
gie propre, conforme d'ailleurs au romain à part
quelques particularités. On fit aussi d'abord
quelques réserves dans les villes des bords du
Rhin, comme Cologne, Trêves, Mayence, Cons-
tance, Wurtzbourg, Worms et Spire; ces réserves
durèrent peu de temps. Il en fut de même dans la
Suisse et la Franche-Comté. En France, la métro-
pole de Vienne ne fit qu'épurer ses anciens livres;
Sens et les églises qui en dépendaient comme
Paris, Meaux, Chartres suivirent cet exemple.
Rome d'ailleurs se prêta volontiers à la conces-
sion de propres diocésains où les usages locaux
s'unissaient aux pures traditions romaines. On eut
ainsi les Missalia ad Romani formant, ou Juxta
mentem Concilii Tridentini {i).
(i) Dora Guéranger Institutions liturgiques, t. I, p. 427.
Du Lac, La Liturs^ie romaine et les liturgies françaises ^
p. 2o3. Voir aussi dans le Bréviaire Romain, ses origines,
9on histoire, les pages 116 à 122.
126 LE MISSEL ROMAIN
L'acceptation du Missel de saint Pie V revêtit
les mêmes caractères chez les Ordres religieux.
Les moines bénédictins, dont le Missel n'était
autre que le Missel romain, adoptèrent le Missale
Piamtin. Les Carmes et les Carmélites de l'an-
cienne observance g-ardèrent leur liturgie, comme
aussi les Chartreux. Parmi les Ordres mendiants,
les Dominicains conservèrent certains rites et
certaines prières de l'ordinaire de la messe, tout
en ayant le Romain pur dans le texte de leur
Missel. Les Franciscains avaient déjà le Missel de
la curie romaine, ils prirent le Missel de saint
Pie V en y fondant leur propre. Les Ordres des
Clercs réguliers suivirent sans exception les
nouveaux livres ; les Théatins avaient pris une
part active à cette réforme ; les Jésuites, par la
volonté de leur saint fondateur devaient suivre la
forme d'office observée parTEglise romaine ; les
autres familles religieuses du même genre mar-
chèrent sur ces nobles traces. Les Prémontrés
exceptés, tous les Ordres de chanoines réguliers
embrassèrent partout la liturgie réformée. Quant
aux religieuses, celles qui se rattachaient aux
divers Ordres d'hommes les imitèrent ; celles dont
l'institut était isolé adoptèrent sans plus varier
jamais les livres de la liturgie romaine.
IL — En conséquence, on vit se multiplier
partout les éditions du Missale Piaintm avec la
Constitution du Souverain Pontife. Il est impos-
sible de les mentionner toutes : la première en
date, imprimée à Rome en 1570, contient une
correction au texte évangélique du mardi après
le troisième dimanche de Carême. Aux mots du
début :
In illo teinpore respiciens Jésus in discipttlos
suos, dixit Sifnoni PeU^o : Si peccaverit... on a
LE MISSEL ROMAIN I27
substitué : In illo tempore^ dixit Jésus discipulis
suis : Si peccaverit... (i).
L'édition de Venise de 1596 fut siornalée bien-
tôt comme inexacte ; on y avait fait au Missale
Piaiitwt des additions, des retranchements et des
changements. Elle fut prohibée par décret de la
Sacrée Congrégation de l'Index (i'^^ février 1601).
On le voit, Rome veillait à ce que son œuvre fut
intégralement conservée et transmise.
CHAPITRE ni
Le Missel romain aux XVII^ et XVIIF siècles
Article L — Corrections et additions émanant
de Pautorité légitime.
L Corrections. — i. Sotts Clément VIII.
(1592-1605). — Vingt-cinq ans s'étaient à peine
écoulés et le Missel publié par ordre de saint
Pie V avait déjà subi des altérations plus nom-
breuses que celles du Bréviaire. On avait indis-
crètement corrigé, d'après la version de la Bible de
saint Jérôme, des introïts, graduels et offertoires
dont le texte, vénérable par son antiquité, était
tiré de l'ancienne Vulgate; on avait bouleversé
plusieurs épîtres et évangiles qui se lisaient dans
les messes solennelles ; on avait donné aux évan-
giles des préludes tout à fait insolites, modifié
plusieurs autres points d'une façon arbitraire.
Une commission fut donc établie ; parmi ses
membres on comptait Baronius, Bellarmin, Ghis-
(i) Zaccaria, Bibliotheca rihmlis, t. I, p. 54. Pour des ren-
seignements plus complets sur ces éditions du Missel Romain,
voir J. Weale : Catalogus Missaliu^n ritus laiini ab anno
1S75 impressorum, Londmiy 1886.
128 LE MISSEL ROMAIN
leri, Gavanti, etc. ; elle eut pour tâche de ramener
à son intégrité primitive le Missel Romain. Elle
s'en acquitta sans retard, rétablit l'ancienne leçon
sur la foi des plus graves exemplaires, fit aussi
plusieurs améliorations, en particulier pour le
développement et l'éclaircissement des rubriques ;
puis elle créa un commun des saintes femmes.
Certaines fêtes dont le rite avait été abaissé par
saint Pie V furent relevées, d'autres furent intro-
duites dans le calendrier. Cette augmentation
amena une quatrième catégorie de fêtes, celle des
doubles majeures qui prit rang entre les doubles
de seconde classe et les doubles (i). Clément VIII,
après Sixte-Quint (1589), avait soumis la Vulgate
à une nouvelle revision, mais il défendit de rem-
placer dans le Missel les textes provenant de
l'ancienne version italique ; on vient de voir que
des éditeurs s'étaient montrés trop entreprenants
à ce sujet après l'œuvre de Sixte-Quint.
Enfin Clément VIII prit les précautions pour
conserver dans son intégrité l'édition du Missel
publiée sur son ordre; des peines furent édictées
contre les infracteurs et le tout fut consigné dans
le Bref Cuin sanciissimum placé en tête des édi-
tions après la Bulle de saint Pie V.
2. Sous Urbain F/// (162 3- 1644). — Il paraît
que les précautions de Clément VIII ne produi-
sirent pas tout l'effet désirable, car, en 1634,
Urbain VIII publiait un nouveau Bref : Si quid
est in rébus hufnanis, ajouté aux deux autres dans
les éditions ultérieures du Missel. C'était la sanc-
tion de l'œuvre accomplie par une nouvelle com-
mission instituée pour corriger et expliquer les
rubriques du Missel, rétablir dans ce livre litur-
(i) Pour les nouvelles fêtes introduites sous Clément VIII
et ses successeurs immédiats, A'oir le Bréviaire Romain,
pp. 128-129.
LE MISSEL ROMAIN 1 29
gique le texte de l'Ecriture altéré en quelques
endroits.
Ces deux actes officiels prouvent la vigilance et
le soin des pontifes de Rome pour conserver
l'œuvre de saint Pie V, en même temps le zèle
actif, intelligent et discret pour y apporter les
améliorations jugées nécessaires.
IL Additions. — Cependant les mêmes Pontifes
autorisèrent de nouvelles entrées au Missel Romain
en harmonie avec celles du Bréviaire. Il nous
suffirait de renvoyer à notre opuscule sur le Bré-
viaire Romain pour les renseignements à ce sujet
si nous ne devions signaler les fêtes auxquelles
une messe propre fut concédée : c'est ce que nous
ferons le plus brièvement possible.
vSoiis Grégoire XIII (157 2- 15 85), fut instituée
une fête particulière du Saint Rosaire : elle ne
paraît pas avoir eu primitivement une messe
spéciale.
Sous Sixte- Qinnt [i^'è^-i^go) y l'impression des
stigmates de saint François, étendue à toute
l'Eglise, reçut un introït approprié : Milii autent
absit gloriari... mais les autres parties chantées
furent tirées du commun (i).
Sous 6^r^^<9?r^ X/^( 162 1- 1623), les saintsjésuites
Ignace de Loyola, François Xavier, Louis de
Gonzague, inscrits au propre, eurent chacun leur
messe ; de même aussi saint Philippe de Néri.
Parmi les fêtes introduites au calendrier sous
Urbain VIII (1623- 1644) ^^ ^^^ successeurs jus-
cju'à Clément XI (1670- 1676), seule celle des
vSaints Anges Gardiens a une messe propre ;
encore les parties en sont-elles empruntées à la
fête du 29 septembre.
(i) Pour les nouvelles fêtes introduites sous Clément VIII
et ses successeurs immédiats, voir le Bréviaire Romain,
pp. 128-129.
LE MISSEL ROMAIN. — Tome \\. o
K^O Lli MISSEL ROMAIN
Pendant le xvur siècle, les messes propres à
mentionner sont celles du Sacré Cœur de Jésus,
concédée par Clément XIII en 1765 (i) ; celles
des saints Jérôme Emilien, Joseph Calasanz et
Joseph de Cupertino établies sous Clément XIV
(1769- 1774), de saint Jean de Kenty établie sous
Pïe VI{iT^s-^199)'
Signalons, pour n'y plus revenir, les nouvelles
messes instituées pendant la première moitié
du XIX® siècle : la messe propre de saint Alphonse
de Lig-ori canonisé sous Grégoire XVI { 1 83 1 - 1 846) .
Auparavant P/(? VII (1800-1823) avait établi au
24 mai la fête de Notre-Dame Auxiliatrice (la
messe est empruntée au commun des messes de
la Sainte Vierge) et la fête des Sept Douleurs au
troisième dimanche de septembre (même messe
que pour la fête de la Compassion précédemment
fixée au vendredi de la Passion).
Article IL — Atteintes portées au Missel
Romain dans les diocèses de France et
les autres régions de l'Europe.
I . Le Parlement de Paris ne paraît pas avoir
eu confiance dans l'amélioration des livres litur-
giques opérée à Rome : offusqué de ne pas trou-
ver le nom du roi dans le Missel Romain, il statua
de son autorité laïque, matérielle, de tous points
incompétente, que les imprimeurs du royaume
devraient ajouter au canon de la messe les mots :
Pro rege Nostro N, (1580). L'Espagne catho-
lique, par respect pour l'autorité religieuse en
pareille matière, avait au moins consulté Rome
(i) La fête du Saint Cœur de Marie était, dès le xvii' siècle J
célébrée avec une messe propre dans la Congrégation du bien-l
heureux Jean Eudes, en Normandie ; mais elle ne fut intronj
duite dans quelques églises de Rome qu'au début du xix' siècle]
sous Pie VII.
LE MISSEL ROMALM 1 .^ I
avant d'agir (i). Les magistrats parisiens sen-
taient qu'une opposition sourde contre les anti-
ques principes de la liturgie allait bientôt se
produire dans les rangs du clergé : leurs prévi-
sions n'étaient que trop fondées.
Dès 1483, le chapitre de Notre-Dame de Paris
refusait de recevoir la liturgie romaine ; il fallut
toute l'habileté del'évèque Pierre de Gondy et de
la commission établie par lui pour introduire à
peu près tous les usages romains dans la liturgie
parisienne.
Au commencement du xyil*^ siècle, comme
on l'a vu dans le chapitre précédent, l'église de
France possédait l'unité liturgique ; l'assemblée
du clergé de 1605 alla jusqu'à voter un subside
pour l'impression des livres de la liturgie romaine.
Bientôt cette entente disparaît. L'évêque d'An-
gers, Charles Miron, ordonne l'introduction de la
liturgie romaine dans l'église de la Trinité de sa
ville épiscopale ; le chapitre résiste, puis de
concert avec l'abbesse et les religieuses de Ron-
ceray interjette appel au parlement de Paris.
Celui-ci casse les ordonnances épiscopales par
arrêt de 1603. L'assemblée du clergé de 1605 pro-
teste contre cet arrêt, mais, par une singulière
anomalie, concède au roi un droit spécial sur le
culte divin, ordonne l'insertion des mots : Pro
rege Nostro N. dans le canon de la messe, confor-
mément aux prescriptions du parlement. Cin-
quante ans s'écoulent à peine, et l'on voit la secte
janséniste renouveler contre le Missel romain les
attaques du protestantisme, au nom des mêmes
principes erronés. Le coup d'essai de la secte est
donné en 1660 par la traduction complète du
Missel du docteur Joseph de Voisin (2). En 1684,
(i)Dom Guéranger, Institutions liturgiques, t. 1 451.
(2) Ibid., t. II, p. II -12.
l32 LE MISSEL ROMAIN
l'archevêque François de Harlay fait à l'ég-lise de
de Paris le don d'un nouveau Missel ; non seule-
ment il y change les rubriques, mais rappelant
la maxime protestante au sujet de l'Ecriture, il
supprime dans les parties chantées toutes les for-
mules de style ecclésiastique sans égard pour le
dogme qu'elles expriment, pour le cachet mer-
veilleux et poétique qui les recommande. Tels le
Salve Sancta parens , le Gaudeamus omîtes.
Par une étrange contradiction, F. de Harlay
conserve les séquences, se permet d'en mutiler et
modifier quelques-unes, supprime les épîtres em-
pruntéesaux Livres vSapientiaux pour louer Marie.
Comme ces mutilations n'atteignent pas la ving-
tième partie de l'Antiphonaire Grégorien, on
croit pouvoir dire encore que la liturgie de Paris
demeure la liturgie romaine (i). Bientôt la secte
janséniste pousse plus loin ses audacieuses nou-
veautés et tente d'introduire la récitation du
canon de la messe à haute voix. A Meaux, par
les soins de l'abbé Ledieu, on voit dans le Misse'
de 1709 des rj" Amen introduits à la suite des
formules de la consécration et de la communion.
Une polémique s'engage à ce sujet, et, malgré
la dissertation du P. Lebrun (1725) les nova
teurs poursuivent leur œuvre (2). Ainsi le Misse
de Troyes de 1736, publié par mandement d(
l'évêque, neveu du grand Bossuet, porte entr«
autres rubriques que le canon de la messe doi
être récité, non secrètement secreto submissavoce
comme on lisait dans les Missels antérieurs, mai
sitbmissiori voce^ c'est-à-dire à voix plus basse qu
les autres parties de la messe : on n'ose pas raainm
tenir les Rf Amen^ mais on tend au même but pa^
il
(i) Dom Guéranger, Institutions liturgiques, t. il
pp. 5i-58.
(2) Ibid., t. II, p. i38.
LE MISSEL ROMAIN l33
une voie détournée. Le même Missel supprime
aussi, pour la communion des fidèles, l'usag-e
ancien de réciter : Conjîteor..., Misereatur... et
même les paroles : Ecce Agiius Dei (\). Contre le
Missel de Troyes, Lang-uet, archevêque de Sens,
se fait le défenseur de la tradition au nom des
principes de la sainte liturgie ; malheureusement
il avait lui-même battu en brèche sa protestation
par la réforme du Bréviaire de son diocèse (2).
Les novateurs ne se laissent pas arrêter pour
si peu dans ce qu'ils appellent la régénération du
culte entier. A Paris, sous le patronage de
l'archevêque, M. de Vintimille, paraît, en 1738,
un Missel bien supérieur, dit-on, à celui des
de Harlay et de Noailles (il est vrai qu'on en a
confié la rédaction à l'acolyte Mésenguy). On y
maintient d'ordinaire les épîtres et évangiles du
propre du temps, mais on en change presque tous
les introïts, sans égard pour les pratiques de la
diplomatique ancienne qui se servait des premiers
mots pour distinguer les dimanches de l'année ;
quelques introïts conservés sont déplacés sans
raison, ainsi le Vocein jtLCitnditatis passe du
5^ au 3^ dimanche après Pâques. On veut bien
encore conserver les anciennes collectes tirées
des Sacramentaires, mais on ajoute de nouvelles
préfaces composées par le janséniste Boursier ;
des proses nouvelles sont également ajoutées et
l'on corrige les anciennes, etc. — La discordance
entre les oraisons de l'office et celles de la messe
dénote une certaine précipitation de la part des
rédacteurs. Le Missel parisien de Vintimille est
en soi moins répréhensible que son Bréviaire, il
n'en contribue pas moins efficacement à éliminer
la liturgie romaine, soit à Paris, soit dans les
(i) Dom Guéranger, /3/û?., t. II, p. 141.
(2) Ibid., t. II, pp. 143-181.
104 LE MISSEL ROMAIN
divers diocèses qui avoisinent la capitale, comme
Blois, Evreux, Séez, etc. (i)
Le Missel d'Amiens de 1746 affiche la préten-
tion d'être plus catholique que le pape ; beaucoup
des collectes des dimanches après la Pentecôte,
où se trouve préconisée la doctrine de la grâce,
sont supprimées, l'évangile de chaque dimanche
devient la base de la messe entière. Sous ces
rapports, le document se montre plus révolution-
naire que les autres Missels de l'église galli-
cane (2).
Le Missel de Poitiers (1766), rédigé par le
lazariste Jacob, enchérit sur les nouveautés précé-
dentes ; on y supprime tous les anciens introïts,
y compris le Quasiinodo qui est remplacé par
Beata Gens. Pendant que Jacob avait, au Bré-
viaire, supprimé toutes les antiennes tirées des
psaumes, il entend ici prendre tous les introïts de
la messe dans le psautier, mais il écarte systémati-
quement ceux qu'avait choisis saint Grégoire (3).
Désormais, pendant tout le cours du XYIIl"^ siècle,
on ne comptera plus les innovations liturgiques
dans les divers diocèses de France. Lyon garde
ses cérémonies, mais adopte les livres de Paris
sous l'archevêque janséniste Montazet, Vienne
reçoit de l'archevêque Lefranc de Pompignan une
liturgie également éloignée du romain et de
l'antique viennois, etc. Bref, en ce temps de
défiances à l'égard de ce qui vient de Rome,
chacun fait une liturgie selon ses idées parti ctilièr es ,
tout le monde oublie, délaisse, rejette la liturgie
universelle. On a la liturgie des jansénistes, la
liturgie des catholiques ; mais catholiques et
jansénistes se piquent d'émulation, fabriquent des
(i) Dom Guéranger, Ibîd., t. II, pp. 314 et seq.
(2) Ihid., t. II, p. 345.
(3) Ibid., t. Il, p. 5o8.
LE MISSEL ROMAIN l35
Bréviaires et des Missels, les uns comme les autres
semblent ne pas même supposer possible un
retour aux livres traditionnels. Ainsi, prêtres
et évêques, profondément dévoués à Tég-lise,
subissent l'influence du gallicanisme, du jansé-
nisme et du classicisme (i). — Il devait en être
ainsi jusque dans la première partie du XIX^ siècle,
malgré les protestations des pontifes romains,
comme Clément XII (1730- 1740), Benoît XIV
(1740-1758), etc.
Dans les autres pays d'Europe les audacieuses
entreprises du Jansénisme contre la liturgie
romaine trouvèrent un certain écho. Joseph II,
surnommé par Frédéric II mon frère le sacristain,
ne pouvait manquer de réglementer la liturgie à
sa façon. Dans les provinces ecclésiastiques d'Al-
lemagne, on se laissa pénétrer par les maximes
antiliturgiques prônées en France : ainsi en 1748
l'archevêque de Trêves voulut avoir une édition
de livres liturgiques, revue et corrigée d'après les
types français. A Cologne, à partir de 1780, on
connut des innovations analogues ; Munster sui-
vit cet exemple ; l'électeur et archevêque de
Mayence (1775-1802) voulut créer un nouveau
Bréviaire en se basant sur les réformes faites à
Cologne, Munster et Trêves. Les innovations
commençaient par le Bréviaire mais s'étendaient
bien vite au Missel pour qu'il y eut harmonie entre
l'un et l'autre.
L'Italie elle-même fut atteinte : au Concile ou
Synode de Pistoie (1786), présidé par l'évêque Sci-
pion Ricci, on s'inspira tout à la fois de l'esprit
français plus subtil et de l'esprit allemand plus
hardi pour réformer Bréviaire et Missel, en variant,
corrigeant et mettant dans un meilleur ordre les
offices divins. Les actes de ce Synode furent
(i) Du Lac, La liturgie romaine et les littirgies françaises,
pp 242-243.
l36 LE MISSEL ROMAIN
condamnés par la Bulle Aîictoreni fidei Am pape
Pie VI (28 août 1794 (i).
CHAPITRE IV
Le Missel romain au XIX^ siècle.
I. Retozùr de la France et des pays allemaitds à
la liturgie romaine. — Le mouvement de réaction
naquit de la lassitude occasionnée par tant de nou-
veautés suspectes ; le clerg-é français comprit enfin
la nécessité d'appuyer la doctrine de la foi sur une
liturgie immuable, universelle, émanant d'une au-
torité infaillible. Je n'ai pas à redire ici la grande
part prise par Dom Guéranger, abbé de Solesmes,
dans le retour des diocèses de France à la liturgie
romaine. L'unité liturgique, résultat de cette
détermination, était un fait accompli à l'ouverture
du Concile du Vatican (1869) ; trente ans avaient
suffi pour réparer un égarement de cent cinquante
ans (2).
J'ai résumé en quelques lignes le retour
définitif des diocèses d'Allemagne à la liturgie
romaine durant le XIX^ siècle dans l'opuscule sur
le Bréviaire (3).
II. Modifications opérées sous Pie IX et sous
Léon XIII . — L'accroissement du calendrier sous
ces deux grands papes est assez considérable.
Beaucoup des fêtes nouvellement instituées ont
(i) Dora Guéranger, Instihttions lihtrgiques^ t. II, p. 259.
(2) La plus ancienne des liturgies françaises, celle d'Orléans,
est de 1693 ; la plus récente, celle de Meaux est de 1834 j
toutes les autres se placent entre ces deux limites extrêmes,
Du Lac, ouvr. cité, p. 255.
(3) P. 160. — De plus amples détails sont donnés dan£
D. Baumer, Histoire du Bréviaire (trad. Biron), t. II
pp. 338-370.
LE MISSEL ROMAIN 1^7
une messe propre. Telles sont les fêtes du Précieux
Sang au i^"" dimanche de juillet, de saint Justin
au 14 avril, de saint Paul de la Croix, au 28 avril,
de saint Boniface au 5 juin, des saints Cyrille et
Méthode au 7 juillet (quelques parties de cette
messe sont cependant du commun), de saint Josa-
phat au 14 novembre, de l'Immaculée Conception
au 8 décembre. Ajoutons encore comme étant
d'institution plus récente les messes des Sept Fon-
dateurs Servites au 11 février, de saint Jean
Damascène au 27 mars, de saint Jean de Capistran
au 28 mars, de saint Jean-Baptiste de la Salle au
15 mai, de saint Antoine-Marie Zaccaria au 5 juil-
let. Les fêtes nouvelles occasionnent parfois
un déplacement de date des fêtes plus anciennes ;
par exemple celle de saint Zaccaria a fait repor-
ter au 7 juillet la fête des saints Cyrille et Méthode.
Sous Léon XIII encore, la fête du Saint Rosaire
(i^"" Dimanche d'octobre), élevée au rang- de dou-
ble de 2*^ classe, a reçu une nouvelle messe spé-
ciale en même temps qu'un nouvel office.
L'accroissement dans le nombre des fêtes a fait
craindre un encombrement du calendrier, d'autre
part il n'était pas toujours facile de trouver une
place aux fêtes transférées : aussi Léon XIII a
cru devoir modifier les règles concernant la
translation. Cette mesure a entraîné des modifi-
cations dans les rubriques générales du Missel
comme dans celles du Bréviaire : à partir de 1897,
les nouvelles éditions devront tenir compte des
additions et corrections prescrites. Enfin la
concession (1883) de messes votives pour chaque
jour de la semaine a entraîné une nouvelle addi-
tion au Missel. Il est vrai que cette addition est
peu considérable car la plupart de ces messes se
trouvaient déjà dans le corps du recueil ; on se
contente d'y renvoyer.
Les règles établies restent toujours subordon-
l38 LE MISSEL ROMAIN
nées aux modifications de détail occasionnées
par un changement de circonstances ; les Souve-
rains Pontifes prononcent en dernier ressort,
mais pour s'éclairer eux-mêmes sur l'opportunité
des modifications à faire, ils ont établi la Sacrée
Congrégation des Rites (1587). Vers la fin de son
pontificat, Léon XIII a de plus créé une Commis-
sion liturgique pour rendre aussi conformes que
possible aux données de l'histoire les prochaines
éditions du Bréviaire, du Missel, du Pontifical et
du Rituel. Ainsi l'Eglise romaine, jalouse de
conserver intacts les livres liturgiques qu'elle a
reçus des siècles antérieurs, reconnaît néanmoins
la possibilité de les améliorer et de les perfec-
tionner.
Conclusion
Jetons un regard en arrière sur le chemin par-
couru dans cette étude. Pendant les cinq premiers
siècles, malgré le mystère qui planesur la célébra-
tion du saint Sacrifice, malgré la réserve avec la-
quelle en parlent les premiers apologistes et les
plus anciens Pères, on peut néanmoins établir les
éléments essentiels de ce grand acte, constater leur
identité avec ceux qui le constituent présentement
dans l'Église romaine. L'Orient et l'Occident
s'accordent pour présenter au Seigneur une même
oblation, fondée sur l'acte divin accompli par
Jésus-Christ à la Cène, renouvelée en conformité
avec la prescription donnée par l'Homme-Dieu à
la veille même de sa mort. De part et d'autre,
on trouve dans la messe deux parties distinctes,
savoir : la messe des catéchumènes où domine
l'instruction ; les lectures, la prière et les chants
en forment l'élément principal ; la messe des
fidèles dont les actes essentiels sont l' Oblation, la
LE MISSEL ROMAIN lô()
Consécration et la Communion. Dans la Consé-
cration est le centre même du vSacrifice ; les
paroles de l'Institution de l'Eucharistie s'y
retrouvent partout et toujours ; partout et tou-
jours aussi l'acte de la fraction en est l'accompa-
gnement obligé, à tel point que l'expression
fracUo panis a longtemps été employée pour
désigner le Sacrifice lui-même. Quant aux for-
mules et à leur ordre de succession, l'Occident
voit s'établir au v^ siècle deux courants dont l'un
(le courant gallican) prétend se rattacher plus
étroitement aux pratiques orientales.
Du V^ aie IX^ sûcle, les formules et lectures qui
accompagnent l'offrande du saint Sacrifice sont
distribuées entre plusieurs recueils ayant chacun
sa destination spéciale. Le Sacrameiitarre , à
l'usage du célébrant, est le principal et le plus
important : là sont consignées les prières récitées
à l'autel, et surtout les prières du canon, elles ten-
dent à s'y fixer d'une façon invariable pour toutes
les églises occidentales. Rome fournit les plus
anciens de ces recueils dans les vSacramentaires
Léonien, Gélasien et Grégorien. Le Gélasien
pénètre le premier en Gaule oii il s'imprègne
d'éléments gallicans ; le Grégorien l'y supplante
et subit après lui une influence analogue, de sorte
qu'au ix*^ siècle, Rome se trouve en possession
d'une sorte de liturgie utixte : avec des éléments
gallicans, puisés dans les plus anciens recueils de
la Gaule, reviennent à Rome certaines pratiques
du Gélasien qu'elle avait délaissées pour un
temps. Le canon de la messe reçoit enfin sa forme
définitive, tandis que les autres parties de l'ordi-
naire et l'élément variable, en connexion avec le
calendrier, sont encore en voie de formation.
(IX^ siècle).
C'est l'époque où le Missel plénier fait sa pre-
mière apparition. Dans un même livre, on réunit
140 LE MISSEL ROMAIN
successivement les oraisons, les lectures, et les
parties chantées. L'initiative de cette innovation
paraît due à Alcuin qui composa une série de
messes pour les jours de la semaine, premier
noyau de nos messes votives. En attendant que les
copistes puissent donner des missels complets
d'après le nouveau plan, on utilise les Sacramen-
taires existants par l'addition d'annotations en
marge et même de leçons entières. Lorsque se
ferme définitivement la période des Sacra-
mentaires, l'ordinaire de la messe a reçu quelques
accroissements, mais la forme en est à peu près
universellement fixée, sauf les particularités de
certaines églises et de certains ordres religieux.
Le Missel dit de la Curie romaine^ voit se grossir
soncalendrier, etgrâceauxFranciscains, se répand
dans les diverses églises (xv^ siècle).
L'heure paraît venue pour l'Eglise de Rome
d'intervenir et de présenter à toute la chrétienté
un Missel uniforme ; l'occasion lui en est fournie
par le trouble jeté jusque dans la liturgie par le
protestantisme. Tout semblait promettre ^iW Missel
de saint Pie V un succès durable si le particula-
risme janséniste et gallican n'était venu pour un
temps opérer une déviation dans les églises de
France. Heureusement le XIX® sièclea vu le retour à
l'unité liturgique, et l'Occident tout entier (à part
quelques exceptions légitimement autorisées) se
sert du Missel Romain, bien déterminé à recevoir
les améliorations que les Pontifes de Rome appor-
tent à ce recueil, mais fermement résolu à n'en pas
admettre d'autres.
Il y a toujours témérité à traiter ce qui touche
de près ou de loin à nos redoutables mystères.
Parlant du recueil qui renferme les prières et les
cérémonies de la messe, je n'ai pu me défendre
d'aborder parfois le grand acte renouvelé chaque
jour sur nos autels. Aussi ai-je pris la liberté de
LE MISSEL ROMAIN 141
donner pour conclusion dernière à ce travail
quelques-unes des paroles du pape Innocent III à
la fin de son Traité sur la messe :
Neino cum expositionem istam audïerii, hoc
sacrificùcm sufjicieiiter aestiniet expositum. . . Prae
foribus assidens in vestibulo, feci diligenter ui
poiui, non sufficienter 2it volui... Quocirca, non
soluni benigniiin imploro lectorent, verum etiain
desidero liberuiit correctorem, Hanc solain apud
homines hujus opitsculi inercedem expectans ut
apud 7msericordeiJt judicem pro meis peccatis
devotas oratiojies effîindant (i).
{i) De sacyo Altaris inysterio : libelli conclusio. P. Z.,
t. CCXVII, c. 913-914.
LE MlSbEL ROMAIN I40
TABLE
2- FASCICULE : LE MISSEL PLENIER
TROISIÈME PARTIE
Période du Missel plénier.
PRÉLIMINAIRES 3
Première époque : Le Missel plénier, sa formation
et sa prédominance.
Chapitre Premier. — La formation du Missel plénier
du IX* atù xii' siècle 9
Article Premier. — Précurseurs immédiats et débuts du
Missel plénier " 9
Article ii. — Le Missel plénier improprement dit 17
Article iii. — Le Missel plénier proprement dit 20
Chapitre II. — L'existence des Sacramentaires parallè-
lement aux Missels plénier s (x* au xiii* siècle.) 2 3
Article Premier. — Les documents 23
Article ii. — Le contenu des documents 32
§ I . — Place assignée au canon de la messe ;
distribution du propre du temps et
du propre des saints 32
§ 2. — Développement donné à l'ordinaire de la
messe 36
§ 3. — Particularités du propre du temps et du
propre des saints 62
§ 4. — Ecriture et ornementation des manuscrits. 71
Chapitre III. — Prédominance du Missel plénier et son
histoire aux xm*, xiv* et xv* siècles 82
Article Premier. — Substitution progressive du Missel
plénier aux Sacramentaires 83
Article ii. — Le Missel de la Curie romaine 89
Article mi. — Le Missel de quelques églises particulières
et des Ordres religieux 96
144 LE MISSEL ROMAIN
Deuxième époque : Le Missel Romain depuis
saint Pie V jusqu'à la fin du XIX' siècle.
Chapitre Premier. — Acheminetnent vers une réforme
pour l'unification du Missel.
I. — Les premiers Missels imprimés io6
II. — Nouvelles particularités introduites dans le Missel. io8
III. — Influence du protestantisme sur l'altération du
Missel 109
Chapitre II. — Le Missel romain de Saint Pie V {i^yo).
Article Premier. — Travaux préparatoires et Bulle de
promulgation ii3
Article ii. — Contenu du Missale Pianum. 114
I . — Préliminaires ii5
II. — Les quatre parties du Missel : ordinaire de la
messe ; propre du temps ; propre des saints ; commun
des saints et messes votives 116
III. — Appendice au Missel i23
Article m. — Accueil fait au Missale Pianum et sa
prompte diffusion 124
Chapitre III. — Le Missel Romain au xvii' et att
xviii* siècle.
Article Premier. — Corrections et additions émanant
de l'autorité légitime 127
Article h. — Atteintes portées au Missel Romain
dans les diocèses de France et les autres régions de
l'Europe 1 3o
Chapitre IV. — Le Missel Romain au xix* siècle i36
CONCLUSION i38
5i'j-ii. — Imp. des Orph. Appr., F. Blétit, 40, rue La Fontaine, Paris.
Baudot , J . L .
Le missel romain.
BQT
.B38
PONTIFICAL INSTITUTS
OF MEDÎAEIVAL 3TUD1ES
59 QUilEN'S PARK
JoRONTO .5i Canada